"Une mouette" à la Comédie-Française : Marina Hands impressionnante en mère égoïste et en artiste tourmentée

Servie par une distribution exceptionnelle, "Une mouette", libre adaptation d'Elsa Granat de la pièce d'Anton Tchekhov, rencontre un franc succès à la Comédie-Française.

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Marina Hands et Adeline d'Hermy dans "Une mouette" à la Comédie-Française, à Paris, le 1er avril 2025. (RAYNAUD DE LAGECHRISTOPHE / COLL. COMEDIE-FRANCAISE)
Marina Hands et Adeline d'Hermy dans "Une mouette" à la Comédie-Française, à Paris, le 1er avril 2025. (RAYNAUD DE LAGECHRISTOPHE / COLL. COMEDIE-FRANCAISE)

Elsa Granat entend faire en sorte que chacun puisse s'approprier le répertoire classique. Est-ce réussi avec Une mouette, une libre adaptation de la célèbre tragédie de Tchekhov ? À l'applaudimètre, le doute n'est pas permis. Le public de la salle Richelieu a réservé, lundi 13 octobre, une longue ovation aux comédiens.

Servie par une distribution cinq étoiles, notamment Marina Hands habitée par son rôle d'actrice angoissée et de mère égocentrique, l'œuvre du dramaturge russe revisitée par Elsa Granat s'ouvre sur une scène éloquente : un homme dans la pénombre appelle sa mère. Qui tarde à arriver.

Tréplev (Julien Frison), en mal d'amour, souhaite épater sa mère, Arkadina, célèbre actrice moscovite qui, avant la gloire, a connu le manque et les privations. Cette relation mère/fils imprègne toute l'œuvre. Une relation qui évoque aussi le désir de reconnaissance, la force de la créativité et le besoin impérieux de la liberté.

Quand Tréplev s'essaie à l'écriture, avec pour ambition de renouveler le théâtre, il ne récolte que mépris de la part de sa mère, toute tournée vers sa carrière. La cicatrice ne se referme jamais.

Fureur de vivre

La signature audacieuse d'Elsa Granat est surtout visible au début et à la fin de la pièce, dans la jeunesse imaginée d'Arkadina d'avant la célébrité et dans l'épilogue. La réappropriation de l'œuvre la plus fameuse de Tchekhov et la mise en scène sont susceptibles de dérouter les publics venus renouer avec le classique.

L'ingéniosité des décors permet un emboîtement d'espaces variés où se meuvent les comédiens : scène bucolique au bord d'un lac, intérieur bourgeois, chambre d'hôpital, etc.

Scène de la pièce de théâtre "Une mouette", à la Comédie-Française, à Paris, le 12 septembre 2025. (AGATHE POUPENEY / COLL. COMEDIE-FRANCAISE)
Scène de la pièce de théâtre "Une mouette", à la Comédie-Française, à Paris, le 12 septembre 2025. (AGATHE POUPENEY / COLL. COMEDIE-FRANCAISE)

Le besoin de lumière et de reconnaissance hante la plupart des personnages : Tréplev souhaite réussir dans l'écriture malgré les limites de son talent, Trigorine s'affirme comme homme de lettres et metteur en scène et Arkadina est dévorée par sa peur de l'ombre et de l'oubli. Et Nina, celle pour qui brûle Tréplev, celle qui fait chavirer Trigorine… Nina, incarnée avec brio par Adeline d'Hermy, rêve d'une carrière d'actrice à Moscou. Elle sacrifie tout pour vivre, être libre, aimer, jusqu'à l'aliénation. Elle est en quête d'absolu jusqu'au cauchemar. Et s'échine à nourrir l'insatisfaction.

Dans Une mouette, les personnages sont pris dans une frénésie aussi redoutable que destructrice. Blessés, frustrés, ils sont inaptes au bonheur. Passionnés, enflammés, ils font face à un terrible adversaire : eux-mêmes. Des êtres empêchés, vides de l'intérieur. Une mouette, le bal des egos poussé à son paroxysme, un spectacle désespérément humain.

"Une mouette" d'après Anton Tchekhov, adaptation et mise en scène d'Elsa Granat, à la Comédie-Française jusqu'au 11 janvier 2026

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