Dermatose nodulaire : cinq questions sur l'épizootie qui pousse la France à suspendre temporairement ses exportations de bœuf
Cette maladie strictement animale, non transmissible à l'être humain, se propage entre bovins par les mouvements d'animaux infectés. Elle a déjà provoqué l'abattage de près de 2 000 bêtes.
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C'est "un coup de massue" pour les éleveurs français. Pour faire face à la propagation de la dermatose nodulaire contagieuse dans les troupeaux bovins dans plusieurs départements français, le gouvernement a décidé, vendredi 17 octobre, de suspendre les exportations d'animaux vivants pendant quinze jours. Une décision "irresponsable", prise "sans concertation", selon les représentants de la filière, en colère. Qu'est-ce que cette maladie ? Quelles zones touche-t-elle ? Quelles autres mesures ont été prises pour endiguer l'épizootie ? Eléments de réponse.
Comment la maladie se transmet-elle ?
La dermatose nodulaire contagieuse (DNC) est une maladie virale strictement animale et n'affecte que les bovins, les buffles et les zébus. Elle n'est donc pas transmissible aux humains. Elle provoque des fièvres pouvant aller jusqu'à 41 degrés, des défauts de lactation et se repère à l'œil nu, avec l'apparition de nodules sur la peau. Selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), elle peut aussi provoquer des lésions dans la bouche et, parfois, dans les cas graves, entraîner la mort de l'animal.
Elle se propage principalement entre bovins par les mouvements d'animaux infectés. En 2024, la France, premier exportateur mondial d'animaux vivants, a envoyé à l'étranger près de 1,3 million de jeunes bovins, selon l'Institut de l'élevage (Idele). Ces animaux partent principalement en Espagne et en Italie pour être engraissés, pour, parfois, revenir en France à l'abattage. Ces deux pays frontaliers ont aussi enregistré des cas de dermatose nodulaire contagieuse.
Selon Anne-Cécile Cotillon, directrice départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations du Jura, les mouches piqueuses et les taons n'expliquent pas à eux seuls la contamination entre les différents foyers. "Leur rayon d'action est de quelques kilomètres, mais quand il y a plusieurs centaines de kilomètres, clairement, il ne peut s'agir que de mouvements d'animaux", souligne-t-elle auprès de France 3 Bourgogne Franche-Comté.
Un communiqué du ministère de l'Agriculture confirme que les foyers recensés ailleurs qu'en Savoie et Haute-Savoie, épicentres de la maladie, "résultent probablement" de mouvements "illicites" d'animaux, alors que des restrictions avaient déjà été mises en place. Pour les syndicats de la Confédération paysanne et la Coordination rurale, il est "insupportable" de mettre en cause les éleveurs, notamment ceux dont les bovins étaient coincés en altitude.
Combien y a-t-il de foyers recensés sur le territoire français ?
Comme le rapporte France 3 Bourgogne Franche-Comté, 86 exploitations françaises sont touchées par la dermatose nodulaire depuis le début de l'année. Les plus récentes sont situées dans les Pyrénées-Orientales et dans le Jura. Dans ce dernier département, le village d'Ecleux vient de recenser un troisième foyer. Les clôtures des jardins privés se parent de banderoles en soutien aux agriculteurs, car les animaux sont systématiquement abattus.
Des foyers sont également apparus dans l'Ain, le Rhône, en Isère, dans la Loire et la Saône-et-Loire. En ajoutant le Jura au dernier bilan officiel, près de 2 000 bêtes ont été euthanasiées depuis le mois de juin.
Quelles mesures avaient été mises en place jusque-là pour contenir l'épizootie ?
Outre la stratégie d'abattage des animaux infectés, une campagne de vaccination a été mise en place dans les zones concernées. Le gouvernement a annoncé avoir commandé jusqu'ici 800 000 vaccins pour un cheptel français de 15,7 millions de têtes, selon Sylvie Colas, de la Confédération paysanne. Son syndicat, ainsi que la Coordination rurale, appellent désormais à la vaccination de l'ensemble du cheptel et pas seulement des bêtes dans les zones réglementées.
La vaccination sera en tout cas "imposée" à ceux qui la refusent, a précisé vendredi la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, qui avait réuni un "Parlement du sanitaire" (éleveurs, vétérinaires, spécialistes, autorités...). Elle a également annoncé un renforcement des contrôles des mouvements des animaux dans les zones réglementées, avec des amendes ou un refus d'indemnités d'abattage en cas de non-respect des règles.
Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d'aller plus loin ?
L'annonce est tombée vendredi. "Pour 15 jours, nous fermons les marchés à l'export. Il n'y aura pas de sortie d'animaux en dehors du territoire national", a déclaré la ministre, en déplacement dans le Jura. Selon Sylvie Colas, de la Confédération paysanne, il a été expliqué, lors de la réunion de vendredi, qu'il fallait prendre les devants avant une autre réunion, mardi, à Bruxelles, qui pourrait aboutir à une décision encore plus stricte de restriction d'exportations pour la France, potentiellement dramatique pour la filière.
"On est obligés [de prendre cette décision], parce que la Commission européenne nous regarde très attentivement, a argué Annie Genevard face aux médias. Mais si tout va bien dans 15 jours, ça pourra reprendre. Et on sait que l'Espagne et l'Italie attendent nos broutards."
Pourquoi les acteurs de la filière dénoncent-ils la suspension des exportations ?
Les principaux syndicats déplorent, en premier lieu, de ne pas avoir été informés. La FNSEA, qui avait jusque-là soutenu toute la stratégie gouvernementale, s'est dite très surprise. Le syndicat majoritaire attendait au contraire des assouplissements pour exporter les jeunes bovins vaccinés depuis les zones réglementées. "J'ai un peu de difficulté à comprendre la brutalité de ces annonces" qui "ont été faites sans concertation avec la profession", a également dénoncé samedi sur franceinfo Manon Pisani, des Jeunes Agriculteurs (JA).
La profession s'inquiète aussi des conséquences de cette décision prise en pleine période de vente des veaux nés au printemps. "C'est le plus mauvais moment", affirme sur France Inter Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine, appelant la ministre à "revenir sur sa décision le plus rapidement possible". "En matière d'exportation, nous sommes en ce moment à des semaines où nous exportons 30 000 bêtes", poursuit-il, chiffrant à "plusieurs dizaines, voire centaines de millions d'euros" le manque à gagner durant ces quinze jours. Et ce, alors que la filière connaissait une embellie.
"Ce qui me met en colère, c'est que j'ai l'impression qu'on flingue la dernière filière qui, ces dernières années, arrivait à s'en sortir un petit peu mieux que les autres", s'émeut Manon Pisani. "Le marché de la viande se porte bien, et on ne peut pas vendre", confirme auprès de France 3 Bourgogne Franche-Comté l'éleveur Florian Dirand. Les prix ont plus que doublé en deux ans, explique-t-il, car il y a moins d'animaux sur le marché, moins d'éleveurs et des crises sanitaires qui ont réduit la production. "Depuis vingt ans, on attend ces prix, on les avait, et maintenant, ils ferment les frontières", abonde Anton Andermatt, secrétaire général de FDSEA de la Saône-et-Loire. Une nouvelle rencontre avec les acteurs de la filière doit se tenir lundi au ministère.
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