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Objectifs trop faibles, retards, manque d'investissements... Le Haut Conseil pour le climat adresse Ă  la France un rapport cinglant

Dans son premier rapport annuel publié mercredi et que franceinfo a pu consulter, cet organisme indépendant lancé en novembre estime notamment qu'en termes d'émissions de gaz à effet de serre, la trajectoire de la France est incompatible avec ses ambitions. 

Article rédigé par franceinfo
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Le Haut Conseil pour le climat publie son premier rapport le 26 juin 2019. (Photo d'illustration)  (JOEL SAGET / AFP)
Le Haut Conseil pour le climat publie son premier rapport le 26 juin 2019. (Photo d'illustration)  (JOEL SAGET / AFP)

C'est le premier avis Ă©mis par le Haut Conseil pour le climat sur les politiques publiques du gouvernement français pour rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre du pays. Et le constat est loin d'ĂȘtre rĂ©jouissant. Dans son premier rapport publiĂ© mercredi 26 juin et que franceinfo a pu consulter, cet organisme indĂ©pendant créé en novembre dernier pointe les efforts insuffisants de la France pour rĂ©duire ses Ă©missions de gaz Ă  effet de serre et espĂ©rer atteindre la neutralitĂ© carbone.

Il relĂšve aussi que toutes les transformations socio-Ă©conomiques profondes nĂ©cessaires pour y parvenir restent encore Ă  ĂȘtre engagĂ©es. Franceinfo vous rĂ©sume les principaux enseignements de ce rapport. 

Des objectifs critiqués  

‱ Des engagements insuffisants. Les engagements pris en 2015 par les pays ayant ratifiĂ© l'accord de Paris, mĂȘme s'ils sont tous appliquĂ©s, sont "largement insuffisants pour stabiliser le rĂ©chauffement climatique Ă  venir", estime le Haut Conseil pour le climat.  

‱ Les objectifs nationaux ne sont pas atteints. Pour tenir ses engagements dans le cadre de l'accord de Paris, la France s'est fixĂ©e d'atteindre la neutralitĂ© carbone en 2050, c'est-Ă -dire des Ă©missions nettes de gaz Ă  effet de serre nulles. Pour y arriver progressivement, des plafonds d'Ă©missions de gaz Ă  effet de serre Ă  court et moyen termes ont Ă©tĂ© fixĂ©s. Le premier de ces budgets carbone couvrait la pĂ©riode 2015 Ă  2018 et il a Ă©tĂ© dĂ©passĂ© de 3,5%. "La baisse des Ă©missions de 1,1% par an en moyenne pour la pĂ©riode 2015-2018 est beaucoup trop faible et trĂšs infĂ©rieure Ă  la dĂ©croissance visĂ©e de 1,9% par an soutenant ce premier budget", constate le HCC. 

‱ Des budgets carbone mal dĂ©finis. Non seulement les budgets carbone ne sont pas respectĂ©s, mais le HCC critique aussi la maniĂšre dont ils sont dĂ©finis. Car l'objectif de neutralitĂ© carbone que s'est fixĂ© la France "ne couvre pas l'entiĂšre responsabilitĂ© de la France car les Ă©missions liĂ©es aux transports aĂ©riens et maritimes internationaux et aux importations ne sont pas incluses", explique le HCC. Or les Ă©missions des transports internationaux reprĂ©sentent 5% des Ă©missions nationales en 2017 et les Ă©missions nettes importĂ©es, elles, 60% des Ă©missions nationales en 2015. 

Des changements structurels insuffisants 

Par changements structurels, le Haut Conseil pour le climat entend les transformations du systÚme d'infrastructures, les investissements en faveur de l'efficacité énergétique ou encore les désinvestissements dans les filiÚres qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre. 

‱ Dans le secteur des transports. Le constat du HCC pour le transport de voyageurs est celui d'une croissance de la demande et d'un retard dans l'Ă©lectrification des transports. Pour ce qui est du transport de marchandises, le HCC pointe un faible transfert vers le rail. Il questionne d'autre part les politiques publiques, "telles que l'absence de l'Ă©co-taxe ou les exonĂ©rations de fiscalitĂ© sur les carburants pour certaines activitĂ©s."

