Consigne sur les bouteilles : "L'arbre qui cache la forêt de tout le reste des déchets qui ne sont pas recyclables"
Nicolas Garnier, délégué général de Amorce, a estimé, jeudi sur franceinfo, que la volonté du gouvernement de mettre en place une consigne pour les bouteilles en plastiques "est plus une stratégie commerciale des vendeurs de sodas qu'une stratégie environnementale".
Edouard Philippe a annoncé, mercredi 12 juin, lors de son discours de politique générale, vouloir mettre en place une consigne pour les bouteilles en plastique. Nicolas Garnier, délégué général de Amorce, association nationale des collectivités locales pour la gestion des déchets, de l’énergie et de l’eau, a réagi jeudi sur franceinfo.
franceinfo : Ce dispositif de consignes menace-t-il le modèle économique de collectes des ordures ménagères dont sont chargées les collectivités locales ?
D'abord, il faut bien comprendre que cette consigne ne correspond pas du tout à l'image que s'en font les Français : ça n'est absolument pas l'idée que l'on va pouvoir réutiliser des emballages après les avoir lavés, et les re-remplir comme on le faisait autrefois avec les bouteilles de lait. Cette consigne, qui est d'abord poussée par les producteurs de boissons et de soda, vise simplement à "rémunérer" les Français pour qu'ils collectent sélectivement des bouteilles, pour les ramener en supermarché. Donc, en réalité, ça n'a rien à voir avec le geste de prévention qui est aujourd'hui développé dans un certain nombre de collectivités. Et, effectivement, ça pose un problème, parce que ce bac jaune, il a fallu le financer, tout comme les centres de tri qui vont derrière. Et, aujourd'hui, ça remet complètement en question l'idée d'un système collectif de collectes sélectives des emballages. Le deuxième problème, c'est "pourquoi la bouteille" : la bouteille, c'est 1% de notre poubelle, à peine 10% des déchets plastiques. Pourquoi on ne nous propose pas la consigne sur les pots de yaourt qui ne se recyclent pas depuis 25 ans, sur les sacs plastique, ou encore sur les piles que l'on collecte très mal en France, ou les déchets dangereux des ménages, qui se collectent aussi très mal ? On sent bien que, en réalité, c'est plus une stratégie commerciale des vendeurs de sodas qu'une stratégie environnementale (…). Ça pose, en fait, beaucoup de questions sur les motivations réelles de cette mesure, qui cache un peu la forêt de tout le reste des déchets qui, aujourd'hui, ne sont pas recyclables, et sur lequel les Français sont taxés lourdement (…) On sent bien qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette histoire de consigne, alors qu'elle est basée sur une idée qui, sur le principe, nous paraît assez saine : l'idée de réutiliser ces emballages. Mais ce n'est absolument pas ce dont il est question aujourd'hui dans la proposition de loi.
Est-ce que cela enlèverait beaucoup de recettes, d'argent, aux collectivités locales ?
Effectivement, une grande partie, pas tout à fait la moitié, des emballages que nous collectons aujourd'hui, ce sont des bouteilles. Si, demain, ces bouteilles ne sont plus dans les bacs jaunes, parce que, à 25 centimes d'euros la consigne, vous imaginez bien que les gens vont les ramener en magasin, mais il y a eu aussi des gens qui vont fouiller dans les poubelles, les bacs jaunes vont être partiellement vidés et, du coup, la question se posera de savoir si on maintient ces collectes en porte-à-porte, surtout dans le milieu rural, qui va être vite être en grande difficulté, mais également de savoir si on maintient nos centre de tri. On vient de demander aux collectivités d'investir massivement dans des centres de tri de nouvelle génération, ces centres de tri vont accueillir principalement des bouteilles, et, tout d'un coup on nous dit "ces bouteilles ne passeront plus dans les bacs jaunes et les centres de tri, elles passeront par les supermarchés" (…). Ça ne tourne pas rond, ça ne sonne pas juste, et, en plus, ça peut provoquer des impacts négatifs sur l'emploi, parce que si, demain, on arrête les collectes, c'est l'emploi des gens qui collectent les déchets qui va disparaître, puisque ce sont les Français qui vont faire ce travail-là.
L'un des arguments du gouvernement est de dire que ces collectivités dépenseraient moins d'argent pour nettoyer les rues…
Ce n'est pas vrai : de toute façon, il va bien falloir passer pour les autres bacs, et maintenir partiellement le bac jaune, ne serait-ce que pour les pots de yaourt. C'est pour cela que la question que l'on pose aujourd'hui est "Pourquoi vous ne proposez pas de consigne sur les autres emballages, uniquement sur l'emballage qui a une valeur ?" La réponse est là : une tonne de plastique de bouteilles, se vend 300 euros, et cela vient en dégrèvement de nos impôts et permet de réduire la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Donc, finalement, cette initiative consiste à prélever ce qui a de la valeur dans les poubelles. Donc, en gros, on privatise ce qui a de la valeur et on laisse en collectif les emballages qui n'ont pas de valeur, et qui vont représenter des impôts locaux supplémentaires. Il faut savoir que, si demain la consigne représente 25 centimes par bouteille, il y a 18 milliards de bouteilles vendues, on vient de lever 4 milliards au nom d'une œuvre environnementale qui ne concerne qu'un tout petit gisement. C'est 20 fois plus que le budget de l'Ademe en matière de recyclage.
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