"C'est une erreur de ma part" : au procès de Cédric Jubillar, un gendarme parle d'un mauvais "copier/coller" dans l'enquête sur la téléphonie
Le major Gilles L. a été convoqué après la découverte par la défense des coordonnées de l'amant de la victime dans une liste de numéros détectés près du domicile de celle-ci. Il a été sommé de s'expliquer.
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Un gendarme qui fait acte de contrition. C'est peu dire que les explications du major Gilles L. étaient attendues, mardi 7 octobre, devant la cour d'assises du Tarn. La veille, la défense de Cédric Jubillar a provoqué la stupeur en pointant la présence des données téléphoniques de l'amant de Delphine Aussaguel dans une liste de numéros ayant déclenché le relais couvrant sa maison, la nuit de sa disparition, entre le 15 et le 16 décembre 2020. Le ministère public et les avocats de parties civiles, certains qu'une explication rationnelle allait leur être apportée, ont réclamé la venue de l'enquêteur en charge de la téléphonie, dans le colossal dossier de 27 tomes et plus de 15 000 pages de procédure.
Mardi après-midi, l'intéressé, aujourd'hui affecté à la brigade de recherche de Béziers, se sait donc très attendu. Dans une salle d'audience pleine à craquer, il commence par rappeler la manière dont il a procédé pour identifier d'éventuels suspects, via les investigations téléphoniques. "Il m'a été demandé d'isoler les téléphones qui se trouvaient sous la couverture réseau du domicile des Jubillar", rapporte Gilles L. Quelque 4 737 numéros ont d'abord été relevés sur une plage horaire de 24 heures. Puis le champ de recherches a été réduit de 22 heures, le 15 décembre 2020, à 6 heures, le 16 décembre 2020. "On tombe à 551 numéros", pointe le gendarme.
Les enquêteurs ont ensuite écarté tous les abonnements des personnes domiciliées à Cagnac-les-Mines. Avec cet écrémage, ils sont arrivés à 216 numéros. "Des auditions ont été réalisées sur le pourquoi du comment ces personnes étaient présentes, cette nuit-là, sous la couverture réseau du domicile Jubillar", relate le gendarme, factuel, et encore à peu près serein.
"Personne ne revoit votre travail ?"
Jusqu'à l'explication tant attendue : la présence de Donat-Jean M. dans ces numéros "est une erreur de ma part", lâche-t-il. Il reconnaît que celui-ci "figure bien sur les factures détaillées des relais téléphoniques, mais en tant que correspondant de Delphine Jubillar, l'après-midi de sa disparition". "Il s'est retrouvé dans la liste des 551 numéros, alors qu'il n'avait pas à s'y trouver", ajoute le major en uniforme, visiblement très embarrassé. "A aucun moment", l'amant de Delphine Jubillar ne s'est retrouvé "sous les relais de Cagnac-les-Mines", insiste-t-il. Sidération générale dans la salle.
"Comment expliquer cette erreur ?", lui demande la présidente, Hélène Ratinaud. "Ce sont des copier/coller, je n'ai pas d'explication..." bredouille le major. "Personne ne revoit votre travail après vous ?", interroge la magistrate, dubitative. "Non, je suis le seul", atteste Gilles L. "Plus les procédures sont transparentes, moins c'est sujet à discussion", déplore Hélène Ratinaud, tout en reconnaissant qu'il s'agissait d'une "affaire tentaculaire".
Pierre Aurignac, l'un des deux avocats généraux, prend le micro. "J'imagine que vous n'avez pas passé une très bonne nuit ? Moi non plus. J'ai repris la totalité de vos procès-verbaux. J'ai vu que vous avez travaillé sur un certain nombre d'investigations, sur des recherches de bornages", constate-t-il, regrettant les conséquences de cette erreur.
"Elle attire le regard sur un sujet presque périphérique. Nous savons que Donat-Jean M. n'avait aucune raison de tuer Delphine Jubillar. Nous savons qu'il n'est pas venu à Cagnac-les-Mines. Mais vous comprenez la difficulté."
Pierre Aurignac, avocat généraldevant la cour d'assises du Tarn
Safya Akorri, avocate côté parties civiles, tient à rappeler toutes les recherches réalisées par les enquêteurs sur le téléphone de Donat-Jean M. Elle rappelle qu'il a été saisi et qu'une extraction des données a été effectuée. Elle souligne également que son domicile a été perquisitionné de fond en comble.
"On est obligés de vous croire sur parole"
L'effet n'en est pas moins dévastateur, alors que la défense s'emploie jour après jour à démontrer les failles de l'enquête. Emmanuelle Franck se dit "atterrée" mais se demande dans le même temps si ce que vient de déclarer le gendarme lui semble "crédible".
"Votre explication, c'est de dire : 'C'est une erreur, j'ai rentré ce nom, mais c'est parce qu'il a été en communication avec Delphine Jubillar'. Comment c'est possible ?"
Emmanuelle Franck, avocate de Cédric Jubillardevant la cour d'assises du Tarn
Face à elle, Gilles L. semble perdre ses moyens. "C'est une erreur, c'est difficile à comprendre", articule-t-il. "C'est difficile à croire aussi", glisse la pénaliste. "L'amant n'est, à aucun moment, sous le relais qui couvre le domicile des Jubillar", répète-t-il, mécanique.
"Mais alors, pourquoi avoir fait des réquisitions sur ce numéro, si c'était une erreur ?", lui demande Emmanuelle Franck. L'avocate note qu'après avoir fait une première erreur de listing en janvier 2021, il perpétue cette erreur le mois suivant, en réclamant une réquisition pour ce numéro de l'amant. "Et pouf pouf : ça disparaît ! On est obligés, cinq ans après, de vous croire sur parole", fustige l'avocate de la défense. Le gendarme, tétanisé, n'en dira pas plus. Mais le doute est possiblement jeté sur l'ensemble du travail des dizaines d'enquêteurs mobilisés pendant des années sur ce dossier. Les avocats de Cédric Jubillar ont, peut-être, réussi leur pari.
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