Tremblements de terre à Santorin : ce que l'on sait de l'activité sismique exceptionnelle qui secoue l'île grecque

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le village d'Oia, sur l'île grecque de Santorin, le 9 mai 2024. (MEHMET EMIN MENGUARSLAN / AFP)
Le village d'Oia, sur l'île grecque de Santorin, le 9 mai 2024. (MEHMET EMIN MENGUARSLAN / AFP)

De nouvelles secousses ont frappé la très touristique île grecque de Santorin entre mercredi soir et jeudi, dont l'une de magnitude supérieure à 5. Cette série de séismes déconcerte les scientifiques.

Un "essaim de séismes". Les scientifiques usent de la métaphore apicole pour qualifier le phénomène qui touche Santorin, en Grèce, depuis plusieurs jours. L'île touristique des Cyclades a encore été frappée jeudi 6 février par sept nouvelles secousses d'une magnitude supérieure à 4 sur l'échelle de Richter, survenues entre 2h23 et 3h36 du matin, selon l'Institut géodynamique d'Athènes, qui fait autorité dans le pays en matière d'analyse sismique. Au total, près de 6 000 séismes ont été recensés depuis le début de cette vague, le 26 janvier, dans la zone maritime des îles de Santorin et ses voisines Amorgos, Anafi et Ios. Une activité inédite et déconcertante, concèdent les scientifiques, qui tentent d'expliquer ce phénomène et suivent de très près les mouvements des plaques tectoniques dans la région.

Des centaines de secousses par jour

Parmi les centaines de tremblements de terre enregistrés quotidiennement depuis le 26 janvier, tous ne se font pas ressentir sur la terre ferme à Santorin. Localisés dans une zone se trouvant dans un rayon d'une trentaine de kilomètres au nord-ouest de l'île, entre Santorin et Amorgos, dans la mer Egée, ces derniers sont en général perçus dès lors qu'ils atteignent la magnitude de 4 sur l'échelle de Richter.

La secousse la plus forte a affiché une magnitude de 5,2, mercredi 5 février, vers 19 heures, après plusieurs jours de secousses d'une intensité variable et un premier séisme important, deux jours plus tôt, à 4,9. Dans la nuit de mercredi à jeudi, entre minuit et 6 heures du matin, 57 tremblements de terre ont ainsi été répertoriés.

Si le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a appelé au calme, les habitants de Santorin, de nombreux touristes et travailleurs saisonniers ont quitté l'île au cours des derniers jours, craignant que les secousses n'entraînent des glissements de terrain. Plus de 11 000 personnes ont été évacuées depuis dimanche par voie maritime et aérienne, les opérateurs ayant renforcé les liaisons par ferries et par avion. Santorin, qui compte environ 15 500 résidents permanents, accueille plus de trois millions de touristes chaque année.

Pas de dégâts pour l'instant

Dès le week-end dernier, les autorités grecques ont déployé des équipes de sauvetage et des forces spéciales en prévision d'un tremblement de terre susceptible de causer des dégâts, conseillant aux habitants d'éviter le littoral et les bâtiments abandonnés, de vider les piscines et de s'abstenir de se rassembler en grand nombre dans des espaces clos, listait The Guardian. Les écoles de plus d'une douzaine d'îles des Cyclades ont été fermées par précaution jusqu'à vendredi, incitant de nombreuses familles avec enfants à quitter provisoirement Santorin.

"Quand on est très proche de l'épicentre, ça peut commencer à générer des dégâts", note la géologue Frédérique Leclerc au micro de France Inter. Or, dans le cas présent, "les secousses sont a priori trop éloignées pour générer des dégâts pour le moment" sur les îles de Santorin et d'Amorgos.

Cité par la radio grecque Skai, le directeur de l'Autorité grecque de planification et de protection sismique, Efthymios Lekkas, a quant à lui déclaré que le scénario le plus "extrême", celui d'un tremblement de terre d'une magnitude proche de 6, pourrait causer "des dommages sur les maisons anciennes et non rénovées et éventuellement provoquer des glissements de terrain".

Une origine encore incertaine

La zone entre les deux îles, où se concentre l'activité sismique, est "très active" et bien connue des sismologues, confirme la géologue Frédérique Leclerc. Car elle concentre à la fois du volcanisme – "L'île de Santorin elle-même est un volcan et il y a des volcans sous-marins également", rappelle la spécialiste – et "de grandes failles qui découpent l'écorce terrestre, comme ici dans une zone en extension".

Pendant près de quatorze mois, entre 2011 et 2012, l'île avait déjà connu plusieurs centaines de séismes au niveau de la caldeira (un vaste cratère circulaire) de Santorin, mais jamais l'activité n'avait été aussi soutenue. Depuis le début de la "crise sismique", les scientifiques cherchent donc à comprendre si ces secousses sont d'origines volcanique, tectonique ou "un mélange des deux",  comme l'explique Frédérique Leclerc.

Les épicentres de ces séismes se trouvent en effet à proximité du volcan sous-marin Kolumbo et suivent également le tracé d'une faille qui sépare les plaques africaine et eurasienne. Enfin, l'activité sismique se déplace sensiblement vers le nord-est au fil des jours, observent les experts. Pour cette raison, "des sismologues commencent aujourd'hui à émettre l'hypothèse que ces séismes pourraient être liés à la circulation de fluides en profondeur, possiblement des magmas", explique la chercheuse. 

Pour les géologues américains Judith A. Hubbard et Kyle Bradley, les données montrent aussi que la profondeur de l'activité sismique se réduit au fur et à mesure que celle-ci se déplace vers le nord-est. "Ce qui serait cohérent avec un déplacement de fluides dans la croûte terrestre", écrivent-ils dans la newsletter Earthquake Insights.

Des mesures pour comprendre

Malgré les dernières secousses, "l'intensité diminue, mais elle n'est pas encore stabilisée", a déclaré Athanassios Ganas, le directeur de recherche de l'Institut géodynamique d'Athènes, interrogé par la chaîne de télévision publique ERT. "Nous sommes à mi-parcours", a estimé pour sa part le directeur adjoint de l'institut, Vassilis Karastathis, sur la même chaîne. Mais pour Frédérique Leclerc, l'état des connaissances à ce stade ne permet pas de prédire le scénario des prochains jours : la crise sismique "peut s'arrêter, elle peut continuer pendant plusieurs semaines, ou elle peut augmenter".

Depuis dimanche, des scientifiques du centre Helmholtz de recherche océanique de Kiel et du centre de géosciences de Potsdam, en Allemagne, ainsi que des chercheurs de l'université d'Athènes "déploient des instruments sur le fond marin et dans la caldeira de Santorin pour surveiller les tremblements de terre et évaluer les risques géologiques potentiels". "Dans les prochains jours, il apparaîtra clairement si la récente augmentation de la magnitude et de l'intensité sismique va se poursuivre ou s'atténuer", a fait savoir le laboratoire à l'origine de la mission.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.