Témoignage  "Je me suis sentie rejetée" : le combat d’une victime oubliée de Joël Le Scouarnec pour être reconnue par la justice

Elles disent être des victimes oubliées de Joël Le Scouarnec. Alors que les parties civiles sont entendues depuis jeudi au procès du chirurgien, 12 personnes se sont signalées à France Victimes 56 et disent avoir aussi été agressées. L'une d’entre elles a accepté de raconter son combat à franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
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Marie, qui se dit victime oubliée de Joël Le Scouarnec. (MARGAUX STIVE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Marie, qui se dit victime oubliée de Joël Le Scouarnec. (MARGAUX STIVE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Elle ne fait pas partie des 300 faits de viols et agressions sexuelles étudiés depuis le 24 février par la cour départementale du Morbihan. Pourtant Marie se souvient parfaitement de Joël Le Scouarnec et de ce qu’il lui a fait subir.

Au début des années 1990, Marie est hospitalisée et opérée à la clinique de la Fontaine à Loches (Indre-et-Loire) pour un soupçon d’appendicite par le Joël Le Scouarnec. Elle se souvient de ses visites "le soir" alors qu’elle est "seule dans sa chambre", et des agressions. "Il était agacé parce qu’il ne voulait pas que je dorme avec ma culotte", se souvient Marie au micro de franceinfo. Elle se souvient aussi "de sa main qui soulève le drap", de "ces attouchements", des viols, dit-elle. "Je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait, mais je savais que ce n’était pas normal", raconte Marie.

Préadolescente à l’époque, elle se confie à sa grand-mère qui l’écoute. Mais sans que rien ne se passe. Jusqu’en 2019. Le nom de Joël Le Scouarnec apparaît alors dans les médias, après sa mise en examen pour des centaines de viols et d’agressions sexuelles. Marie est prévenue par sa grand-mère et fait tout de suite le lien avec ce qu’il lui est arrivé.

Refoulée par un gendarme chargé de l'enquête

Elle frappe alors à toutes les portes : les tribunaux, la clinique qui a depuis fermé et dont les archives ont été détruites, la Sécurité sociale, jusqu’à obtenir le numéro de l’un des gendarmes chargé de l’enquête. Mais elle se confronte à un mur : "Il me refoule, il me fait comprendre que ce que je dis n’est pas crédible. Je ne me sens pas crue, encore une fois, je me sens rejetée. C’est comme si tout s’écroulait", raconte Marie. Si le gendarme refuse de l’entendre, c’est que son nom n’apparaît pas dans les carnets du chirurgien, des journaux intimes dont il a détruit presque trois années en 1996. Quand elle apprend cela, "ça m’a redonné la force de reprendre le combat", dit Marie.

Depuis une semaine, elle assiste au procès à ses frais. Presque 600 euros déjà, pris sur son salaire du mois. Elle assiste aux débats depuis la salle dédiée au public. "J’ai voulu aller en tant que victime dans la salle des parties civiles avec ma plainte, mais non, parce que je ne suis pas reconnue. Ça m’énerve parce que je ne suis pas le public, je suis victime. Et c’est très frustrant", regrette Marie. En attendant que sa plainte soit traitée, elle se démène pour remettre la main sur les documents qui pourraient prouver son hospitalisation.

"Un parcours du combattant, mais je ne suis pas du genre à lâcher."

Marie

Depuis le début du procès, 12 personnes, comme Marie, se sont signalées auprès de France Victimes 56, qui les a encouragées à déposer plainte. Devant la cour criminelle, le directeur d’enquête lui-même avait reconnu qu’il existait dans cette affaire "des victimes oubliées".

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