Pourquoi la fermeture temporaire de l'usine de Poissy de Stellantis, qui met 2 000 salariés au chômage partiel, suscite l'inquiétude

Le groupe automobile franco-italo-américain a annoncé lundi aux syndicats suspendre, durant trois semaines en octobre, l'activité de son site situé dans les Yvelines, justifiant la décision par "un marché difficile en Europe".

Article rédigé par Eloïse Bartoli
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les organisations syndicales manifestent pour défendre le site de Stellantis Poissy, à Paris, le 18 septembre 2025. (HERVE CHATEL / HANS LUCAS / AFP)
Les organisations syndicales manifestent pour défendre le site de Stellantis Poissy, à Paris, le 18 septembre 2025. (HERVE CHATEL / HANS LUCAS / AFP)

"C'est du jamais-vu ici", selon les syndicats. Le constructeur automobile Stellantis a annoncé, lundi 22 septembre, mettre à l'arrêt durant trois semaines l'activité de l'usine de Poissy (Yvelines) en raison de difficultés du marché automobile en Europe. Une décision confirmée par le groupe franco-italo-américain joint par franceinfo.

Dès le 13 octobre, les 2 000 salariés du site seront ainsi placés en chômage partiel et congés durant trois semaines. Franceinfo explique pourquoi cette décision provoque une importante inquiétude.

Parce qu'elle s'inscrit dans un mouvement qui touche six sites en Europe

L'annonce du groupe derrière Peugeot, Fiat et Chrysler a été faite aux syndicats lundi, lors d'une réunion extraordinaire du comité social et économique (CSE), explique Jean-Pierre Mercier, représentant de SUD du site de Poissy joint par franceinfo. Dans le détail, l'arrêt de la production entrera en vigueur le 13 octobre, et prendra fin le 31 octobre. Cela s'organise avec "trois jours de congés payés et douze jours de chômage partiel, poursuit le syndicaliste. C'est du jamais-vu sur le site de Poissy, hors période [de la crise sanitaire] du Covid-19."

Mais le site des Yvelines n'est pas le seul concerné dans le groupe. L'usine d'Eisenach, en Allemagne, va fermer durant cinq jours, et celles de Saragosse et Madrid (Espagne), respectivement durant sept et quatorze jours. Le site de Tychy, situé en Pologne, sera à l'arrêt durant neuf jours et celui de Pomigliano, en Italie, fermera quinze jours, a appris franceinfo de source proche du dossier, confirmant une information des Echos.

Parce que le marché automobile est atone

Auprès de l'AFP, le groupe Stellantis a justifié la mise à l'arrêt du site de Poissy par la nécessité d'adapter "son rythme de production à un marché difficile en Europe". "Des travaux seront réalisés pendant l'arrêt de la production, et des séances de formation seront organisées pour continuer à travailler sur la performance industrielle du site", a tenu à préciser Stellantis. Pas de quoi s'inquiéter outre mesure, selon Arnaud Aymé, spécialiste automobile au cabinet Sia Partners, joint par franceinfo.

"Quand Stellantis fait moins de ventes, il a intérêt à réduire la production plutôt que devoir faire trop de stocks, analyse-t-il. Il ne faut pas surinterpréter une telle décision, c'est plutôt courant dans l'industrie automobile", tient à relativiser l'expert. Le groupe avait été plutôt préservé ces dernières années du fait d'une demande de véhicules supérieure à l'offre. "A la sortie du Covid-19, nous avions des pénuries de certains composants qui gênaient la production de véhicules neufs", ajoute-t-il.

Mais pourquoi cet arrêt d'activité intervient-il maintenant ? "Stellantis subit deux phénomènes : un problème de part du gâteau et un de taille du gâteau", poursuit l'expert. La demande sur le marché automobile européen est en baisse du fait d'une "difficile transition du marché européen vers le véhicule électrique, et une consommation qui traîne les pieds." Stellantis subit les conséquences de cette atonie de plein fouet.

 

Le groupe est également confronté à un problème plus conjoncturel. "Certains nouveaux modèles de Stellantis ne sont pas encore pleinement disponibles et tardent à être déployés dans toutes les concessions. Or, la version du véhicule datant de plusieurs années attire moins", décortique Arnaud Aymé. Stellantis a ainsi perdu des parts de marché, au point de se faire doubler par Renault, devenu au premier trimestre le nouveau leader des voitures neuves sur le marché français, souligne Le Figaro.

Parce que les syndicats ne croient pas à une simple pause de la production

Pour les syndicats, cela ne fait pas de doute : cette décision cache des intentions plus sombres. "Stellantis déroule son plan de fermeture définitive de l'usine", affirme Jean-Pierre Mercier. Alors que la production de la voiture Mokka, construite dans cette usine, prendra fin en 2028, le syndicaliste redoute "que le site arrête de produire bien avant."

Contacté par franceinfo, Stellantis, par la voix de son porte-parole, dément toute volonté de fermer définitivement le site de Poissy, qui garde "un avenir industriel". Pas convainquant pour Jean-Pierre Mercier, qui affirme : "Si la direction veut nous rassurer, elle n'a qu'à ouvrir des négociations pour garantir l'emploi et les salaires et pour que les 2 000 salariés puissent continuer à faire vivre leur famille."

Ces inquiétudes viennent s'ajouter à un autre dossier brûlant : l'équipe de football parisienne PSG, qui souhaite quitter le Parc des Princes, envisage sérieusement de faire construire son nouveau stade sur le site de Stellantis Poissy, a confirmé le club en juin. Le site est en concurrence avec celui de Massy. Un comité sur ce thème était ainsi organisé mardi, à la mairie de Poissy, en présence de la présidente LR de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, de la maire de la ville, mais aussi des instances du PSG, affirme le syndicaliste. La présidente de région martelait en mai que le site ne pourrait accueillir le club "sans projet industriel fort". Et d'ajouter : "Ça ne peut pas être Stellantis ou le PSG, ça doit être Stellantis et le PSG."

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