Cinq questions sur l'impact environnemental de la fast-fashion
La fast-fashion, ou "mode rapide", a révolutionné le modèle économique de l'industrie de la mode en promouvant quantité, rapidité et nouveauté. Mais au détriment de l'environnement et des conditions de travail des ouvriers.
Cet article a été publié une première fois en 2023 par le média Nowu, spécialisé en écologie.
Qu'est-ce que la fast-fashion ?
Apparu dans les années 90, le mot fast-fashion désigne un modèle économique et un mode de consommation particuliers de l’industrie de la mode, fondé sur un renouvellement rapide des collections et la fabrication de vêtements en grosse quantité et à bas coût.
Les marques de fast-fashion renouvellent ainsi leurs collections jusqu’à 36 fois par an, contre 4 fois par an pour une marque classique. Les prix ont énormément baissé. Résultat, on n’a jamais autant acheté et possédé de vêtements : aux États-Unis, un consommateur achète en moyenne un nouveau vêtement tous les 5 jours environ selon cette étude parue en 2020 dans la revue Nature.
Le modèle de la fast-fashion multiplie les impacts environnementaux et sociaux de l'industrie de la mode, et aggrave ces impacts. Par exemple, pour renouveler toujours plus vite leur catalogue et maintenir des prix bas, les marques font fabriquer les vêtements dans des pays où le salaire est moins cher, comme le Bangladesh ou le Pakistan, où elles ont peu de latitude pour contrôler les conditions de fabrication de leurs produits.
"La fast-fashion a explosé le principe des économies d’échelle : plus on produit, moins ça coûte cher à produire, résume Marie Nguyen, co-fondatrice de We Dress Fair, une marketplace de mode éthique. Mais on est arrivé au point où ça touche les droits environnementaux et humains."
Quelles sont les conséquences de la fast-fashion sur le climat ?
L’industrie de la mode représenterait jusqu’à 10% des émissions mondiales de CO2 selon l'UNEP. La majeure partie de ces émissions sont générées au stade la production des fibres textiles (70% des fibres synthétiques sont fabriquées avec du pétrole selon l'ADEME), et de leur transformation en tissu, puis en vêtement.
La fast-fashion aggrave le phénomène, en délocalisant la production de vêtement pour payer moins cher : un textile fabriqué en Chine par exemple a une empreinte carbone 40% plus élevée que s’il était fabriqué en Turquie ou en Europe, ses usines étant principalement alimentées par de l'énergie issue du charbon, pointe l'étude de Nature.
Quelles sont les conséquences de la fast-fashion sur les écosystèmes ?
Toujours selon cette étude, l'industrie de la mode est le 2e plus grand consommateur mondial d'eau. Elle est aussi responsable d'environ 20% de la pollution industrielle de l'eau, à cause de la teinture et des traitements chimiques appliqués aux tissus. Cette pollution s’infiltre dans l’eau et dans le sol, où elle perturbe les micro-organismes, plantes, insectes… La teinture des jeans représente, à elle seule, la deuxième source de pollution de l'eau dans le monde.
Le modèle de la fast-fashion entraîne également un énorme gaspillage qui se produit aussi bien avant l’achat (15% du tissu d’un vêtement serait gâché pendant sa fabrication) qu’après l’achat. Parmi les textiles jetés, à l'échelle mondiale, moins d'1% sont recyclés en moyenne. Le reste finit en décharge.
Les consommateurs ne sont pas les seuls responsables. Les marques de fast-fashion, qui font fabriquer leurs vêtements en grande quantité, se retrouvent avec des stocks d’invendus dont elles ne savent que faire. Leur destruction est illégale depuis 2022.
Tous ces impacts environnementaux sont inégalement répartis : les pays en développement, où sont fabriqués ces vêtements, en subissent la majeure partie. Au Cambodge par exemple, l’industrie de la mode génère à elle seule 60% de la pollution de l'eau et 34% de la pollution chimique nationale, rapporte l'étude de Nature.
Quel est l’impact social de la fast-fashion ?
Les ouvriers qui fabriquent les produits de fast-fashion reçoivent des salaires peu élevés et travaillent dans de mauvaises conditions. L'exemple emblématique de ces mauvaises conditions de travail est la catastrophe du Rana Plaza survenue en 2013 au Bangladesh : l’effondrement de cette usine textile avait tué plus d’un millier de personnes, devenant un symbole des mauvaises conditions dans lesquelles travaillent beaucoup de personnes de l’industrie de la mode.
La fast-fashion participe aussi indirectement à l’exploitation de la minorité ouïghoure en Chine, pointe We Dress Fair, qui avance le chiffre de 20% de la production mondiale de coton venant de la région Xinjiang où vit cette communauté.
Comment réduire l'impact environnemental de la mode ?
Dans son Green Deal, l’Union Européenne détaille plusieurs mesures de lutte contre la fast-fashion, parmi lesquelles l'interdiction la destruction des invendus, la promotion de l’écoconception et la création d'un passeport numérique pour chaque produit qui communiquerait son impact environnemental et fournirait des conseils pour le réparer et/ou le recycler.
La Fashion Revolution Week qui a lieu tous les ans depuis 2015, promeut également auprès des citoyens un autre modèle plus respectueux de la nature et des travailleurs.
Selon Marie Nguyen, prendre conscience du problème est la première étape vers un système plus vertueux : "Chacun peut sortir ses vêtements de l’armoire, regarder ce qu'il ne porte pas, et calculer le coût que ça représente. Est-ce que cette somme-là n’aurait pas pu être dépensée autrement, pour acheter moins de vêtements, mais de meilleure qualité ?"
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