"Je ne me retirerai plus pour LFI" : un an après les législatives, les candidats qui se sont désistés pour barrer la route au RN font le bilan du front républicain
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Plus de 200 candidats ont fait le choix de se désister lors du second tour des législatives de juillet 2024, afin d'empêcher le Rassemblement national d'accéder au pouvoir. Un an plus tard, ils ne prendraient pas forcément la même décision.
"Je ne me serais jamais pardonné si je m'étais maintenu." Noé Gauchard s'est désisté au second tour des législatives anticipées du 7 juillet 2024 pour faire barrage au RN. "Je sais que j'ai fait le bon choix, surtout que le Nouveau Front populaire a gagné au niveau national", se félicite l'ex-candidat de La France insoumise. La coalition des partis de gauche est effectivement bien arrivée en tête, mais sans décrocher la majorité absolue. Comme aucun des blocs politiques d'ailleurs.
Fadila Khattabi ne regrette pas non plus d'avoir retiré sa candidature et d'avoir participé au front républicain. Mais contrairement à Noé Gauchard, cette ex-professeur d'anglais a tout perdu. Après avoir connu le gouvernement comme ministre chargée des Personnes handicapées, mais aussi la présidence de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, l'ancienne ministre a expérimenté la perte de son mandat de députée. "On a été au cœur du pouvoir et ça s'est arrêté brutalement", soupire-t-elle.
Pas moins de 215 candidats qualifiés pour le second tour, appartenant à différentes forces politiques, ont retiré leur candidature pour priver le Rassemblement national d'une majorité absolue au Palais-Bourbon. Dans le détail, 129 candidats du Nouveau Front populaire et 80 du bloc central se sont désistés. Un mouvement massif qui a atteint son objectif. Le RN a fini loin des 289 sièges requis et Jordan Bardella n'a pas obtenu, comme il l'imaginait, les clés de Matignon.
"LFI est devenu l'idiot utile du RN"
"Si c'était à refaire, je le referais", assure Fadila Khattabi. Même si, à l'époque, elle reçoit des coups de fil de militants pour se maintenir dans sa circonscription de Côte-d'Or. Car c'est bien le candidat socialiste, Pierre Pribetich, qui a tiré les marrons du feu et arraché le siège de député face au candidat soutenu par le RN, Thierry Coudert. "Il ne m'a pas envoyé un mot de remerciements, il n'a pas eu la victoire modeste. Sans mon retrait, il ne passait pas", estime-t-elle aujourd'hui, un brin amère. Mais, "tout était une question de calculs" et "la dynamique" n'était pas en la faveur de l'ancienne ministre. Alors, au lendemain du 1er tour, Fadila Khattabi ne "tortille pas" et "dit les choses clairement", en appelant dans un communiqué "à voter pour le candidat du Nouveau Front populaire" afin de "faire barrage à l'extrême droite".
"S'il y a un risque de faire élire un candidat RN, je me retire, point. Je n'attends pas les consignes du parti."
Fadila Khattabi, ancienne députée Renaissance de Côte-d'Orà franceinfo
Cinq membres du gouvernement Attal ont été amenés à se désister de la sorte. Mais quelques candidats de Renaissance ont, au contraire, fait le choix de se maintenir, même face au RN. "C'est inimaginable, c'est une erreur politique", fustige Fadila Khattabi.
Patrick Vignal, ex-député Renaissance de l'Hérault, a lui bien retiré sa candidature au profit de la candidate LFI, Nadia Belaouni, afin de faire battre Charles Alloncle, député ciottiste soutenu par le RN. "Je ne veux pas un député RN de plus à l'Assemblée", justifie-t-il à l'époque, auprès de France 3. Mais il sait pourtant que "la candidate mélenchoniste ne pourra pas gagner", même avec son retrait. Et c'est bien Charles Alloncle qui a été élu, d'une courte tête (51,9% des voix). Patrick Vignal assure aujourd'hui ne pas regretter sa décision. "C'était ce que je devais à la gauche, mais ça ne marche plus. Je ne me retirerai plus pour un candidat LFI."
"Les insoumis mettent les gens dos à dos. Soutenir les David Guiraud, Thomas Portes, Ersilia Soudais, Mathilde Panot, c'est non."
Patrick Vignal, ex-député Renaissance de l'Héraultà franceinfo
Cet ancien élu socialiste va même plus loin. "Il n'y a plus de sens au front républicain. LFI est devenu l'idiot utile du RN." Une prise de position qui fait écho aux divisions qui avaient traversé à l'époque le camp présidentiel, entre ceux qui prônaient le "ni-ni" entre LFI et le RN, et ceux qui appelaient plus clairement à voter pour la gauche radicale pour battre l'extrême droite. "Aujourd'hui, ce n'est plus audible de dire que l'on se retire au profit d'un candidat LFI, estime un influent député macroniste. Les insoumis sont carbonisés dans l'opinion publique, mis à part dans leur électorat."
