"Je n'ai jamais empoisonné quelqu'un" : l'anesthésiste Frédéric Péchier clame son innocence au premier jour de son procès hors norme

L'accusé de 53 ans, jugé pendant trois mois et demi par la cour d'assises du Doubs pour 30 empoisonnements de patients, dont 12 mortels, s'est brièvement exprimé lundi après la lecture des faits qui lui sont reprochés.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
L'anesthésiste-réanimateur Frédéric Péchier, 53 ans, au premier jour de son procès devant la cour d'assises du Doubs, à Besançon, le 8 septembre 2025. (BENOIT PEYRUCQ / AFP)
L'anesthésiste-réanimateur Frédéric Péchier, 53 ans, au premier jour de son procès devant la cour d'assises du Doubs, à Besançon, le 8 septembre 2025. (BENOIT PEYRUCQ / AFP)

Il s'est avancé à la barre en jean et chemise bleue froissée et a posé ses mains à plat sur le pupitre. "Je réfute tous les faits qui me sont reprochés. Je n'ai jamais empoisonné quelqu'un, je n'ai jamais empoisonné une poche [de perfusion], je suis innocent", a déclaré d'un trait Frédéric Péchier, la voix sourde mais déterminée, au premier jour de son procès devant la cour d'assises du Doubs, lundi 8 septembre. L'anesthésiste-réanimateur de 1,92 mètre, la carrure épaissie, la barbe blanchie et le teint rouge, est jugé pour 30 empoisonnements aggravés, dont 12 mortels, de patients âgés de 4 à 89 ans dans deux cliniques privés de Besançon, entre 2008 et 2017.

Le médecin, qui a toujours clamé son innoncence, était invité à s'exprimer brièvement après la longue lecture du rapport sur les faits qui lui sont reprochés par la présidente, Delphine Thieberge, et deux assesseurs. Pendant près de cinq heures, les magistrats se sont relayés pour rappeler les charges qui pèsent contre le médecin au terme de huit ans d'instruction.

Un nombre vertigineux de parties civiles

Les douze jurés tirés au sort – neuf femmes et trois hommes dont la vie va être mise entre parenthèses pendant les trois mois et demi de procès – ont écouté attentivement la litanie de termes médicaux, égrenés dans la salle cossue du Parlement, au sein du palais de justice de Besançon. Classée aux monuments historiques, celle-ci a subi cinq mois de travaux pour pouvoir accueillir près de 200 personnes et retransmettre les débats sur trois grands écrans.

"Lidocaïne", "mépivacaïne", "potassium" [des produits retrouvés dans les poches de perfusion], "hypokaliémie", "bradycardie", "syndrome de tako-tsubo" [les symptômes présentés par les patients]… Derrière ces mots savants, matérialisés par le chariot d'anesthésie qui trône sur une estrade parmi les scellés du dossier, se trouvent des vies brisées. Les patients victimes d'arrêts cardiaques qui ont survécu, au prix de séquelles pour la plupart, et les proches de ceux qui ne se sont pas réveillés ont écouté, eux aussi, la synthèse au pas de charge de ce dossier complexe et inédit dans les annales judiciaires françaises.

Ces dizaines de silhouettes, cordon rouge autour du cou pour signifier leur refus de parler aux journalistes, avaient pris place dans la matinée sous les boiseries et les peintures style Renaissance de la salle d'audience. Plus de 150 personnes – physiques et morales – se sont constituées partie civile, un chiffre vertigineux pour un dossier criminel qui ne compte qu'un seul accusé. Le Conseil national de l'ordre des médecins s'est greffé lundi matin, estimant que la réputation de la profession a été salie par cette affaire.

"Serial killer" ou victime d'un "acharnement" judiciaire ? 

La solennité des lieux reflète les enjeux de ce rendez-vous judiciaire hors norme. Frédéric Péchier est-il un "serial killer" au profil inhabituel, "pompier pyromane" dont les victimes étaient choisies au hasard pour montrer ses talents de réanimateur et atteindre d'autres cibles, ses collègues médecins, comme le pense l'accusation ? Ou est-il un médecin victime du terrible "acharnement" judiciaire d'enquêteurs et de magistrats faisant fausse route, comme l'assure la défense ? Les débats devraient permettre de se frayer un chemin vers une vérité judiciaire qui ne sera connue qu'au mois de décembre.

D'ici là, outre les parties civiles, plus de 150 témoins et 15 experts, dont une partie a défilé à la barre lundi, seront entendus pour faire la lumière sur ces empoisonnements présumés et la personnalité contrastée de l'accusé, interdit d'exercer la médecine depuis 2017. Frédéric Péchier, dont le maintien en liberté depuis le début de l'affaire est brandi par ses avocats comme une des preuves de son innocence, doit être réinterrogé dans deux semaines, le 22 septembre.

L'ancien anesthésiste "star" de Besançon, interdit de cité depuis le début de l'affaire, s'est réinstallé dans sa ville le temps du procès. Son état de santé inquiète jusqu'aux parties civiles, qui redoutent qu'il n'attente à ses jours, comme en 2021, lorsqu'il a tenté de se défenestrer de chez ses parents où il était retourné vivre après son divorce. Les experts psychiatres et psychologues ont dépeint un homme dépressif. Lundi, son allure ne les a pas démentis. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. 

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