‱ Dans le secteur des bĂątiments. La rĂ©duction des Ă©missions dans ce secteur dĂ©pend surtout de la consommation d'Ă©nergie pour le chauffage des bĂątiments. Or le HCC fait Ă©tat d'une consommation Ă©nergĂ©tique qui stagne au lieu de diminuer, de "rĂ©novations peu performantes" et d'"un retard dans l'Ă©limination des chauffages les plus carbonĂ©s", c'est-Ă -dire ceux fonctionnant au fioul domestique et au charbon. De plus, le HCC dĂ©nonce le fait que "prĂšs de la moitiĂ© des logements en location du parc privĂ© sont des passoires Ă©nergĂ©tiques". 

‱ Dans le secteur de l'Ă©nergie. Pour la pĂ©riode 2015-2018, le HCC estime que la consommation de gaz a lĂ©gĂšrement augmentĂ© et que celle de pĂ©trole a diminuĂ© mais deux fois trop lentement. Seule celle de charbon a diminuĂ© de maniĂšre satisfaisante. Pour ce qui est des Ă©nergies renouvelables, l'objectif de dĂ©ploiement fixĂ© ne devrait ĂȘtre que partiellement atteint. "Les retards les plus importants concerneraient le solaire et l'Ă©olien en mer pour l'Ă©lectricitĂ©, ainsi que la biomasse et le solaire thermique pour la chaleur renouvelable", dĂ©taille le HCC.

Globalement, le Haut Conseil pour le climat fait état d'un manque d'investissements pour le climat, qui ont atteint 41,4 milliards d'euros en 2018, surtout dans les secteurs clés des transports, des bùtiments ou encore dans la production d'énergie. A titre de comparaison, les investissements qui entretiennent l'utilisation des énergies fossiles en France ont atteint 75 milliards d'euros en 2017. 

Une action publique à réévaluer

‱ Prendre en compte les objectifs "bas carbone" dans les lois hors climat. Pour que l'action publique en France soit cohĂ©rente avec ses engagements climat, le HCC prĂ©conise que les objectifs "bas carbone" soient pris en compte dans les lois hors climat, et pas seulement dans les lois climat, ce qui est le cas aujourd'hui. Le HCC estime ainsi que les "budgets carbone" devraient devenir contraignants pour l'ensemble des textes de lois, et que tous les projets de lois devraient ĂȘtre Ă©valuĂ©s Ă  la lumiĂšre de leur impact sur les Ă©missions de gaz Ă  effets de serre. 

‱ Reprendre l'augmentation de la taxe carbone. Le HCC prĂ©conise la reprise de la hausse de la taxe carbone, interrompue par le gouvernement d'Edouard Philippe face au mouvement des "gilets jaunes", car c'est un "instrument efficace" pour rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effets de serre. Cependant, pour qu'elle soit mieux acceptĂ©e, le HCC conseille que cette augmentation soit prĂ©cĂ©dĂ©e de mesures pour corriger ses effets rĂ©gressifs, comme des primes Ă  la conversion calculĂ©es en fonction des revenus. Le HCC prĂ©conise aussi une transparence totale sur l'utilisation des recettes de cette taxe carbone. 

‱ Supprimer les subventions aux Ă©nergies fossiles. Bien que la France se soit engagĂ©e Ă  supprimer au plus tard en 2025 l'ensemble de ses subventions publiques aux Ă©nergies fossiles, la trajectoire du montant de ces subventions est "prĂ©occupante", estime le HCC. Selon l'OCDE, elles auraient doublĂ© en dix ans, atteignant 6 milliards d'euros en 2017. En France, "ces subventions prennent principalement la forme d'exonĂ©ration fiscale comme le remboursement des taxes de carburant aux transports routiers", explique le HCC. "Il s'agit donc de supprimer ces exonĂ©rations fiscales, tout en accompagnant les entreprises et les mĂ©nages impactĂ©s par ces suppressions."

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