: Infographies Visualisez l'ampleur de la canicule marine en Atlantique Nord qui menace des milliers d'espèces
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Depuis début mars, les températures enregistrées dans la partie nord de l'Océan Atlantique s'envolent.
"Une canicule marine de cette ampleur, c'est du jamais-vu". Dans la bouche de Raphäel Seguin, biologiste marin à l'Université de Montpellier, la sentence résonne comme une alerte. Mercredi 21 juin, la température à la surface de l'eau dans la partie nord de l'océan Atlantique a été mesurée à 23,3°C, soit 1,28°C de plus que la moyenne historique à cette période, selon les données de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique. Depuis début mars, les températures enregistrées sur cette étendue s'étirant du sud de l'Islande au nord de l'Afrique sont particulièrement élevées, menaçant fortement la faune et la flore marine.
L'une de ces zones demeure particulièrement touchée : au large des côtes irlandaises, les satellites et les bouées scientifiques ont mesuré depuis plusieurs jours des températures jusqu'à 5°C supérieures à la moyenne historique. Les experts parlent de "canicules marines" ou de vagues de chaleur océaniques. "Elles se caractérisent par des eaux de surface à un mètre de profondeur qui dépassent un certain seuil durant au moins cinq jours", détaille Thibault Guinaldo, chercheur en océanographie spatiale au Centre national de recherches météorologiques (CNRS-Météo France).
Un anticyclone mis en cause
Pour rendre compte du caractère exceptionnel de cet épisode, franceinfo a calculé les écarts par rapport à la moyenne de référence de température en Atlantique Nord, comme représenté ci-dessous. Les mesures enregistrées ces dernières semaines sont particulièrement inhabituelles, atteignant des niveaux jamais atteints depuis 1982, date des premières mesures. Les années 2021 et 2022 avaient, elles aussi, connu des écarts très élevés entre les mois de septembre et de décembre.
Comment expliquer le phénomène ? Plusieurs hypothèses ont été avancées par les scientifiques, comme la réduction du nombre de poussières venues du Sahara. Lorsqu'elles se déposent sur l'eau, ces fines particules réfléchissent la chaleur du soleil, empêchant l'océan de l'absorber et de se réchauffer. Mais la principale cause est atmosphérique : la baisse de couverture nuageuse engendre un plus grand apport d'énergie solaire à la surface de l'eau, et l'absence de vent met à mal le processus océanique de brassage des eaux.
Dans le cas du nord de l'Océan Atlantique, "on observe un anticyclone persistant au niveau de l'Irlande et du Royaume-Uni, peu de vent, une mer calme, et beaucoup d'énergie solaire", énumère Thibault Guinaldo. Conséquence : les eaux de surface ne se mélangent plus aux eaux profondes, beaucoup plus fraîches. L'ensemble de ces facteurs s'ajoute à la tendance constante du réchauffement climatique, causé par l'action de l'homme.
Un phénomène qui surprend par sa rapidité
"L'évolution extrêmement rapide de la canicule en Atlantique Nord est impressionnante", souligne Thibault Guilnaldo. Pourtant, ce n'est pas la première fois que les météorologues font face à des canicules marines. En juillet 2022, une vague de chaleur avait frappé la Méditerranée. Des températures allant jusqu'à 30°C y avaient été mesurées.
Pour suivre ces canicules marines, l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique met à disposition des données qui fournissent une description générale du stress thermique océanique, défini comme l'incapacité de l'océan à maintenir une température normale, sur l'ensemble de la surface du globe. Elle classe en cinq catégories le niveau de canicule : modérée, forte, sévère, extrême, au-delà de l'extrême. La carte ci-dessous montre qu'en moins de vingt jours et de manière durable, une canicule "au-delà de l'extrême" s'est installée entre le nord de l'Irlande et à l'ouest du Royaume-Uni.

Quelle que soit l'origine de cette canicule océanique, les scientifiques s'attendent à ce qu'elle provoque une mortalité massive chez les espèces marines. Des invertébrés et des coraux d'eau froide, qui vivent dans les canyons sous-marins de la pente continentale entre le golfe de Gascogne et l'Océan Atlantique, sont particulièrement concernés. Une hécatombe invisible puisqu'elle se déroule au fond des océans.
On rentre dans l'inconnu. Il est compliqué à l'heure actuelle de savoir exactement ce qu'il va se passer, puisqu'il s'agit d'un phénomène inédit.
Raphaël Seguinbiologiste marin à l'Université de Montpellier
Cependant, la hausse de la température de l'eau, même de quelques degrés seulement, peut perturber l'équilibre délicat des écosystèmes marins et avoir des effets en cascade sur la biodiversité. Les oiseaux marins, qui se nourrissent des poissons qui migrent vers le nord pour fuir la chaleur, font ainsi partie des espèces menacées. "Des eaux très chaudes favorisent également le développement de bactéries qui contaminent les coquillages", détaille le biologiste. C'est par exemple le cas du micro-organisme Vibrio, qui s'attaque aux huîtres et engendre d'importantes pertes économiques pour les ostréiculteurs.
Enfin, dans l'Atlantique Nord, l'une des plus grandes menaces concerne les herbiers marins, une plante à fleurs qui pousse sous l'eau. Ces prairies aquatiques constituent un refuge pour les jeunes poissons, une protection contre les événements extrêmes, mais aussi un puits à carbone. "Ces plantes ont besoin d'énormément d'oxygène pour survivre, elles doivent respirer davantage quand l'eau se réchauffe et donc capter davantage de lumière, assure le chercheur. Malheureusement, avec l'augmentation de la température de l'eau, on observe une prolifération des algues qui cachent cette lumière nécessaire aux herbiers." Et qui menacent gravement la biodiversité.
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