Canicule : "C'est énormément de comportements et d'habitats qu'il va falloir revoir dans les prochaines années pour résister à ces températures extrêmes", alerte le météorologue Gaël Musquet

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Article rédigé par franceinfo - F. O’Kelly
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Vendredi 5 septembre, Gaël Musquet, météorologue et spécialiste de la prévention des catastrophes naturelles, était l'invité du 11/13 de franceinfo. Après un été brûlant, où la barre des 40 degrés a été dépassée sur plus de 20 % du territoire français, il a insisté sur la nécessité de devoir former les nouvelles générations afin de mieux s'adapter au changement climatique.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Florence O’Kelly : Est-ce qu'on est déjà en train d'oublier la chaleur extrême de cet été ? Après le choc arrive la rentrée et toutes les préoccupations qui viennent avec. Et est-ce que cet oubli, s'il existe, c'est ce qu'on appellerait une forme de déni collectif une fois le choc de l'été passé ?

Gaël Musquet : Oui, complètement. Chaque crise va faire en sorte qu'on oublie, qu'on s'éloigne un peu des objectifs que nous nous sommes fixés afin d'atténuer nos émissions de gaz à effet de serre. Ça, c'est une certitude, malheureusement. Et on oublie souvent que le temps politique, sur ces questions, c'est un marathon qui doit résister aux alternances politiques et qui doit résister aux changements que l'on va avoir en période économique. Souvent, ces questions passent au second plan, voire au troisième plan. On le voit sur les élections municipales qui arrivent. Ces questions-là sont au cinquième niveau de préoccupation pour les Français.


Jusqu'au retour de l'été et de la canicule, y compris début juin ou mi-juin, comme ça a été le cas cette année. C'était un phénomène particulièrement marquant de cet été. Est-ce que c'est quelque chose qu'on va voir se renouveler dans les années à venir ? Il faut s'y attendre ?

Oui, malheureusement, on le voit comme le disent très bien les spécialistes chez Météo France. On a des records qui sont battus en termes d'intensité, donc des températures extrêmes. Les durées pendant lesquelles ces températures sont aussi extrêmes, ainsi que la précocité. Ça arrive tôt, au moment où les enfants sont encore à l'école, où encore beaucoup de gens travaillent et subissent de plein fouet, physiologiquement, ce que ces températures extrêmes engendrent.


On a dépassé les 35 degrés cet été sur 85 % du territoire et les 40 degrés sur plus de 20 % en France. Ce sont des chiffres qui sont très marquants, parce que ces températures-là étaient encore l'exception au siècle dernier, et on l'oublie vite.

Oui, complètement, et c'est aussi le cas pour des personnes, des populations dans des zones tropicales. Je pense à nos compatriotes d'outre-mer qui subissent aussi ces températures extrêmes et qui entraînent des conséquences physiologiques sur les personnes les plus vulnérables, et même sur des personnes en bonne santé. Avec des températures extrêmes, on parle d'hyperthermie chez les sportifs, on évoque des bouilloires thermiques pour les logements, qui souffrent déjà en hiver avec des modes de chauffage parfois inadaptés, mais aussi en été. C'est énormément de comportements et d'habitats qu'il va falloir revoir dans les prochaines années pour résister à ces températures extrêmes.


"Aujourd'hui, l'été n'est plus synonyme d'insouciance, mais plutôt d'une saison dangereuse pour les organismes vivants, les activités agricoles, le travail en extérieur", a déclaré la climatologue Valérie Masson-Delmotte dans un entretien au Monde cette semaine. Mais dans notre esprit ce n'est pas encore ça. Ce n'est pas une saison dangereuse, c'est justement l'été, la saison de l'insouciance. Cela est en train de prendre fin ?

Oui, quelque part, et c'est aussi de notre responsabilité, de notre génération. Pour qu'on puisse passer ces moments difficiles après la guerre, nos pères et mères fondateurs et fondatrices ont créé des lois, des organismes financiers pour pouvoir traverser ces catastrophes et ces risques majeurs. Il faut aujourd'hui que notre génération soit investie. Là, je suis accompagné de cinq de mes étudiants. Je forme aujourd'hui des enfants, des élèves, des ingénieurs, qui vont devoir, à leur tour, relever les défis pour mieux s'adapter au changement climatique. Tout cela est un vrai marathon qu'il faut courir. On ne peut pas dire tout le temps à longueur d'antenne que les gens vont souffrir, qu'ils vont mourir. Effectivement, cela pousse aussi les populations à être dans une forme de déni. Et c'est pour ça que je prends le parti de ces jeunes, de ces enfants que je rencontre souvent, pour leur donner de l'espoir, permettre de travailler aussi sur les ressorts culturels, de leur permettre de stimuler leur imagination. Il faut vraiment qu'on arrive à créer sur cette génération qui est en train de monter, comme on a su le faire avec le Sidaction, avec le Téléthon. Créer des événements culturels et sportifs qui permettent à ces enfants, à ces jeunes, de s'inscrire dans cette transition.

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