"La Disparition de Josef Mengele" au théâtre de La Pépinière : Mikaël Chirinian impressionnant de justesse et de présence

Portée par une mise en scène d'une grande sobriété et par un comédien habité, "La Disparition de Josef Mengele", adaptée du roman éponyme d'Olivier Guez, est aussi bouleversante qu'essentielle.

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Mikaël Chirinian dans "La Disparition de Josef Mengele", au théâtre de La Pépinière, à Paris, le 26 août 2025. (JPH LARRIBE)
Mikaël Chirinian dans "La Disparition de Josef Mengele", au théâtre de La Pépinière, à Paris, le 26 août 2025. (JPH LARRIBE)

Le comédien arrive par une porte dérobée, traverse une partie de la salle et monte sur scène. Entre ses mains, un journal. Il prend place sur le plateau avec, pour tout décor, un mur blanc orné de photos encadrées d'officiers nazis et de portraits de l'ancien médecin d'Auschwitz, deux chaises, un transistor, trois valises et un chien en faïence. Comme si "l'ange de la mort" était prêt à tout moment à prendre ses maigres affaires, endosser une nouvelle identité et fuir à nouveau la justice des hommes. Sa vie entière est réduite à ces rares objets. Une vie rabougrie, faite de pics d'angoisse et de montées de haine.

Dans La Disparition de Josef Mengele, au théâtre de La Pépinière, à Paris, jusqu'au 2 novembre, Mikaël Chirinian narre pendant un peu plus d'une heure la fuite de Mengele en Amérique du Sud, une performance physique et artistique.

Il raconte avec moult détails la cavale de l'officier SS. Nous sommes dans la capitale argentine. Le médecin d'Auschwitz, "l'ange de la mort", débarque avec de faux documents et des échantillons cachés de ses expériences, à Buenos Aires en 1949, après avoir envoyé près de 400 000 hommes, femmes et enfants dans les chambres à gaz entre 1943 et 1945. Il se définit comme un soldat qui a obéi aux ordres et ne comprend pas qu'il puisse être perçu comme criminel de guerre.

Josef Mengele geint, se plaint, fulmine. Et se terre. Qui est le "boucher d'Auschwitz" ? Né à Guntzbourg (Bavière) au début du XXe siècle dans une famille bourgeoise, il étudie la médecine et l'anthropologie, rejoint le parti nazi en 1937, fait son service militaire en 1940 puis se porte volontaire pour le service médical de la Waffen SS.

La fuite d'un monstre

À Auschwitz, le médecin procède au tri des déportés à leur arrivée dans le camp de concentration entre ceux qui sont aptes au travail et ceux envoyés directement à la mort. Il sélectionne ainsi les déportés qui feront l'objet d'atroces expérimentations "scientifiques".

Ce fait historique est abordé dans la pièce, de manière bouleversante, sans voyeurisme, à la force des mots.

Mikaël Chirinian dans "La Disparition de Josef Mengele", au théâtre de La Pépinière, à Paris. (JEAN-PHILIPPE LARRIBE)
Mikaël Chirinian dans "La Disparition de Josef Mengele", au théâtre de La Pépinière, à Paris. (JEAN-PHILIPPE LARRIBE)

Sur scène, tout en colère retenue et en irruptions soudaines, Mikaël Chirinian nous fait vivre la cavale de quarante ans d'un homme aigri, malade de ses obsessions, affolé à l'idée d'être arrêté et jugé par une justice qu'il exècre.

Il nous dit le cheminement de Josef Mengele devenu Wolfgang Gerhard, Helmut Gregor, Fausto Rindon ou encore Josi Alvers Aspiazu pour échapper à ses poursuivants. Fidèle au livre La Disparition de Josef Mengele d'Olivier Guez, prix Renaudot 2017 (et dont l'adaptation au cinéma est en salles à partir du mercredi 22 octobre), la mise en scène de Benoit Giros, sobre et percutante, va à l'essentiel.

Mikaël Chirinian dans "La Disparition de Josef Mengele", au théâtre de La Pépinière, à Paris, le 26 août 2025. (JPH LARRIBE)
Mikaël Chirinian dans "La Disparition de Josef Mengele", au théâtre de La Pépinière, à Paris, le 26 août 2025. (JPH LARRIBE)

Point d'orgue de ce conte crépusculaire : la rencontre entre le fils et le père, entre Rolf et Josef Mengele : une confrontation en forme, enfin, de procès. Ce moment tendu est rendu avec une efficacité redoutable par Mikaël Chirinian. Le comédien, dans ce seul-en-scène poignant, est à la poursuite du tristement célèbre monstre, sans regrets ni remords, jusqu'aux moindres interstices. La Disparition de Josef Mengele, œuvre de salubrité publique, portée par un comédien habité. Essentielle.

La fiche

D'après le livre d'Olivier Guez, prix Renaudot 2017
Adaptation et jeu : Mikaël Chirinian
Mise en scène : Benoit Giros
Dates et horaires : jusqu'au 5 novembre 2025, les mardis et mercredis à 21h
Lieu : La Pépinière Théâtre, 7 rue Louis Le Grand, 75002 Paris
Durée : 1h10
Synopsis : En 1949, Josef Mengele débarque à Buenos Aires. Caché sous une fausse identité, l'ancien médecin tortionnaire à Auschwitz croit pouvoir s'inventer une nouvelle vie. L'Argentine est bienveillante, le monde entier veut oublier les crimes nazis. Ce spectacle est l'adaptation du roman d'Olivier Guez La Disparition de Josef Mengele et l'histoire de la cavale de l'un des plus grands criminels de guerre du XXe siècle, en Amérique du Sud, qui s'achèvera par sa mort sur une plage au Brésil en 1979. Au plus près de cet homme insaisissable, cette traversée intime et historique raconte l'impunité totale dont il a bénéficié...

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