Et si on arrêtait de se focaliser sur "l'inversion de la courbe" du chômage ?
Selon les chiffres d'octobre, le chômage recule chez les demandeurs d'emploi de catégorie A. Le ministre du Travail s'en est félicité. Et si cette obsession était dépourvue de fondement ?
Elle n'a sans doute jamais été autant scrutée. A la fin de chaque mois, le gouvernement espère l'inversion de la courbe du chômage. Le vœu s'est exaucé, en partie, jeudi 28 novembre. Le nombre de chômeurs en catégorie A (c'est-à-dire n'ayant aucune activité) s'est réduit de 0,6% en octobre, même si le nombre global de chômeurs (catégories A, B et C) a, lui, augmenté. La bataille est devenue une obsession. François Hollande a aussitôt déclaré que ces résultats encourageants "confirment que la bataille pour l'emploi peut être gagnée". Alors que le ministre du Travail, Michel Sapin, estime que "la bataille d'aujourd'hui, c'est pour une inversion de la courbe durable", francetv info vous dit pourquoi se focaliser sur cette courbe n'est pas une bonne idée.
Parce que les chiffres ne sont pas forcément fiables
Ce fut une "vraie merde" pour l'Elysée, rapporte Le Monde (article payant). Des 50 000 chômeurs de moins annoncés fin août, entre 28 000 et 21 000 l'étaient en raison d'un "dysfonctionnement" chez SFR, qui a amplifié cette baisse "record". Même si le gouvernement est resté prudent au moment de la publication de ces chiffres, la crédibilité du calcul a été entamée. "Le bug de SFR a alimenté l'idée que tout cela est fabriqué", relève Jérôme Fourquet, de l'Ifop, cité par Les Echos. Un sentiment accentué par la nouvelle hausse enregistrée en septembre, avec 10 000 chômeurs supplémentaires.
Un doute entretenu par l'UMP, qui accuse le gouvernement de "manipulation", rapporte le JDD. En l'absence de résultats positifs, François Hollande prête donc le flanc aux critiques et se retrouve piégé, analysent Les Echos.
Parce que ce n'est qu'une partie de l'iceberg
Même si elle se produisait, l'inversion de la courbe ne signifierait pas la fin du combat contre le chômage. Pour bon nombre d'économistes, cette courbe est artificielle, car dopée par les emplois aidés comme les contrats d'avenir (60 000 signés sur un objectif de 100 000 en fin d'année), les contrats de génération, ainsi que davantage de formation professionnelle pour les chômeurs. Ces emplois ont un "effet statistique", expliquait à l'annonce de leur création, fin août, l'économiste Marion Cochard.
Inversement, si la baisse ne se produisait pas avant la fin de l'année, tout ne serait pas perdu pour autant. Avec "seulement" 10 000 demandeurs d'emploi en plus en septembre, il y a "une évidente décélération", tentait de rassurer François Hollande jeudi 25 octobre. "Les derniers chiffres, si on les regarde avec objectivité, nous montrent que nous sommes sur le chemin." Pour Eric Heyer, de l'OFCE, la politique de l'emploi du gouvernement, axée sur les "contrats aidés" (320 000 contrats aidés classiques depuis janvier et 70 000 emplois d'avenir), est bonne. "Mais c'est plutôt la politique macro qui n'est pas bonne" et empêche la création d'emplois dans le privé. Ce qui fera concrètement baisser le taux de chômage, c'est le retour de la croissance avec un taux d'au moins 1,6%, estime Eric Heyer dans une interview à L'Expansion.
Parce que d'autres indicateurs sont oubliés
Quand François Hollande évoque la courbe du chômage, il se base sur les chiffres transmis par Pôle emploi, car ces données sont très sensibles aux dispositifs à court terme, comme les emplois aidés. De l'avis des économistes, pourtant, les chiffres présentés tous les trimestres par l'Insee sont plus fiables, car ils obéissent à la définition du Bureau international du travail, inchangée depuis 1982. Calculé à partir d'une enquête auprès de 100 000 personnes, le taux de chômage mesure le nombre de chômeurs dans la population active (10,5% au deuxième trimestre 2013). Cette stabilité en fait un indicateur particulièrement pertinent pour comparer les évolutions du chômage sur plusieurs années.
Autre indicateur marginalisé : la création d'emplois dans le privé. "On ne pourra vraiment parler d’amélioration qu’à partir du moment où il y aura une hausse des emplois dans le secteur privé", notait Marion Cochard. Et les derniers chiffres ne sont pas bons. Depuis le deuxième trimestre 2012, l’emploi dans les secteurs marchands diminue. Au deuxième trimestre 2013, la baisse est de 34 600 postes, après 4 700 le trimestre précédent, note l'Insee.
Les données scrutées chaque mois avec angoisse ne comptabilisent pas non plus la hausse de la population active. Lorsqu'il y a plus d'entrants sur le marché du travail, il faut davantage de créations d'emplois pour les absorber. Après une forte augmentation en 2012, elle semble se stabiliser en 2013. Un phénomène qui pourrait justement aider François Hollande à inverser la courbe du chômage, note l'économiste Olivier Passet dans une interview à L'Usine Nouvelle.
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