Législatives 2022 : Marine Le Pen et le RN manquent l'objectif d'être "la première force d'opposition" mais devraient envoyer au moins 20 députés à l'Assemblée
Avec 19,1% des voix au soir du premier tour dimanche, le Rassemblement national peut désormais espérer obtenir entre 20 et 45 députés au second, selon une estimation Ipsos-Sopra Steria.
C'est le résultat d'un paradoxe : l'extrême droite progresse dans les urnes mais ne confirme pas la dynamique de la présidentielle. Au soir du premier tour des élections législatives, dimanche 12 juin, le Rassemblement national (RN) obtient 19,1% des voix, soit 5,9 points de plus qu'en 2017, mais termine derrière la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes) et la majorité présidentielle.
La formation politique de Marine Le Pen peut désormais viser entre 20 et 45 sièges à l'Assemblée nationale, selon l'estimation Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et les chaînes parlementaires. Selon le parti d'extrême droite, il est qualifié pour le second tour dans au moins 200 circonscriptions. Sauf grosse surprise, le RN pourra ainsi former un groupe politique – le seuil étant fixé à 15 sièges – à l'inverse d'Eric Zemmour, son rival à l'extrême droite, qui ne totalise que 4,1% des suffrages avec ses candidats Reconquête!.
Pourtant les résultats obtenus par le RN pour ce premier tour des législatives sont trompeurs. Si le parti d'extrême droite semble en mesure de faire au moins aussi bien que les 35 députés (un record pour la formation d'extrême droite) qu'avait obtenus le Front national en 1986, Marine Le Pen rate, dans le même temps, un pari de taille : s'imposer comme la première force d'opposition face à Emmanuel Macron.
Ce score semblait malgré tout satisfaire la patronne du RN au soir du premier tour. "Le second tour nous offre la possibilité d'envoyer un groupe important de députés patriotes dans la nouvelle Assemblée. Vous avez un rôle essentiel à jouer, comme jamais. Une victoire du camp national est à portée de vote", a lancé Marine Le Pen depuis son fief d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), dimanche soir.
Une mise en route poussive
Au soir du second tour de la présidentielle, le 24 avril, la candidate du RN avait pourtant promis à ses électeurs de remporter "la grande bataille des législatives". Et puis, plus rien. La finaliste du scrutin élyséen, largement en tête au premier tour dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais avec 53,96% des voix, paie une campagne des législatives marquée par une relative discrétion. Comme le raconte Le Monde, Marine Le Pen a d'ailleurs opté pour quelques jours de vacances, avant de se lancer dans la bataille. "Une mise au vert salvatrice", selon son entourage à franceinfo.
Durant cette parenthèse, elle a laissé Jordan Bardella assurer le service après-vente de son programme sur les plateaux de télévision. Le président par intérim du parti se voulait rassurant, le 6 mai, sur franceinfo : "Nous nous sommes vus hier pour préparer son retour. Nous entrons petit à petit dans cette campagne et nous comptons bien faire élire un maximum de députés à l'Assemblée nationale".
Le RN, spectateur du duel Macron-Mélenchon
Mais à son retour, en mai, Marine Le Pen n'a jamais réussi à peser dans cette campagne. La faute à un agenda politique vite saturé par la formation du nouveau gouvernement d'Elisabeth Borne. Ou encore à la place prise par Jean-Luc Mélenchon et la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) dans les débats. "Il est opportuniste, rusé et malin l'Insoumis ! C'est vrai qu'en demandant à ses électeurs d'en faire le prochain Premier ministre d'Emmanuel Macron, il a réussi à se placer au centre, alors qu'il est arrivé derrière nous à la présidentielle", reconnaît un cadre influent du RN.
Spectateur du duel Macron-Mélenchon, le RN a donc préféré poursuivre sa campagne à bas bruit dans les territoires ruraux et les petites villes. Avec toujours en ligne de mire la même thématique : le pouvoir d'achat. Dans la continuité de sa stratégie de "dédiabolisation" largement déclinée lors de la présidentielle, Marine Le Pen a aussi refusé tout accord politique avec Eric Zemmour. Pour affaiblir un peu plus le patron de Reconquête !, elle n'a pas hésité à envoyer des candidats RN dans l'ensemble des circonscriptions où Reconquête! avait investi les siens.
Un manque d'ancrage local
La menace Zemmour n'était donc plus un sujet. Et face à la majorité présidentielle, Marine Le Pen a vite joué battue. Contrairement à l'élection présidentielle où elle a cru pouvoir rivaliser avec Emmanuel Macron, les sondages ont rapidement donné le chef de l'Etat et ses alliés en tête des législatives. Distancée d'environ 8 à 10 points par la macronie, voire par la Nupes selon les baromètres, le RN a donné l'impression de faire campagne pour sauver les meubles. A savoir : obtenir un groupe au Palais-Bourbon. Emmanuel Macron et les siens étant hors de portée, c'est donc sur Jean-Luc Mélenchon qu'elle a ciblé ses coups. Sans grand succès.
"Jean-Luc Mélenchon ment aux Français. Dès le soir du premier tour, chacun s'apercevra qu'en réalité il y a absolument zéro chance pour qu'il ait une majorité de députés à l'Assemblée nationale."
Marine le Penà franceinfo, le 7 juin 2022
L'écart systématique des voix entre la présidentielle et les législatives pour le RN est aussi l'une des explications du score réalisé ce dimanche. Le parti d'extrême droite paie d'abord son manque d'ancrage local : il ne dirige aucune des 13 régions françaises, ne dispose depuis 2017 que de sept députés à l'Assemblée et n'est à la tête que d'une vingtaine de villes. "Le RN a toujours raté les élections législatives car il n'a pas de stratégie de territorialisation. C'est aussi un parti qui ne forme plus de militants sur le terrain, et ça Marine Le Pen le paie cash", analyse le spécialiste de l'extrême droite, Erwan Lecoeur.
Mais pour le sociologue, Marine Le Pen a surtout fait l'erreur stratégique de se positionner au soir du second tour de la présidentielle comme "la première opposante" à Emmanuel Macron, à l'issue des élections législatives.
"Marine Le Pen pensait qu'elle pourrait être la première opposante à la majorité présidentielle en formant simplement un groupe. Elle ne pensait pas que la gauche parviendrait à s'unir. C'est une vraie erreur tactique"
Erwan Lecoeur, spécialiste de l'extrême droiteà franceinfo
Dimanche prochain, au soir du second tour des élections législatives, Marine Le Pen a donc de grande chance de retrouver l'Assemblée nationale aux côtés d'un nombre inédit de députés pour un parti d'extrême droite en France. Mais si c'est la première fois, sans passer par un scrutin proportionnel, que le RN aura donc un groupe de députés, la suite de la carrière politique de Marine Le Pen demeure floue. "Avant de se projeter vers la présidentielle de 2027, Marine Le Pen va surtout prendre des vacances. Ensuite, soit, Jordan Bardella est très fort et elle le soutiendra, soit, ce n'est pas le cas, et peut-être qu'elle se présentera à nouveau", confie Erwan Lecoeur.
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