: Reportage "J'ai cassé mon pare-brise avec une vis pour avoir la Switch" : les "cadeaux" des réparateurs dans le collimateur des assureurs
Si les dégradations volontaires restent rares, ces "cadeaux", proposés pour concurrencer les gros réparateurs agréés, séduisent un assuré sur trois et font gonfler le prix des factures.
/2023/07/07/64a7df4c5fe71_placeholder-36b69ec8.png)
/2023/11/10/maxnewsfrfour812257-654e366dc8879868339534.jpg)
Faire réparer son pare-brise et repartir avec une console de jeux vidéo, une trottinette ou un robot de cuisine, c'est possible. Et c'est surtout ce que dénonce France Assurance, la fédération professionnelle des sociétés d'assurance en France. Les petits garages offrent désormais des cadeaux, en plus de la franchise et du changement de pare-brise, pour concurrencer les gros réparateurs agréés.
Ces nouvelles pratiques commerciales alléchantes font gonfler le prix des factures, alors que le bris de glace représente 37% des sinistres automobiles pris en charge par les assureurs, selon Sécurité et réparation automobiles, un organisme professionnel auquel toutes les entreprises d'assurances automobile adhèrent. Cela représentait presque 1,8 milliard d'euros en 2023.
Dégâts volontaires
Ces cadeaux qui séduisent aujourd'hui un assuré sur trois, à l'image de Justin, qui a toujours rêvé d'une Nintendo Switch. Alors quand un petit caillou a fait un éclat sur son pare-brise, le Rouennais et sa compagne ont une idée : "Sur les réseaux sociaux, on voyait plusieurs témoignages de personnes qui disaient avoir réussi à changer leur pare-brise et en échange, avoir une Switch." "Pourquoi pas nous ?", se demande alors le couple.
Pour être certain que son pare-brise ne soit pas juste réparé, mais bien remplacé et ainsi obtenir le cadeau, Justin a utilisé la manière forte. "Je me rappellerai toujours de cette scène, s'amuse-t-il. Je sors le marteau et les vis. Je mets la vis dans l'impact et je commence à taper. Je me suis dit que j'allais réveiller tout l'immeuble et au final, c'est passé." Après avoir réglé les 40 euros de franchise, le trentenaire a pu repartir avec un pare-brise neuf et sa console.
"Tout est clair"
Les dégradations volontaires restent rares. "On ne cherche pas à casser son pare-brise exprès", grimace Émilie qui a vu le sien se fissurer quand elle était au volant. "Sur l'autoroute A4, un camion m'a balancé un petit caillou", raconte-t-elle. Mais en quelques clics, la mère de famille découvre un garage près de chez elle en Île-de-France, qui propose des cadeaux d'une valeur de 200 euros. "J'ai pris la Nintendo Switch", sourit-elle.
"C'est la bonne période, surtout avant Noël, ça nous fait gagner un peu d'argent."
Émilie, mère de familleà franceinfo
Émilie n'a pas déboursé un seul centime : la facture a été envoyée directement à l'assurance, qui l'a réglée, explique Selma la secrétaire commerciale du garage, spécialisé uniquement dans le remplacement de pare-brise. "On fait signer les papiers aux clients. Tout est clair, tout est bien. On leur donne leur cadeau à la fin", résume-t-elle.
Pourtant, pour pouvoir se dégager une marge tout en offrant des cadeaux, ces garagistes sont accusés de gonfler leurs factures auprès des assurances. Selma dément : "Aujourd'hui, quand on envoie une facture à une assurance, on ne peut pas surfacturer parce que derrière, il y a des experts. Et puis quand on tape la plaque d'immatriculation, on a des tarifs." La secrétaire commerciale assure par ailleurs que son garage "se fait très peu de marge".
