Le référendum d'initiative partagée, un mécanisme voué à l'échec dès sa conception ?
Les opposants à la réforme des retraites plaçaient leurs espoirs dans cette consultation, mais le Conseil constitutionnel s'y est opposé, par deux fois. Ses modalités rendent cet outil très difficile à déclencher et long à faire aboutir.
Au lendemain du rejet, mercredi 3 mai, de la seconde demande de référendum d'initiative partagée (RIP) sur la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel, les critiques se multiplient, dans tout le spectre politique, contre cet outil créé en 2008. Sur Twitter, Marine Le Pen a dénoncé "une escroquerie démocratique qui a vocation à ne jamais être utilisée", quelques heures après la décision du Conseil constitutionnel enterrant la possibilité d'une consultation populaire sur le maintien de l'âge légal de départ à 62 ans.
Pour le député de La France insoumise François Ruffin, "les conditions [du RIP] le rendent impraticable". L'élu centriste Charles de Courson, lui, assure qu'il s'agit d'"une voie sans issue", faite pour "que ça ne fonctionne pas". Même critique côté syndical. "On a un peu le sentiment que ce texte est fait pour ce ne soit jamais utilisé", a déclaré le patron de la CFDT Laurent Berger, invité de BFMTV. Le RIP n'aurait-il donc aucune chance d'aboutir ? Les prérequis à sa mise en œuvre et les délais prévus par la loi rendent en effet son application difficile.
Un seuil de déclenchement à 185 parlementaires
Comme son nom l'indique, le référendum d'initiative partagée permet aux parlementaires et aux citoyens de s'associer pour exiger la tenue d'une consultation de la population. Dans le détail, le dispositif prévoit plusieurs étapes et pose des conditions exigeantes. En huit ans, elles n'ont d'ailleurs jamais été réunies et aucun RIP n'a été adopté depuis l'entrée en vigueur de cette procédure en 2015.
Le RIP ne peut démarrer qu'à l'initiative d'un cinquième des parlementaires, soit 185 sur 925 (577 députés et 348 sénateurs). Un seuil qui n'est pas négligeable, mais pas inatteignable non plus. A cinq reprises, le nombre suffisant de parlementaires a été réuni autour d'une proposition de loi pour organiser un RIP, et seules deux propositions de loi pour un RIP n'ont pas réuni suffisamment d'élus.
Un examen juridique par le Conseil constitutionnel
La deuxième étape est plus ardue : cette proposition de loi doit ensuite passer au crible du Conseil constitutionnel, chargé de juger si elle est conforme ou non à la Constitution, dans un délai d'un mois. En outre, son article 11 prévoit un cadre strict pour le RIP : il ne peut porter que "sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services" ou sur "la ratification d'un traité qui aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions". Impossible de proposer un RIP pour abroger une "disposition législative promulguée depuis moins d'un an". Le RIP ne peut pas non plus porter sur le même sujet qu'une proposition de loi rejetée par référendum il y a moins de deux ans.
Plusieurs RIP ont ainsi été enterrés. En 2021, les Sages ont retoqué une proposition de loi de 248 parlementaires de droite et de gauche visant à augmenter les moyens des hôpitaux. L'un des articles de cette proposition de loi prévoyait d'accorder un pouvoir de décision à la Conférence nationale de santé. Impossible d'outrepasser le pouvoir du gouvernement, a rétorqué le Conseil constitutionnel, qui a rejeté tout le texte. En 2022, un RIP sur la taxation des superprofits des entreprises a aussi été recalé. Les Sages ont estimé que la création d'un impôt ne constituait pas une "réforme relative à la politique économique de la nation".
Pour les opposants, l'examen par le Conseil constitutionnel n'est pas qu'un obstacle juridique. Ils accusent les Sages de rendre des décisions également motivées par leurs orientations politiques, comme le dénonçait le député européen de gauche Emmanuel Maurel dans un entretien à L'Express (article réservé aux abonnés).
Près de 5 millions de signatures d'électeurs nécessaires
Depuis 2015, seule une proposition de RIP sur cinq a été jugée conforme par les Sages, celle sur la privatisation des aéroports de Paris (ADP) en 2019. Mais elle n'a pas réussi à passer l'étape suivante. Car une fois validé, le texte doit récolter l'approbation de 10% des électeurs, selon la loi de 2013 qui fixe ses modalités d'organisation. La barre est haute : il fallait 4,71 millions de signatures pour que le RIP sur ADP aille à son terme, mais il n'en a recueilli qu'un peu plus d'un million.
Un passage devant le Parlement
S'il avait franchi cette étape, le chemin restait encore long : la Constitution prévoit que texte parte ensuite au Parlement. Les deux assemblées ont alors six mois pour commencer l'examen du texte. Ce n'est que si ce délai n'est pas respecté que le président est obligé de convoquer un référendum.
Le Conseil constitutionnel a lui-même dressé, en 2020, un bilan très mitigé de la procédure du RIP, jugée "dissuasive et peu lisible pour les citoyens". Il a recommandé au ministère de l'Intérieur, chargé d'enregistrer les signatures des électeurs, d'améliorer le dispositif. Ce nouveau veto du Conseil constitutionnel sur un projet de RIP relance le débat sur la démocratie participative et la création d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC).
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