"Alimentation faite de bouillie", "pas de toilette"... Ce que l'on sait de la séquestration d'une femme pendant plusieurs années en Loire-Atlantique

Mis en examen, un couple a confirmé "les conditions matérielles dans lesquelles la victime vivait, minimisant cependant sa part de responsabilités", explique le parquet de Nantes.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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La maison où une femme affirme avoir été séquestrée pendant cinq ans à Saint-Molf (Loire-Atlantique), le 22 octobre 2025. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)
La maison où une femme affirme avoir été séquestrée pendant cinq ans à Saint-Molf (Loire-Atlantique), le 22 octobre 2025. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)

Les faits se sont déroulés à Saint-Molf (Loire-Atlantique) et ont duré cinq ans, selon le récit de la victime, une femme de 45 ans. Deux personnes ont été mises en examen pour "séquestration avec torture ou actes de barbarie", a annoncé le parquet de Nantes mercredi 22 octobre, confirmant des informations d'ICI Loire Océan.

Les mis en cause sont accusés d'avoir enfermé la quadragénaire et de lui avoir imposé des conditions de vie indignes dans le garage d'une maison, tout en détournant son argent et ses aides sociales. Les suspects ont confirmé "les conditions matérielles dans lesquelles la victime vivait chez eux, minimisant cependant leur part de responsabilités", a rapporté mercredi le procureur de la République de Nantes, Antoine Leroy. Franceinfo revient sur ce que l'on sait de cette séquestration et de l'enquête en cours.

Une colocataire et son compagnon mis en cause 

Les suspects sont une aide-soignante de 60 ans, ainsi que son compagnon âgé de 82 ans. D'après le parquet de Nantes, la victime "relatait avoir initialement occupé le logement en colocation avec la femme, puis avoir été mise dans une tente dans le jardin, avant d’être enfermée dans le garage à partir du moment où l’homme était venu vivre au domicile".

"La locataire, c'est mon amie, elle m'hébergeait", a confié à ICI Loire Océan l'homme mis en cause, revenu dans la maison où les faits se sont déroulés. La victime "était spéciale", a-t-il poursuivi, l'air hagard. "Je savais qu'elle était dans le garage. Mais je ne lui parlais pas du tout, j'ai compris maintenant que c'était grave." Selon son témoignage, la femme séquestrée est une "personne qui travaillait" avec son "amie". "Elles se sont embrouillées toutes les deux et puis ça a pris des proportions...", a-t-il ajouté. "C'est grave".

"J'avais été alerté par la préfecture récemment que la locataire de ce logement du parc privé ne réglait plus son loyer depuis un an et demi, et qu'elle était sous le coup d'une procédure d'expulsion", a précisé à ICI Loire Océan le maire de Saint-Molf, Hubert Delorme.

Des conditions de séquestration "particulièrement dures"

Auprès des enquêteurs, la victime a affirmé "vivre d’ordinaire dans le garage, dormir sur un transat, faire ses besoins naturels dans un pot et des sacs en plastique et manger de la bouillie mélangée à du liquide vaisselle", a rapporté le parquet de Nantes. Elle a également déclaré "avoir quelques fois pu sortir à l’extérieur, y passant parfois des journées entières, dans la pluie ou le froid", et avoir été "victime de violences".

Selon le procureur, les perquisitions réalisées par les gendarmes ont permis de "corroborer" le témoignage de la victime "sur ses conditions matérielles de vie". "La porte du garage était par ailleurs bloquée depuis l’extérieur par des parpaings", précise Antoine Leroy.

"Alimentation faite de bouillie", "pas de toilette"... Auprès de France 2, Bruno Makary, commandant en second de la région de gendarmerie des Pays de la Loire, décrit "une situation de séquestration particulièrement dure".

Des virements vers le compte de la principale suspecte

La justice soupçonne par ailleurs les deux mis en cause d'avoir détourné l'argent de la victime ainsi que ses aides sociales. Selon les premiers éléments du parquet, "aucune trace de vie de la victime" n'a été recensée depuis 2022, "ses comptes bancaires faisant état d’une rupture brutale dans son mode de vie". Les derniers mouvements "correspondant à des virements sur le compte de la mise en cause", a rapporté le procureur de la République de Nantes.

"Elle était sous les radars, elle a disparu", confirme Bruno Makary. La victime n'avait "plus de téléphone, plus d'abonnement quelconque. C'est quelqu'un qui avait administrativement disparu", souligne-t-il.

La victime a pu s'enfuir le 14 octobre

Le soir du 14 octobre, vers 21h30, la victime a profité du fait que l'homme regardait la télévision"pour sortir de l'enclos extérieur dans lequel elle était enfermée", a développé le parquet mercredi. Elle a ensuite frappé "à la fenêtre d'une maison". La quadragénaire était alors "dévêtue en grande partie", "en hypothermie et très fragilisée". Elle a été conduite par des pompiers à l'hôpital et prise en charge. Un minimum de 30 jours d'incapacité totale de travail (ITT) a été prescrit.

"Je lui ai sauvé la vie, j'ai fait ce que j'avais à faire", explique à ICI Loire Océan la voisine qui l'a secourue. "Je l'ai fait rentrer, je l'ai couverte, je lui ai donné de l'eau. C'était très compliqué, dépeint-elle. C'était quelqu'un en détresse."

Elle pensait que la victime avait quitté le hameau : "Il y a cinq ans, elle vivait avec une dame. Évidemment, on se croisait dans le jardin. Après, on ne l'a plus vue. Il y a une autre personne qui est arrivée."

La principale suspecte placée en détention provisoire

Le parquet de Nantes a saisi le juge d'instruction "des faits criminels de séquestration avec torture ou actes de barbarie", "des délits d'abus frauduleux de l'état de sujétion psychologique ou physique d'une personne" et "du délit d'abus frauduleux de la faiblesse d'une personne vulnérable", a rapporté Antoine Leroy.

Les deux suspects ont été mis en examen "des chefs visés par le parquet", a précisé le procureur de la République. Pour le chef d'abus de faiblesse néanmoins, l'homme mis en cause est placé sous le statut de témoin assisté. Il a été placé sous contrôle judiciaire. La principale suspecte, quant à elle, a été placée en détention provisoire.

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