"Des sacrifices qui ne sont pas simples à faire"
Du côté de la gauche justement, les avis sont partagés, un an après ces législatives anticipées, pour lesquelles il a fallu battre campagne en seulement trois semaines, dans la foulée des élections européennes. Noé Gauchard savait, lui, que la circonscription dans laquelle il se présentait, la 6e du Calvados, concentrerait toute l'attention médiatique. Et pour cause, c'est celle d'Elisabeth Borne, déjà élue sur le fil en 2022 face au candidat LFI, alors qu'elle était à la tête du gouvernement. Deux ans plus tard, les deux sont de nouveau candidats, mais un troisième prétendant est venu bouleverser la donne. Le candidat RN, Nicolas Calbrix, emporte plus de 36% des suffrages au soir du premier tour, contre près de 20% pour l'ancienne Première ministre. Noé Gauchard a lui terminé troisième, avec près de 16%.
Dès le lendemain, le militant LFI annonce, dans un communiqué, son retrait afin de "barrer la route du pouvoir" au RN, mais sans appeler explicitement à voter pour Elisabeth Borne. A gauche, l'ancienne préfète fait figure d'épouvantail. Surnommée "Madame 49.3" par ses détracteurs, qui dénoncent ses choix et ses actes lors de la séquence si tourmentée de la réforme des retraites, Elisabeth Borne est loin d'être une candidate ordinaire.
Mais,"il faut avoir un minimum de cohérence. Jamais, je ne me serais remis d'avoir un candidat fasciste dans la circo, même si c'est l'une des moins simples de France, assure Noé Gauchard. Il y a des sacrifices qui ne sont pas simples à faire. Mais évidemment, on sait qu'on a fait le bon choix." Un retrait qui a permis à celle qui est désormais ministre de l'Education de l'emporter face à l'extrême droite avec plus de 56% des suffrages.
"ll n'y a pas de regret, car on sait ce qu'est le RN. Après, la colère est toujours aussi forte contre Elisabeth Borne."
Noé Gauchard, candidat LFI aux législatives 2024à franceinfo
Noé Gauchard assure qu'elle n'a eu qu'un "bref remerciement" pour lui. "Je l'ai trouvée très mauvaise dans cette séquence. Elle a fait une campagne du second tour catastrophique, ça n'incite pas les gens de gauche à voter pour elle."
Dans la 2e circonscription d'Eure-et-Loir, Nadia Faveris n'avait pas une tête d'affiche de l'ex-majorité présidentielle comme adversaire, mais le patron des députés LR de l'époque, Olivier Marleix. Cette militante PS, déjà candidate en 2017, n'a pas hésité très longtemps, en découvrant les scores du premier tour. Plus de 38% pour le candidat RN, Olivier Dubois, et un Olivier Marleix loin derrière, avec 25%, au coude-à-coude avec elle. Seulement 153 bulletins d'écart la sépare du président de groupe Les Républicains.
"Je n'ai pas de regrets"
"On était avec mon équipe et les militants quand on a eu le résultat et on s'est posé la question du maintien. Et la réponse était très claire, déjà placardée sur nos affiches où on appelait au barrage contre l'extrême droite", se souvient Nadia Faveris. Cette conseillère en insertion professionnelle rappelle le passé de Dreux, ville de sa circonscription, où le PS a perdu la mairie en 1983 au profit d'une alliance entre la droite et le Front national. "On ne prend pas de risque et je n'ai pas de regrets. J'en aurais eu si j'avais permis l'élection du RN en me maintenant au second tour", assure-t-elle. Olivier Marleix a été réélu avec 57,25% des voix.
Un an plus tard, Nadia Faveris est cependant prise de sérieux doutes. "La porosité entre LR et le RN n'a jamais été aussi importante, livre-t-elle. Eric Ciotti est parti, avec quelques députés LR, s'allier avec le RN, ce qui montre de façon éclatante que Les Républicains avaient en leur sein des personnes déjà de l'extrême droite."
"Je me poserai désormais la question à titre personnel [d'un retrait pour un candidat LR] parce que les frontières ne sont plus aussi claires qu'avant."
Nadia Faveris, candidate PS aux législatives 2024à franceinfo
Il faut dire aussi que du côté de LR, le front républicain a fait long feu depuis bien longtemps. Le parti avait laissé libre de leur choix les électeurs en cas d'absence de candidat de droite au second tour. Le vice-président du parti de l'époque, François-Xavier Bellamy, était même allé plus loin en appelant au "barrage contre LFI", assurant qu'en cas de duel avec le RN, il voterait pour le parti d'extrême droite.
Anthony Vadot fait partie des très rares candidats LR à s'être désisté, mais sans donner de consigne de vote. Dans la 4e circonscription de Saône-et-Loire, le maire de Branges est arrivé troisième avec 22,33% des voix, derrière la députée PS sortante, Cécile Untermaier (29,96%), et le candidat ciottiste, Eric Michoux (44,34%). "J'ai alors un choix à faire. Etant arrivé troisième, je sais que je n'ai aucune chance de gagner, je n'ai pas de report de voix possible."
Mais, point de barrage contre le RN dans son esprit. "Je n'ai pas annoncé de front républicain, j'ai laissé chacun responsable de son vote", explique-t-il. Finalement, c'est bien le candidat de l'extrême droite, fort d'une très confortable avance après le premier tour, qui a remporté le siège. "Et sans doute que si je m'étais maintenu, il aurait de toute façon été élu, avec cette vague nationale" pour le RN. Une vague qui s'est cependant fracassée contre un front républicain revigoré.
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