Affaire Théo : "La formation des policiers est fondée sur la méfiance de la population"
Après les incidents qui ont suivi l'interpellation de Théo, Christian Mouhanna explique mardi que les rapports tendus entre les forces de l'ordre et les jeunes des quartiers trouvent leurs origines dans la formation des policiers.
Plus de dix jours après l'interpellation violente de Théo à Aulnay-sous-Bois, les nuits d'incidents et de violences urbaines s'enchaînent. Une vingtaine de personnes ont été interpellées dans la nuit de lundi à mardi 14 février en banlieue parisienne. Le directeur du Centre de recherches sociologiques sur le Droit et les Institutions pénales (CESDIP), Christian Mouhanna, a analysé le rapport entre les policiers et les populations de banlieue sur franceinfo. Il dénonce la "stratégie policière française" basée sur la "méfiance" et le "contrôle" des populations et le manque de formation psychologique des policiers.
franceinfo : Le lien entre les jeunes et la police est-il rompu ?
Christian Mouhanna : Il est vrai que dans beaucoup de secteurs, on est dans une logique d'affrontements, de face-à-face violents et de tensions. On n'est pas du tout dans des échanges normaux entre la police et ces jeunes. On n'a pas non plus une orientation politique qui a fait changer les stratégies policières. On est toujours dans la même chose. On va donner plus de pouvoirs formels aux policiers, qui dans le concret se révèlent d'ailleurs pas forcément utiles. On est sur une logique de répression et on voit bien que depuis une quinzaine d'années, on a pris ce tournant répressif et cela n'a rien amélioré.
La formation des policiers est-elle fondée sur des préjugés racistes ?
La formation des policiers est fondée sur la méfiance de la population. C'est structurel. Le racisme ou la méfiance à l'égard de certaines minorités se font davantage à travers la socialisation : le fait que des policiers arrivent dans certains secteurs où ils sont pris en charge par des collègues et puis surtout des secteurs où ils ne comprennent pas trop ce qui leur arrive. C'est l'image, tellement vraie, du jeune policier recruté dans une petite ville de province et balancé dans les banlieues les plus dures de la France parce qu'on manque d'effectifs. Et la première chose qu'ils font quand ils arrivent, c'est déposer une demande pour retourner dans leur région d'origine. Cela n'a aucun intérêt. Il n'y a aucune volonté d'aller vers des liens avec cette population.
La stratégie policière française en général c'est : on contrôle, on gère des masses, on gère des flux. On n'est pas au service de la population.
Christian Mouhanna, sociologueà franceinfo
En quoi consiste précisément la formation des policiers ?
Les policiers en tenue ont un an de formation. Ils sont formés au droit et à des choses très théoriques. Et surtout on leur apprend l'autodéfense et à maîtriser des gens. Ce qui relève de la logique d'amélioration des relations, comment aborder des gens ou la psychologie, reste très secondaire par rapport à tout ce qui est d'ordre juridique ou technique.
Y a-t-il un sentiment d'impunité ?
Non, c'est très clair. On a des policiers qui se sentent surveillés, contrôlés, par leur propre administration et par la justice. Ils se sentent de plus en surveillés à travers les dispositifs vidéo. Mais ça ne veut pas dire certains d'entre eux ne commettent pas des actes violents. Soit parce que structurellement ils sont violents, et que l'institution a besoin d'avoir des gens qui jouent les gros bras, qui ont le "courage" d'assumer ça, soit parce qu'un certain nombre d'entre eux, pour des raisons qu'on a appelé le malaise policier, pètent les plombs, et se laissent aller au geste de trop. Et puis il y a une majorité de policiers qui restent à peu près normaux et qui ne rentrent pas dans ces deux catégories mais qui subissent aussi la pression de ceux qui veulent jouer les gros bras.
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