"Trop peu de choses sont faites" : à l'Unoc de Nice, les petits pays océaniques dénoncent l'absence d'avancées sur la question climatique

Au cours de la Conférence de l'ONU sur les océans, les pays insulaires du Pacifique ont répété qu'il fallait lutter contre le changement climatique et sortir des énergies fossiles pour protéger les milieux marins. En vain.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Vue aérienne de l'île de Rarotonga (Iles Cook), dans l'océan Pacifique, le 11 mars 2025. (AMAZING AERIAL AGENCY / SIPA)
Vue aérienne de l'île de Rarotonga (Iles Cook), dans l'océan Pacifique, le 11 mars 2025. (AMAZING AERIAL AGENCY / SIPA)

Ils ne sont pas que "des confettis" dans l'immensité bleue. A la clôture de la troisième conférence des Nations unies sur les océans, vendredi 13 juin, les petits pays insulaires en voie de développement dressent un bilan en demi-teinte des discussions qui se sont tenues pendant toute la semaine à Nice (Alpes-Maritimes).

S'ils accueillent avec enthousiasme l'adoption prochaine d'un traité sur la haute mer ou encore les quelques avancées vers un moratoire sur l'exploitation minière des grands fonds marins, les dirigeants, experts et officiels qui ont fait le déplacement depuis le Pacifique déplorent le peu d'attention accordée à la question du climat.

"C'est la principale cause de la détérioration des océans, et nous n'en parlons pas assez", a regretté Ralph Regenvanu, le ministre de l'Environnement du Vanuatu. Cet archipel de 83 îles volcaniques et peuplées de 320 000 habitants fait partie des pays les plus exposés aux tempêtes et à la montée des eaux. Face à la menace existentielle du changement climatique, les petits pays insulaires ont haussé le ton, revendiquant à l'Unoc leur statut de "grands Etats océaniques". Pour quel bilan ? 

Une volonté de faire entendre leur voix par-delà les mers

Techniquement, l'expression se justifie. Si la population totale des petits Etats insulaires en développement (les PEID) représente un peu moins de 1% de la population mondiale, leurs zones économiques exclusives sont en moyenne 28 fois plus grandes que leur surface émergée. "Cette expression de 'grands Etats océaniques' vise à s'éloigner d'un discours qui tend à estimer que, parce qu'ils sont petits, ils n'auraient que peu de valeur dans les négociations internationales", explique Kevin Chand, ancien conseiller juridique des Vanuatu aux Nations unies. Selon lui, ce "changement de marque" est "davantage une question de fierté" : "Les délégations sont très attachées au fait d'être considérées, à juste titre, comme des acteurs importants." Pas en termes de taille, mais au regard de leur rôle crucial dans la protection de la biodiversité marine.

D'autant qu'à l'Unoc, les délégations insulaires, notamment pacifiques, ont depuis toujours donné de la voix. La Conférence de l'ONU sur les océans existe parce que "les petits pays insulaires du Pacifique se sont battus pour que les Nations unies fassent de la conservation et de l'exploitation durable des écosystèmes marins et côtiers l'un de ses 'objectifs de développement durable', quand d'autres pays ne le voulaient pas", rappelle Kevin Chand. "Le fait d'avoir remporté ce combat leur a permis de prendre la mesure du poids qu'ils peuvent avoir sur la scène internationale."

A Nice, plusieurs petits pays insulaires du Pacifique ont officialisé des mesures concrètes, souligne Kevin Chand. Les Samoa a par exemple annoncé la création de neuf zones marines entièrement protégées (interdites à la pêche et à toute activité d'extraction sur une surface équivalente au deux tiers de la France métropolitaine). Autres avancées : l'adoption prochaine d'une loi garantissant que 100% de ses eaux seront gérées de manière durable d'ici à 2030 ou la création d'un vaste sanctuaire marin aux Palaos.

Des regrets sur les actions décidées lors du sommet

D'autres ont également rejoint la coalition de pays en faveur d'un traité ambitieux sur le plastique ou ont ratifié à cette occasion le traité sur la haute mer. "Cela en dit long sur la manière dont nous nous présentons à ces conférences : en agissant et pas seulement en parlant", a taclé Sivendra Michael, ministre de l'Environnement des Fidji, à l'intention des nations continentales. En matière de climat, "trop peu de choses sont faites et trop lentement", a rappelé Hilda Heine, présidente des îles Marshall. 

Sans valeur contraignante, la déclaration signée en clôture du sommet par les Etats participants ne fait pas mention des combustibles fossiles. "L'un des principaux points que le Pacifique est venu souligner à l'Unoc était le lien entre océan et climat – l'importance de la relation entre les deux – sur l'élévation du niveau de la mer ou encore sur la migration des stocks de thon hors de ses eaux territoriales", assure Kevin Chand.

"On ne peut pas s'attaquer aux causes profondes du changement climatique avec une déclaration comme celle-ci."

Kevin Chand, ancien conseiller juridique des Vanuatu aux Nations unies

à franceinfo

D'ailleurs, l'initiative pour un traité de non-prolifération des énergies fossiles, initiée en 2022 par le Vanuatu, n'a pas récolté de nouveaux signataires à l'Unoc. A ce jour, la coalition compte 12 petits pays insulaires du Pacifique, rejoint en 2024 par la Colombie.  

Pourtant, le constat est unanime : "Quel que soit l'endroit de la planète, les îles subissent les premiers effets du dérèglement climatique, que ce soit dans l'océan Atlantique, Indien ou Pacifique. Elles ne sont pas à l'origine de ces dérèglements, mais sont les premières à les subir", a insisté Thani Mohamed-Soilihi, le ministre français de la Francophonie, qui coprésidait avec la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, un Forum des îles en marge de l'Unoc. "De ce fait, la solidarité internationale doit jouer pleinement" pour ces territoires, a continué le ministre, originaire de Mayotte.

A l'issue d'un sommet France-Pacifique organisée mardi à l'Unoc, le président de la République, Emmanuel Macron, a ainsi assuré à ces dirigeants venus de l'autre côte du globe qu'ils pouvaient "compter sur le soutien de la France pour maintenir cette ambition et promouvoir la justice climatique".

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