Dépenses publiques : ces ponts inachevés à plusieurs millions d'euros qui défigurent le paysage français
Des ponts qui ne mènent nulle part : inutiles, inachevés, ils sont nombreux en France à être laissés à l'abandon, défigurant le paysage. Mais quelles sont les causes de ces vestiges. Projets mal pensés, financements coupés… France Télévisions a remonté le fil, en Dordogne et dans les Ardennes.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder dans son intégralité.
Au fil de la Dordogne, à l'ombre d'un château du XIIe siècle, Lionel Michaux embarque les touristes vers une curiosité. Au milieu de la rivière, des piliers en béton et un échafaudage en métal rouillé. "Ce n'est pas du Napoléon III, mais dans la région, on lui a donné un nom. Et ce pont-là, les gens l'appellent le Pont de la Discorde", explique-t-il. Un pont inachevé, à l'abandon depuis sept ans.
"C'est un projet de déviation dont le but était d'éviter la circulation au niveau de Beynac où il peut arriver, surtout l'été, que les camions aient des difficultés à se croiser. C'est moche, ça ne profite absolument à personne. Il faudrait que les gens d'un côté ou de l'autre dans la région trouvent un accord pour pouvoir arrêter d'avoir ça en face de nous, qui défigure complètement la région et tout ce qu'il y a autour", juge le guide des Gabarres de Beynac.
"Et après on s'étonnera que les touristes ne viennent plus"
À l'origine, le projet de contournement de Beynac, un village médiéval visité chaque année par 500 000 touristes. À flanc de falaise, difficile parfois de circuler. Le département de la Dordogne imagine alors deux ponts et une nouvelle route de l'autre côté de la rivière. La préfecture donne son feu vert. Les travaux commencent. Mais un an plus tard, la justice stoppe le chantier, le jugeant sans intérêt public majeur. Bilan : 22 millions d'euros dépensés. Le département présente alors un nouveau projet encore plus cher.
"On nous a autorisés à faire ce chantier, on l'a commencé. On nous a arrêtés pour des raisons qui sont discutables, à mon avis. Et aujourd'hui, les gens demandent à ce qu'on le finisse. Ne pas gaspiller l'argent public, c'est terminer un chantier que l'on nous a autorisé à faire", déplore Germinal Peiro, président (PS) du Conseil départemental de Dordogne. Budget total : 63 millions d'euros.
Inacceptable pour les opposants, comme Philippe d'Eaubonne, un retraité qui habite en face de Beynac et de son pont fantôme. "C'est une zone exceptionnelle. Vous avez un, deux, trois, quatre, cinq, six châteaux de très grande histoire. Châteaux médiévaux extrêmement visités tout le temps de l'année et on veut nous imposer un système pour une circulation qui n'existe pas. Et après on s'étonnera que les touristes ne viennent plus en Dordogne", fustige-t-il. À ce jour, il continue de se battre devant les tribunaux.
Autre cas des les Ardennes pour plusieurs millions d'euros
De l'autre côté de la France, dans les Ardennes, un autre pont au milieu de nulle part, raccordé à rien. Cédric Sauvage y grimpe pour la première fois. L'ouvrage mène tout droit dans ses champs : "Le tracé partait en biais et coupait en deux nos terres, en privant en plus la partie gauche de l'accès pour les véhicules agricoles", explique l'opposant au pont de Warcq (Ardennes), membre de l'Association Nature et Avenir.
Cet ingénieur automobile s'est battu pendant cinq ans pour éviter d'être exproprié. Au départ, le département voulait relier la Nationale 43 à l'autoroute des Ardennes. Le but : éviter aux véhicules de prendre un raccourci en traversant le village de Warcq. Autorisé par la préfecture, le pont sort de terre avant d'être enterré par la justice quatre ans plus tard. Motif : son intérêt n'est pas établi au regard du préjudice financier et environnemental.
"On est sur un projet inepte"
"On est sur un projet inepte qu'on n'a plus qu'à combattre. Parce que ce n'est pas tellement les quelques mètres carrés, les quelques hectares qui disparaissent, le problème. Le problème c'est l'esprit, le problème c'est que ça ne sert à rien. Ce n'était pas utile", estime Cédric Sauvage. Résultat : 3 millions d'euros dépensés pour rien.
Il a fallu aussi revoir complètement le sens de circulation dans le village de Warcq. Coût : 800 000 euros de plus pour fluidifier le trafic et éviter les accidents. "Il a fallu remettre des routes en sens unique, parce qu'on n'avait presque pas de trottoir avant. Donc là, il a fallu tout remodeler pour pouvoir absorber ce flux de véhicules. Ce n'est pas du gâchis, mais bon, c'est un truc qu'on n'aurait jamais voulu avoir", déplore Jean-Luc Flahaut, adjoint (SE) en charge des travaux, mairie de Warcq.
Dans les deux cas, des ponts inutiles ou inachevés qui continuent à peser dans le paysage et dans les dépenses publiques.
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