Déserts médicaux : pourquoi les praticiens libéraux sont en grève à partir de lundi et appellent à manifester mardi
Une proposition de loi transpartisane à l'Assemblée nationale et un plan proposé par François Bayrou provoquent la colère d'une partie des professions médicales. Elle dénonce des "contraintes" contre-productives.
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Ils sont loin d'être convaincus. Une partie importante du corps médical rejette la proposition de loi du député socialiste Guillaume Garot et le plan présenté par le Premier ministre François Bayrou pour lutter contre les déserts médicaux. Beaucoup dénoncent des mesures inefficaces pour l'avenir de leur profession, estimant par ailleurs que leur "liberté d'installation" est entravée. Voilà pourquoi Lucas Poittevin, président de l'Association nationale des étudiants de médecine en France (Anemf), a appelé à "une grève nationale intersyndicale illimitée à partir du [lundi] 28 avril".
Un appel à manifester mardi a également été lancé. L'Ordre des médecins ainsi que SOS Médecins soutiennent l'initiative. "Nous sommes prêts à tenir le bras de fer et le seul moyen, c'est de bloquer le système", affirme de son côté sur franceinfo Anna Boctor, présidente du syndicat Jeunes Médecins.
Selon la proposition de loi transpartisane portée par Guillaume Garot, l'installation d'un nouveau praticien dans les territoires déjà pourvus en médecins ne sera possible uniquement lorsqu'un autre se retire. Ils ne pourront ainsi plus s'installer librement et devront demander une autorisation à leur agence régionale de santé. Si le premier article a été adopté à l'Assemblée nationale (155 voix pour, 85 contre, trois abstentions) début avril, le reste du texte, qui comprend notamment une suppression de majoration des tarifs pour les patients sans médecin traitant, doit toujours être discuté le 6 et 7 mai avant d'être examiné ensuite par le Sénat.
Des "obligations" qui ne passent pas
"Laissons les jeunes médecins être entrepreneurs et s'épanouir !", s'insurge Anna Boctor, pédiatre à Cagnes-sur-Mer. A ses yeux, imposer des contraintes supplémentaires ne fera qu'accentuer "le burn-out et le mal-être" d'une profession déjà à bout de souffle. Marc-Hadrien Veaute, interne de 25 ans en infectiologie à l'hôpital de Cannes et président du bureau niçois de l'Intersyndicale nationale des internes (Isni), explique à France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur enchaîner les semaines à 50 heures, parfois 60 heures, pour un salaire aligné sur 35 heures. "On veut soigner le plus grand nombre, mais pas sous la contrainte", insiste-t-il, rejetant lui aussi la proposition de loi Garot.
C'est pour tenter d'apaiser cette colère que François Bayrou, lui-même hostile au projet Garot, a présenté un plan, jeudi, lors d'un déplacement dans le Cantal, l'un des départements où le nombre de médecins est insuffisant. Parmi les mesures principales : instaurer une "solidarité territoriale". Les médecins des territoires voisins des zones en tension devront ainsi effectuer "un ou deux jours par mois" de consultations dans un désert médical. "Grâce à ce mécanisme, jusqu'à 30 millions de consultations supplémentaires par an pourraient être assurées dans les zones sous-dotées", a assuré François Bayrou lors de son déplacement.
Le plan prévoit aussi d'ouvrir l'accès aux études de santé dans les territoires ruraux, de multiplier les stages pour les étudiants en médecine en dehors des grandes villes, de créer un nouveau statut de "praticien territorial de médecine ambulatoire" et de recruter 15 000 assistants médicaux d'ici à 2028. Les pharmaciens et infirmiers seront également autorisés à traiter les soins du quotidien.
"Bien que le plan d'annonces du gouvernement ait prévu pas mal d'actions pour essayer de lutter contre les déserts médicaux, on va dire que si le Parlement décide de voter la proposition de loi Garot, la régulation s'appliquera quand même", a réagi Lucas Poittevin, interrogé par l'AFP. Passer deux jours dans les zones en manque de médecins est "une mesure de contrainte [qui] ne peut que diminuer l'offre de soins", a jugé sur franceinfo Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France, le syndicat français de médecins généralistes. "Si c'est une obligation individuelle (...) ça va renforcer la grève", assure Sophie Bauer, présidente du Syndicat des médecins libéraux.
"En fait, il n'y a pas assez de médecins"
Pour de nombreux professionnels de santé, le problème de fond reste ignoré. "On est un peu surpris parce que c'est toujours raisonner comme s'il y avait beaucoup de médecins et qu'ils n'étaient pas installés là où il faut. Mais, en fait, il n'y a pas assez de médecins", déplore Patricia Lefébure, présidente de la Fédération des médecins de France (FMF).
"Si je ne suis pas dans mon cabinet, ils ne voient pas leur médecin traitant non plus. Donc ça ne fait que déplacer le problème", ajoute Sophie Bauer. D'autant que "l'incitation financière est un élément majeur des politiques proposées ces dernières années. Mais pour l'instant, on observe que cela n'a pas modifié les choix d'installation", souligne dans L'Humanité Julien Mousquès. L'économiste de la santé rappelle en outre que "la liberté d'installation est un marqueur très fort de l'exercice libéral, en termes d'identité".
Patricia Lefébure met en avant, elle, le "fort coût" d'un "cabinet secondaire". "Un échographe, ça coûte 25 000 euros. Si je vais autre part, il faut que je sois équipée, comme dans mon cabinet, or je n'ai pas les moyens d'avoir deux cabinets différents", conclut la présidente de la FMF.
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