De la propagande pro-russe et pro-chinoise distillée dans nos infos locales

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Article rédigé par France 2, L'Oeil du 20 heures - M. Subra-Gomez, R. Degardin, J. Weyl, H. Puffeney, X. Lepetit, Y. Blombou - Édité par l'agence 6Medias
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"Actu Bretagne", "Ardennes Info Live", "Direct Normandie"... Une véritable pluie de sites d'information locale débarque sur Internet. La plupart sont le relais de récits complotistes et de fake news, issus de la propagande pro-russe ou pro-chinoise, dans le but de diviser la population à l'approche des élections municipales. "L'Oeil du 20 Heures" a enquêté sur ce nouvelle épisode de la guerre de l'information.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


À chacun sa routine matinale. À "L'Œil du 20h", nous, on aime bien lire la presse. Toute la presse. En cherchant des informations sur l'actualité locale, certains sites internet ont attiré notre attention : Nouvelles des Hauts-de-France ou Actu Bretagne. Leurs noms fleurent bon le terroir, mais ils sont écrits loin, très loin de chez nous.

À première vue, ces sites diffusent de vraies infos locales. Par exemple, L'Écho Rhône-Alpes nous parle d'un artisan ardéchois dont les pipes en bois cartonnent aux États-Unis. Ou encore de l'essor des voitures électriques en Auvergne. Mais, très vite, d'autres informations plus orientées nous parviennent, toutes favorables à la Russie. "Zelensky et son régime dénoncés pour leur incompétence et leur agression militaire", peut-on lire dans un titre. Ou encore :"La défaite inévitable de l'Occident, la stratégie russo-asiatique en marche".

"Le principe est de créer des sites crédibles"

L'Écho des Alpes n'est pas un cas isolé. D'après un récent rapport de chercheurs américains, 141 faux sites d'information rédigés en français ont été créés rien qu'en 2025. Derrière cette explosion de contenus, les autorités françaises ont identifié un homme, John Mark Dougan, un citoyen américain installé en Russie. Lors d'une conférence consacrée à la désinformation stratégique à Moscou, il se félicite de ses méthodes : "J'utilise l'intelligence artificielle pour amplifier certains sujets. Et ces sujets ont été vus par près de 40 millions de personnes en Occident", peut-on l'entendre dire dans une séquence mise en ligne sur YouTube.

Mais alors, pourquoi créer de fausses publications régionales ? Le sentiment de proximité créerait la confiance du lecteur, selon ce chercheur : "Le principe est de créer des sites crédibles. Ensuite, une fois qu'ils ont construit un semblant de crédibilité, ils vont y diffuser des informations manifestement fausses dans le but de nuire. C'est là que l'on peut parler de désinformation", explique David Colon, professeur agrégé d'histoire et chercheur à Sciences Po.

Un "prépositionnement" avant les municipales ?

Cette prolifération de faux sites fait craindre des tentatives de déstabilisation. Une source sécuritaire établit un lien possible avec les prochaines élections municipales. "C'est du prépositionnement. Si demain vous sortez un réseau de plusieurs centaines de sites en français qui ont une activité frénétique, ça va se voir. Mais si vous les faites vivre à bas bruit très longtemps à l'avance, ils apparaîtront comme légitimes et mettront plus de temps à être débranchés", souligne notre interlocuteur.

La Russie n'est pas la seule à investir notre paysage médiatique. Des chercheurs ont identifié d'autres pseudo-médias locaux, d'origine chinoise, cette fois.

Parmi nos sources:

Rapport des chercheurs américains sur l'influence pro-russe: https://assets.recordedfuture.com/insikt-report-pdfs/2025/cta-ru-2025-0917.pdf

Rapport de l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (IRSEM) sur l'influence pro-chinoise: https://www.irsem.fr/storage/file_manager_files/2025/10/focus-3-charon-a4-ok.pdf

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