Mais pour cette entreprise non agrée, pas le choix que de proposer des cadeaux pour attirer les clients. Dans d'autres sociétés, ils peuvent atteindre une valeur de 500 euros. C'est le cas d'un garage qui fait sa publicité sur TikTok et incite les conducteurs de motocross ou de trottinettes à passer chez eux pour recevoir une PlayStation 5. La concurrence est de plus en plus rude : en trois ans, le nombre de réparateurs de pare-brise a augmenté de 15% en France.
"Il faut mettre de la surveillance"
Rien n'étant gratuit, ces cadeaux pourraient vite être répercutés sur les cotisations des assureurs. Pour se faire une marge, ces professionnels n'ont pas d'autres choix que de surfacturer selon Jean-Philippe Dogneton. "Je suis sidéré", lâche le directeur général de la Macif, qui enregistre des factures de bris de glace beaucoup plus élevées ces derniers mois.
"On a un coût qui va du simple au double. Si on veut être efficace, on va reprendre la main."
Jean-Philippe Dogneton, directeur général de la Macifà franceinfo
Mais comment reprendre la main sur un tel marché ? "Il faut mettre de la surveillance, martèle Jean-Philippe Dogneton. Ça peut être une solution ultime. On pourrait très bien dire qu'un pare-brise vaut tant en moyenne, et dans notre limite, s'appliquera ce montant."
Une hausse de 5% des primes d'assurances automobile est attendue l'an prochain pour suivre l'inflation et pour absorber ces coûts, les assureurs n'excluent pas d'augmenter encore les cotisations, poursuit Jean Philippe Dogneton. "Évidemment, le consommateur, lui, pense aux cadeaux immédiats. Il ne pense pas à la cotisation qu'il va recevoir derrière", alerte-t-il. C'est pourquoi le directeur général de la Macif "en appelle vraiment au bon sens", mais "aussi aux parlementaires".
"Certains ont essayé en 2023 de faire passer une loi pour réguler cette question des cadeaux. La loi, finalement, n'est pas passée, fait remarquer Jean-Philippe Dogneton. Pour autant, le sujet demeure et il est bien là, posé sur la table." D'ici à ce qu'une loi encadre le remplacement des pare-brise, la Macif a trouvé un début de solution, en rachetant la filiale Mondial Pare-Brise en 2023, pour 100 millions d'euros.
À regarder
-
Tempête Benjamin : sauvetage en pleine mer
-
Nouvelle-Calédonie : 50 détenus attaquent l'État en justice
-
La langue des signes est-elle en train de mourir ?
-
Un malade de Parkinson retrouve l'usage de ses jambes
-
Ils crient tous ensemble (et c'est ok)
-
Obligée de payer une pension à sa mère maltraitante
-
Maison Blanche : Donald Trump s'offre une salle de bal
-
Musée du Louvre : de nouvelles images du cambriolage
-
Traverser ou scroller, il faut choisir
-
Manuel Valls ne veut pas vivre avec des regrets
-
Nicolas Sarkozy : protégé par des policiers en prison
-
Piétons zombies : les dangers du téléphone
-
Tempête "Benjamin" : des annulations de trains en cascade
-
Femme séquestrée : enfermée 5 ans dans un garage
-
Vaccin anti-Covid et cancer, le retour des antivax
-
A 14 ans, il a créé son propre pays
-
Ils piratent Pronote et finissent en prison
-
Aéroports régionaux : argent public pour jets privés
-
Bali : des inondations liées au surtourisme
-
Cambriolage au Louvre : une nacelle au cœur de l'enquête
-
Alpinisme : exploit français dans l'Himalaya
-
Un objet percute un Boeing 737 et blesse un pilote
-
Cambriolage au Louvre : où en est l'enquête ?
-
Jean-Yves Le Drian défend l'image de la France
-
Chine : 16 000 drones dans le ciel, un nouveau record du monde
-
Donald Trump lance de (très) grands travaux à la Maison Blanche
-
Glissement de terrain : des appartements envahis par la boue
-
Emmanuel Macron sème la confusion sur la réforme des retraites
-
Tornade meurtrière : scènes d'apocalypse dans le Val-d'Oise
-
Nicolas Sarkozy : premier jour en prison
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter