"Des tensions" mais pas de pénurie : pourquoi les œufs viennent à manquer dans certains supermarchés ?

Article rédigé par Eloïse Bartoli
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Un rayon d'œufs quasiment vide dans un supermarché de Valence (Drôme), le 4 avril 2025. (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS / AFP)
Un rayon d'œufs quasiment vide dans un supermarché de Valence (Drôme), le 4 avril 2025. (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS / AFP)

Alors que les consommateurs se dirigent de plus en plus vers l'achat de cette protéine animale bon marché, la filière française a du mal à répondre à l'explosion de la demande.

L'œuf a la cote. A tel point que les étals des supermarchés se retrouvent régulièrement vides. Première raison à cette offre dans le rouge : les habitudes des consommateurs qui évoluent et une demande qui a explosé ces derniers mois. Lors du premier trimestre 2025, les achats d'œufs des ménages français ont bondi de 4,2%, tous modes d'élevages confondus, par rapport à la même période de 2024, selon les chiffres du Comité national pour la promotion de l'œuf (CNPO), l'interprofession du secteur.

"On n'en a jamais vendu autant !", confirme à franceinfo Thomas Bartlett, secrétaire général du syndicat national des industriels et professionnels de l'œuf (Snipo). On a vendu, sur les neuf mois de 2025, deux millions d'œufs de plus par rapport à 2024, qui était pourtant déjà une année record", poursuit-il. L'an dernier, la moyenne d'œufs consommés par habitant était de 226, soit une hausse de 4,7% par rapport à 2023, toujours selon le CNPO. 

La protéine animale la moins chère

Cette croissance significative de la consommation d'œufs s'explique par son caractère "facile à cuisiner et ses qualités nutritionnelles reconnues", fait valoir le secrétaire général du Snipo. Les grands sportifs ou les nouveaux végétariens ne sont ainsi pas les derniers à opter pour cet aliment. Mais surtout, "il s'agit de la protéine animale la moins chère sur le marché", insiste-t-il.

"L'inflation a conduit les ménages vers cette protéine animale moins chère, et l'habitude s'est installée", abonde Alice Richard, directrice du CNPO, dans les colonnes des Echos. En juillet 2024, une étude de l'Insee a conclu que 12% des Français ont dû restreindre leurs achats de viande, poisson et autres protéines, faute de moyens face à la flambée des prix des dernières années. Une précarité alimentaire qui touche particulièrement les jeunes. Et dans ce contexte, l'œuf est sorti de son nid.

Cette tendance s'accélère ces derniers mois, selon la filière, provoquant les difficultés d'approvisionnement constatées dans certains supermarchés. "Il n'y a eu aucune baisse de production en 2025, elle est stable voire en légère hausse, assure Thomas Bartlett. Ces rayons vides ou clairsemés pour certaines références, ce n'est en aucun cas causé par une chute de la production."

Une production stable et complexe à augmenter

Le problème n'est d'ailleurs pas l'apanage de la France puisque "plusieurs pays européens" se trouvent dans la même situation. "On ne peut pas parler de pénurie en France aujourd'hui, parce que notre production reste stable", expliquait déjà en mai Alice Richard, directrice du CNPO, au micro de franceinfo, tout en reconnaissant "des tensions".

La filière tente tant bien que mal d'augmenter sa production, mais elle se heurte à des contraintes difficilement contournables. "Augmenter la production est très complexe déjà parce qu'on parle d'animaux, mais aussi de structures lourdes, avec des gros investissements nécessaires, des démarches administratives conséquentes", énumère Thomas Bartlett. Selon le sécrétaire général du Snipo, il faut au moins deux ans pour qu'un projet de création de poulailler aboutisse. "Dans ces deux ans nécessaires, on estime qu'il y a un an consacré uniquement aux démarches administratives", complète Alice Richard.

La transition des modes d'élevage enclenchée ces dernières années, d'un élevage en cages à un élevage "alternatif" ou "plein air", ralentit également le processus. En 2018, dans le cadre de la loi Egalim, l'interdiction de toute nouvelle installation de poules en cages a été actée pour le bien-être animal.

Les professionnels de la coquille, dont la filière a annoncé la création de 300 poulaillers d'ici 2030, insistent aussi sur l'objectif de continuer à produire des œufs en France et de ne pas céder une partie du marché à la concurrence étrangère. "La commercialisation d'œufs issus de poules élevées en cages et conditionnés en Ukraine dans les rayons de plusieurs enseignes leaders de la distribution", est régulièrement dénoncée par le CNPO, qui y voit le signe d'"une concurrence déloyale".

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