" J'ai tout", brûlant monologue d'un homme qui n'a plus rien au Théâtre du Centre
Quitter les ruelles inondées de soleil d'Avignon, laisser la foule et le bruit. Pénétrer dans la salle du Théâtre du Centre et en ressortir une heure quinze plus tard, sonné comme un boxeur après un combat. C'est ce qu'on vit avec "J'ai tout". Ici, les uppercuts sont les mots, ceux de Thierry Illouz, qui racontent la déchéance d'un homme. Et celui qui porte les gants s'appelle Christophe Laparra.
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Son ring ? Une scène très dépouillée, éclairée par la lumière froide d'une lampe industrielle, et avec pour seul meuble un simple fauteuil. Là, dans cet espace qu'on devinera plus tard être un hall de gare désert, un homme fait les cent pas. Cravate, costume deux pièces, défraichi et froissé. Tout nous dit qu'il est au bout du rouleau. Mais ce costume fatigué est aussi la trace d'un certain statut social. "J'ai tout" va t-il répéter.
L'arrogance comme rempart à la douleur
Mais en fait, il n'a plus rien. Plus de travail, plus de femme, plus d'amis. Une réalité qu'il va nier, farouchement. Car, dès qu'il parle, son arrogance nous saute au visage. Elle est énorme, irréelle. Il s'adresse à quelqu'un mais cet autre existe t-il ou cet homme se parle-t-il en fait à lui-même ? On ne sait pas et on peut tout imaginer.
L'homme au costume n'a plus rien, alors sa puissance, il la trouve dans les mots. C'est finalement tout ce qui lui reste pour exister, c'est sa seule arme. Il éructe, il provoque, il méprise, il menace. "Détruire, c'est le début du pouvoir" dit-il. Il rabaisse pour ne pas sombrer. Mais il tourne en rond, physiquement et moralement. Il est dans une spirale infernale dont il n'arrive pas à sortir.
Au fur et à mesure de la pièce, l'homme se dépouille de ce qui a été le symbole de son ancienne vie, de sa réussite sociale : cravate, veste, chemise... Cette armure, il la dépose pour se retrouver torse nu face à nous, comme s'il voulait qu'on le voit enfin tel qu'il est, comme s'il nous demandait si on peut l'aimer comme ça, dans sa vérité. Mais s'aime t-il assez pour continuer ? L'issue de la pièce nous donnera la réponse, avec là encore, de multiples façons d'interpréter le choix de cet homme qui refuse de se laisser piétiner et de subir sa souffrance.
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Un texte incandescent
"J'ai tout" est un texte de Thierry Illouz. Cet auteur est aussi avocat spécialisé en droit pénal et social. Une expérience qui lui a permis de côtoyer la détresse humaine. Son texte (qui a été lu par Charles Berling au Festival d'Avignon en 1999 avant d'être mis en scène par Jean-Michel Ribes au Théâtre du Rond-Point à Paris en 2007) est d'une force incroyable. Les mots semblent brûlants. Et les porter sur scène semble un défi en soi.
Impossible de ne pas saluer le travail de Christophe Laparra (et de Marie Ballet qui l'a dirigé dans son travail d'acteur). Ce comédien, qui a créé la compagnie du Théâtre de Paille en Picardie, fait vivre son personnage avec une rare intensité. Son engagement est total. Avec un mélange d'énergie animale, de violence et de fragilité, il endosse le costume de cet homme qu'on a envie de détester, d'aider et d'aimer.
Cet homme, c'est vous, c'est moi, c'est nous, c'est la parole de tout ceux qui connaissent un jour l'expérience de la perte, que ce soit celle d'un amour ou d'un travail. C'est en cela aussi que la pièce est réussie car elle nous donne à voir l'être humain sous toutes ses facettes, sombres ou lumineuses.
"J'ai tout" de Thierry Illouz, mis en scène et interprété par Christophe Laparra au Théâtre du Centre à Avignon jusqu'au 27 juillet (relâche les 10 et 21 juillet) - 12h50 - Réservations : 06 04 91 55 67
A noter : Une rencontre/lecture avec Thierry Illouz et Christophe Laparra est organisée le 13 juillet à 18h au Petit Louvre, 23 rue saint Agricol à Avignon - Entrée libre
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