"Valentina" de Caroline Guiela Nguyen , un conte baroque et miraculeux au théâtre des Abbesses à Paris
Caroline Guiela Nguyen produit ce que l'on peut appeler un théâtre humaniste. Elle récolte les mots et les maux de la société et comme une alchimiste, les transforme en contes et légendes contemporains.
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Qu'est qu'un interprète ? C’est la question malicieuse que pose la metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen en avant-propos de sa pièce Valentina, sur la scène des Abbesses jusqu'au 15 juin (avant une tournée). Malicieuse car nous sommes au théâtre et que le texte va nous parler de traduction, d'étrangers et de langues. "Cet acte me semble très proche du théâtre puisqu’il s’agit aussi de traduire la parole de l’autre. Donc on se trouve au centre du discours mais il faut aussi se faire disparaître", dit elle.
C'est elle aussi qui donne le propos de la pièce dans le programme du Théâtre de la Ville : "C’est l’histoire d’une maman qui vient de Roumanie, avec sa fille. Elle laisse au pays son autre enfant et son mari. Toutes deux viennent en France pour faire soigner la maman qui souffre d’un problème cardiaque et c’est la petite fille, faute d’interprète fourni par l’institution, qui va traduire les consultations à sa mère."
Un texte qui raconte comment vivre dans un pays dont les mots, la langue échappent à l'entendement et comment une enfant devient la béquille de sa mère malade. Un injuste mais tendre retournement de situation.
En 2018, avec Saigon, sur la douleur de l'exil des Vietnamiens, Caroline Guiela Nguyen avait bouleversé le public au Festival d’Avignon. Aujourd’hui, elle dirige le Théâtre National de Strasbourg, scène réputée s’il en est du théâtre public.
Écrire sur la réalité
Pour écrire Valentina, elle a travaillé avec l'association Migration Santé Alsace. Elle a rencontré des traducteurs chargés d'épauler les migrants dans leurs chemins de croix administratifs. De ces échanges et partages est né un constat. Ce sont les enfants des migrants qui, plus agiles pour apprendre le français, deviennent les traducteurs de leurs parents. C'est ainsi qu'est né le personnage de Valentina, jouée ce soir-là au Théatre des Abbesses par une fascinante Angelina Iancu, sûrement âgée d'a peine 10 ans.
Ce constat d'une société qui a du mal avec l'accueil de l'autre, Guiela Nguyen le transforme en conte. Ce sens du merveilleux n'est pas sans rappeler qu'elle a travaillé avec Joël Pommerat. Car pas question d'en rester à un récit documentaire. La force provient de la magie, du miraculeux. Ainsi la pièce, comme dans les livres pour enfants commence par : "Il était une fois..."
Violons et burlesque
Sur le plateau, un décor baroque, des cœurs en porcelaine comme des icônes posées sur un autel. Un peu chambre d'enfant aux couleurs criardes et pop, avec un ours en peluche géant. Puis un peu glacial comme la salle d'attente de l'hôpital avec une toubib débordée et impuissante. Par l'inventivité de l'élégante et minimale scénographie, les personnages transportent leurs intérieurs. Dernier artifice, les six comédiens sont filmés. Leurs images projetées sont granuleuses, un rêve qui rend ce mélodrame poétique, comme un film muet. Il y a du burlesque chez Guiela Nguyen.
La pièce est en français et roumain. Parfois le brouhaha accompagné par le violon tzigane du père resté à Bucarest ressemble à ces conversations où personne n'entend plus personne. Le ton monte à la fréquence de l'arythmie cardiaque de la mère qui s'emballe. On crie, on vocifère, on pleure ou on explose de rire. L’âme des Balkans s'importe et impose sa douce folie. Alors que les battements du cœur de la mère malade résonnent sur le plateau, peu à peu l'enfant dompte le français. L'école accomplit son travail.
Vérité et mensonges
Mais pour accompagner sa mère dans son parcours de soins, pour la sauver, Valentina doit mentir. La vérité ne sort pas de la bouche des enfants, c'est bien connu. Pour Valentina, traduire la transforme en messagère de mauvaises nouvelles. Et son don pour les mensonges est un régal. Inventer de fausses raisons pour ne pas aller en cours, n'est-ce pas déjà écrire son propre roman ?
Cette courte pièce d'une heure vingt ressemble à une nouvelle, un petit roman racontant un pan d'une vie à deux. Mère et fille s'épaulent, s'étreignent, se consolent. Il y a de l'entraide à l'école, il y a de l'incompréhension à l'hôpital, le père au loin s'inquiète, Valentina est le portrait d'une société qui se débat mais ne rejette pas toujours ceux qui arrivent de loin. Les violons sanglotent mais à la fin, c'est la vie qui gagne et les cœurs battent à l'unisson...
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"Valentina" de Caroline Guiela Nguyen : est sur la scène du Théâtre des Abbesses (Paris, 18e arrondissement) jusqu'au 15 juin. Avec Chloé Catrin, Loredana Iancu, Marius Stoian, Paul Guta et, en alternance, Angelina Iancu et Cara Parvu
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