Suppression de jours fériés : "Toucher à la consommation, c'est toucher au fer de lance du développement économique de ce pays", avertit Brice Sannac, hôtelier et vice-président de l'UMIH

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l'agence 6Medias
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Les professionnels du tourisme s'inquiètent de la mesure évoquée mardi par François Bayrou, qui souhaite supprimer deux jours fériés pour atteindre les économies prévues dans son budget pour l'année 2026. Invité du "11/13" ce 17 juillet, Brice Sannac, hôtelier dans les Pyrénées-Orientales et vice-président de l'UMIH (Union des Métiers de l'Industrie Hôtellerie), déplore une menace pour le secteur.

La proposition de supprimer deux jours fériés du calendrier des salariés a du mal à passer auprès de l'opposition et des Français, mais aussi du côté des professionnels du secteur du tourisme, qui expriment leur crainte de se voir privés d'une part de leur clientèle au retour des beaux jours. Parmi eux, Brice Sannac, hôtelier à Banyul-sur-Mer et Collioure (Pyrénées-Orientales) et vice-président de l'UMIH (Union des Métiers de l'Industrie Hôtellerie), invité du "11/13" ce jeudi 17 juillet.

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

Jeanne Baron : Cet impact des deux jours fériés pour votre secteur, il est dramatique, vous le considérez comme ça aujourd'hui, ça vous effraie ?

Brice Sannac : Ça nous inquiète en tout cas. Vous savez, nous, les jours fériés dans nos activités, ce sont des jours qui ne sont pas chômés, qui ne sont pas inactifs, ce sont des jours de travail, des jours sur lesquels nos collaborateurs sont revalorisés en termes financiers ou en termes de récupération, donc forcément, ça nous inquiète. C'est surtout que le budget 2025 a été un budget qui a déjà été supporté. Tous les efforts ont été supportés par le monde de l'entreprise. Et, encore une fois, on demande un effort à ceux qui travaillent, à ceux qui se lèvent le matin et qui vont travailler. Quand on voit que l'hôtellerie-restauration galère tout au long de l'année à recruter, avec plus de 200 000 offres d'emploi qui restent vacantes, ça nous inquiète.

"Nous demandons qu'il y ait la même rigueur dans la gestion de l'État que ce que dans nos entreprises"

Il y a la question de quels jours fériés supprimer ? Un exemple très clair, le lundi de Pâques, on sait que ça donne souvent le "la" dans la saison. Si ça saute, pour vous, c'est un effet qui est cataclysmique ?

Oui, toucher à la consommation, c'est toucher au fer de lance du développement économique de ce pays. Le lundi de Pâques, c'est un jour qui donne, comme vous le dites, le "la", où les Français lâchent les amarres et veulent partir vers nos destinations touristiques. Les jours du mois de mai également. Donc là, on entend qu'on parle de trois jours fériés au mois de mai. Évidemment, on préférerait que les Français aient un peu plus de pouvoir d'achat pour pouvoir davantage en profiter, mais c'est ce signal. Je regarde un peu les collègues européens, ils ont à peu près le même nombre de jours fériés que nous. Je pense que si on veut vraiment s'inspirer de ce que font nos confrères, on ferait mieux de s'inspirer de la dépense publique, on ferait mieux de s'inspirer de la rigueur qu'il y a chez nos voisins européens plutôt que d'aller sur les éléments sur lesquels, au final, la France est plutôt dans la moyenne. En tout cas, nous, chefs d'entreprise, ce que nous demandons simplement, c'est qu'il y ait la même rigueur dans la gestion de l'État que ce que nous mettons en œuvre dans nos entreprises. Une rigueur par respect pour nos collaborateurs, par respect pour nos dirigeants d'entreprises qui investissent corps et âme dans leur maison et qui, aujourd'hui, s'inquiètent de la baisse d'activité, de la baisse du pouvoir d'achat et des signaux qui sont envoyés, où on tape toujours les mêmes, ceux qui se lèvent le matin et qui vont travailler.

Ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est que ce n'est plus possible, ce n'est pas audible. Il y a des chiffres qui commencent à sortir sur combien ça coûterait à votre secteur s'il y avait deux jours fériés qui étaient supprimés. La somme, c'est 4,2 milliards d'euros. On imagine que ça va avoir des répercussions directes, ça. Sur les prix notamment, vous nous le confirmez ?

Alors pas sur les prix, Madame, sur l'emploi tout simplement. Je vais vous donner un autre chiffre : 4,8 milliards, ce sont les économies qui sont suggérées dans le plan de Monsieur Bayrou sur l'effort de l'État, de l'État en tant que tel, du grand État. Donc on fait presque peser sur le secteur touristique le même effort que sur l'État dans son ensemble. Je pense qu'il faut revoir la copie. On est évidemment pour des mesures d'économie. On est des patrons, on est responsables. On appelle vraiment le gouvernement à agir de manière plus responsable. Je pense que, si on fait le calcul d'une économie qui rapporte à la France, le tourisme est bien placé. On est le rayonnement, on est l'emploi, on est non délocalisable. On se lève tous les matins pour essayer de faire briller ce pays un peu plus. Et on va, une fois de plus, dans des solutions faciles parce qu'on sait très bien que les hôteliers et les restaurateurs n'iront pas tout casser dans la rue. Je pense qu'il faut revoir la copie. On participe à l'effort collectif. Les entreprises ont beaucoup participé. Aujourd'hui, les niveaux financiers, la santé des entreprises sont largement en difficulté dans le secteur touristique. Tous les jours, c'est une trentaine d'entreprises qui mettent la clé sous la porte. Donc voilà, soyons responsables, soyons raisonnables et travaillons tous dans la même direction pour que notre pays aille mieux.

"Ce genre de mesurette a un impact négatif sur notre économie"

Est-ce que vous avez la pression aujourd'hui, d'abord d'être une cible et ensuite d'être une cible facile ? Vous avez dit à l'instant que le gouvernement sait très bien que les restaurateurs, les hôteliers ne vont pas aller tout casser dans la rue.

C'est plus facile de s'attaquer au secteur touristique que de s'attaquer peut-être à d'autres sujets sur lesquels, justement, il y aurait des vraies économies à faire. L'idée ce n'est pas de cibler l'un ou l'autre, c'est que chacun participe de manière égale aux efforts. On a dans ce pays beaucoup de gens qui se lèvent le matin pour venir travailler dans nos établissements. Ce que je souhaite par-dessus tout, c'est que ces gens-là soient valorisés pour leur travail, qu'on puisse leur augmenter les salaires, qu'on puisse leur permettre de vivre mieux que leurs parents, et permettre à leurs enfants de vivre mieux après eux. Et je crois que ce genre de mesurette a un impact négatif sur notre économie. Et c'est une mesurette en "one shot" qui ne permettra pas de sortir de ce cercle absolument néfaste de la dette, pour la dette et avec la dette, en permanence. Le matin, quand je me lève, je ne paie pas mes salariés avec des prêts que je contracterais auprès d'un banquier. Ça ferait longtemps qu'il aurait sifflé la fin de la récré, et qu'il m'aurait renvoyé chez moi. Le matin, quand je me lève, je pense à créer de la richesse pour pouvoir créer de l'emploi, pour pouvoir créer de la valeur ajoutée pour mon pays. Je pense que ce ne sont pas des mesurettes qu'il nous faut, c'est une vision d'ensemble de notre pays et d'une certaine prospérité retrouvée.

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