Reportage "C'est mieux qu'en magasin" : malgré les défauts de fabrication et la qualité douteuse, de plus en plus de Français achètent de la fast-fashion en ligne

L'an dernier, les plateformes commerciales en ligne ont envoyé vers l'Europe deux fois plus de colis qu'en 2022.

Article rédigé par Sophie Auvigne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des passants circulent devant le centre commercial des Halles et sa canopée, le 5 avril 2016, à Paris.  (MAXPPP)
Des passants circulent devant le centre commercial des Halles et sa canopée, le 5 avril 2016, à Paris.  (MAXPPP)

Des mesures pour tenter d'endiguer le flux des plateformes commerciales en lignes. C'est ce que le gouvernement doit annoncer, mardi 29 avril, lors d'un déplacement à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, du ministre de l'Economie, Eric Lombard.

Le phénomène commercial venu d'Asie devient impressionnant. Les plateformes de commerce en ligne ont envoyé l'an dernier, vers l'Europe, deux fois plus de petits colis qu'en 2022. Plus de quatre milliards et demi de paquets exonérés de droits de douane, au point que les magasins traditionnels souffrent de plus en plus de cette concurrence jugée déloyale.

Les clients des plateformes fréquentent toujours les enseignes physiques, mais pas dans le but de consommer. Le petit groupe d’ados s'est donné rendez-vous aux Halles à Paris parce qu'il y a beaucoup de commerces mais c'est juste pour se promener et regarder, pas pour acheter. Pourtant, Yacine est un consommateur régulier : "Des bijoux, des écharpes, des petits objets pas chers… 50 centimes, un euro… C'est mieux qu'en magasin."

"Vu que c'est de la fast-fashion, ils font rapidement donc parfois, ils doivent se tromper ou oublier"

Samia confirme. Maintenant, elle fait plus d'achats sur les grandes plateformes chinoises que dans les magasins de la fast-fashion : "Quand on regarde sur Normal ou H&M, ça peut aller jusqu'à 25 euros alors que sur Shein tu peux les trouver pour deux euros. C'est trop cher en magasin."

Et tant pis si à l'arrivée, il y a quelques mauvaises surprises. Salima en a l’habitude mais étant donné les prix, elle n’est pas très exigeante : "C'est de mauvaise qualité parfois. On le voit sur les tissus, ils vont dire que c'est du coton mais ce n'est pas du coton du tout, c'est du polyester. Par exemple, si on achète des sandales, parfois on va trouver le même pied deux fois. Vu que c'est de la fast-fashion, ils font rapidement donc parfois, ils doivent se tromper ou oublier."

Pour aller vite, ça va même très vite. Shein par exemple : 7 000 nouvelles références de vêtements chaque jour. C'est 900 fois plus de produits qu'une enseigne traditionnelle. Et le chiffre d’affaires de la plateforme, même si elle ne le dit pas, a probablement suivi : 900% supplémentaires en trois ans selon les estimations de Bercy.

"C'est une concurrence déloyale"

Au détriment de certains commerces en France : "C'est une concurrence déloyale. Ils ne vendent même pas au prix d'achat, pour nous, ce n'est pas intéressant et ils nous piquent tout le marché." Sophie est à la tête d'une boutique de casquettes et de chaussures de marques, en plein quartier Châtelet-Les Halles : "Il y a un pourcentage infime des gens qui viennent pour acheter en boutique mais on va dire que 90% viennent pour essayer leur taille, voir comment ça tombe, et après ils achètent la copie sur internet. Ils ne se gênent plus pour me le dire, c'est tous les jours, tout le temps. On devient méchant presque quand les gens nous disent qu'ils viennent juste pour voir ce que ça donne."

"On n'est pas une boutique d'essayage, on est des vraies personnes, on a besoin d'être payés à la fin de la journée, ce n'est pas juste !"

Sophie, commerçante

à franceinfo

Quelques boutiques plus loin, Pierre a retourné le problème pour commercialiser ses crèmes de soin et ses shampoings : "On est obligés de s'adapter. Aujourd'hui, on vend sur ces grandes plateformes-là. Elles sont en train de se mettre aux normes européennes, Temu, Alibaba, toutes celles qu'on connaît." Shein et Temu sont désormais dans la liste des dix sites marchands les plus visités en France.

Malgré les défauts de fabrication et la qualité douteuse, de plus en plus de Français achètent de la fast-fashion en ligne. Reportage de Sophie Auvigne

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