Arrêt du chantier de l'A69 : que va-t-il se passer après la décision de justice annulant l'autorisation des travaux ?
Le tribunal administratif de Toulouse a mis jeudi un coup d'arrêt au colossal chantier d'autoroute entre la Ville rose et Castres. Une première pour un projet de cette envergure en France, marquant un revers pour l'Etat, qui a fait appel.
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Le chantier n'est pas définitivement à l'arrêt, mais bel et bien mis sur pause. Depuis que le tribunal administratif de Toulouse a invalidé, jeudi 27 février, l'autorisation environnementale délivrée en mars 2023 par l'Etat à la société Atosca pour construire l'A69, les travaux sont interrompus sur tout le tracé de l'autoroute. Dès l'annonce du jugement, l'entreprise a pris "acte de l'impossibilité de poursuivre les travaux".
Sur le site qui s'étend sur 53 km à travers la campagne et les champs entre Toulouse et Castres (Tarn), seuls des travaux de mise en sécurité du chantier sont autorisés. Mais le projet va-t-il rester en suspens, reprendre ou donner lieu à réparation des dommages effectués ? Franceinfo fait le point après la décision de justice.
Une bataille judiciaire loin d'être terminée
Avec son jugement, le tribunal administratif a annulé l'autorisation qui a permis de lancer le chantier, estimant que "les bénéfices économiques, sociaux et de sécurité publique" attribuées à l'autoroute par les porteurs du projet "sont trop limités" au regard de son impact sur l'environnement. Aussitôt, le ministre chargé des Transports, Philippe Tabarot, a marqué son désaccord avec la décision de justice, annonçant que l'Etat va faire appel et "continuera de soutenir ce projet, essentiel au développement de la région et à l'amélioration des conditions de vie de ses habitants". "Je soutiens évidemment cet appel", a confirmé vendredi matin Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, sur franceinfo, assurant vouloir "défendre l'idée que ce projet est un projet d'importance majeure" .
La cour administrative d'appel "va étudier aussi le fond, puis un [pourvoi devant le] Conseil d'Etat certainement avec des éléments qui permettront de contredire cette appréciation [d'annulation] qui est très subjective", a déclaré vendredi matin le député EPR du Tarn Jean Terlier, favorable au projet d'autoroute, auprès de Ici Occitanie.
Mais "le simple fait de faire appel ne suspend pas le jugement et donc les travaux ne peuvent pas reprendre, puisque le jugement a annulé l'autorisation", relève au micro de franceinfo l'avocat Arnaud Gossement, spécialisé en droit de l'environnement. Or, la cour administrative d'appel ne se prononcera pas avant de longs mois, sans compter que le dossier peut donc ensuite se retrouver entre les mains du Conseil d'Etat, ce qui repousserait encore la décision définitive.
Craignant que le processus de la justice administrative ne " [plonge] le territoire dans l'immobilisme", l'association Notre Affaire à tous, opposée à l'A69, a appelé dès jeudi soir l'Etat à ne pas faire appel, demandant "la mise en place immédiate d'une instance de dialogue afin d'identifier les besoins réels de mobilité, de modèle agricole, social et économique souhaité par les habitants et permettant de construire un projet de territoire global respectant l'intérêt général et en phase avec les enjeux d'aujourd'hui."
Un possible sursis d'exécution pour demander la reprise du chantier
Pour permettre une éventuelle reprise du chantier dans l'attente de la décision en appel, l'Etat et le concessionnaire peuvent demander à la cour administrative d'appel un sursis d'exécution, comme le prévoit l'article 811-15 du Code de justice administrative. Selon les informations de France 3 Occitanie, la préfecture d'Occitanie n'a pas encore déposé cette demande, se laissant plusieurs jours, voire semaines pour la finaliser. Son objectif : convaincre la justice que l'exécution du jugement a de lourdes conséquences, et que l'Etat dispose d'arguments sérieux et de nature à modifier la décision en appel.
Or, si la cour administrative d'appel juge cette demande recevable, "elle peut faire renaître, par ordonnance, l'existence juridique de l'autorisation environnementale, en attendant la décision en appel", explique l'avocat Antonin Hudrisier à France 3 Occitanie. Cela permettrait donc une reprise du chantier. "Reste à savoir dans quel délai pourrait être jugée cette demande de sursis à exécution, car rien n'est précisé dans le code à ce sujet", ajoute-t-il, parlant d'une "procédure assez rare".
"Cette demande de sursis d'exécution, c'est la cour qui décidera à quel moment elle souhaite la juger", ajoute son confrère Arnaud Gossement. Mais alors que le ministre chargé des Transports a dit "espérer" jeudi sur franceinfo que le chantier de l'A69 pourra reprendre "dans un mois et demi ou deux mois au plus tard", l'avocat met en garde : "Comptez quelques mois quand même."
En cas d'annulation définitive, d'autres procédures possibles
Et si l'autorisation est définitivement annulée en appel ? "Si jamais l'Etat est responsable d'avoir délivré une autorisation illégale, ce sera à l'Etat de financer les travaux de renaturation, de restauration du site, ce qui est tout à fait commun lorsqu'une autorisation est annulée", explique Arnaud Gossement.
Mais cela ne signifiera pas pour autant la fin de la saga judiciaire liée à l'A69. "Plusieurs parties vont probablement vouloir voir la responsabilité de l'Etat engagée", anticipe-t-il, citant l'exemple d'Atosca, qui "voudra démontrer qu'elle n'est pas responsable de la non-exécution de son contrat auprès des départements". Et l'avocat de conclure : "Il y a encore certainement plusieurs années de procédures devant nous".
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