"Journée de noces chez les Cromagnons" : Wajdi Mouawad explore la folie familiale dans une pièce à huis clos sous les bombes

À l'origine, une embrouille culinaire entre la mère et le fils, sombre histoire de salade achetée chez l'Arménien, et par définition immangeable. "Une comédie, un peu libanaise", explique le jeune Wajdi Mouawad en pleine écriture, interprété par Jean Destrem dans cette pièce.

Il sera effectivement question du Liban, on rit jaune, mais l'ambiance est tout sauf comique. À 23 ans, le metteur en scène écrit une pièce sur la guerre qui ravage sa terre natale, sous la forme d'un huis clos hystérique. Ce texte de Wajdi Mouawad, Journée de noces chez les Cromagnons, voit le jour lors de son exil au Canada.

En 2025, il met enfin en scène cette première pièce, qui sera la dernière de son mandat de directeur à La Colline qu'il quittera en 2026. En quelque sorte, la boucle est bouclée pour le metteur en scène libanais.

Initialement programmée en 2024 au théâtre Le Monnot, à Beyrouth, et annulée en raison de menaces contre l'équipe artistique, la pièce de Wajdi Mouawad est à découvrir au théâtre national de La Colline, à Paris, jusqu'au 22 juin.

Folie en famille

La pièce, en arabe, se déroule dans un décor aux airs de grotte : sol en pente, fenêtres calfeutrées, absence de meubles, en prime un agneau écartelé. Les comédiens évoluent dans cette caverne, plutôt terrain miné que refuge accueillant. Éloignée des fenêtres, se déplaçant à quatre pattes, cette famille libanaise évite les snipers façon nourrisson en mode survie. Des réflexes archaïques qui sont monnaie courante depuis que la guerre civile a éclaté au Liban.

Ces Cromagnons se déclinent sous la forme d'une famille nucléaire type : la mère Nazha (interprétée par l'excellente Aïda Sabra), le père Néyif, le fils Neel et la fille Nelly. Tous vivent dans le délire propre aux peuples en guerre. La vie passée des parents et la vie manquée des enfants ne parviennent pas à dialoguer et s'entrechoquent dans la folie. Ils célèbrent ensemble les noces de la gamine, que les bombardements ont rendue narcoleptique. Seul absent à l'appel, son fiancé Ferdinand, pure invention de la famille qui aspire à un semblant de normalité.

En cuisine, la mère s'active avec la voisine, invectivant son fils qu'elle renomme volontiers "fruit de mon cul". Pendant ce temps, le père revient des courses, avec l'agneau vivant, car la boucherie visée par un énième bombardement a dû fermer dans la précipitation. Ce charivari est interrompu par les crises de panique du fils scotché à sa radio pour s'apaiser, pendant que sa sœur navigue en plein délire. En fond sonore, les bombardements et le bruit menaçants des tirs.

"La narcolepsie est un don de Dieu dans un pays en guerre."

Nazha

"Journée de noces chez les Cromagnons" de Wajdi Mouawad

Avec Journée de noces chez les Cromagnons, le metteur en scène signe une pièce sur le traumatisme de la guerre, le conflit générationnel avec une figure de mère hystérique. En somme, Wajdi Mouawad fait du Wajdi Mouawad, sans grande nouveauté.

Difficile de le lui reprocher comme il s'agit de sa première pièce, annonciatrice d'un style qui a depuis fait des ravages chez le public et la critique. Reste que les thèmes paraissent essorés, et l'ennui guette par moments le spectateur.

"Journée de noces chez les Cromagnons" de Wajdi Mouawad, du 29 avril au 22 juin au théâtre national de La Colline, 15 rue Malte-Brun, 75020 Paris.