"Elle n'existait plus, il n'y avait que Cédric" : le témoignage d'une amie proche de Delphine Jubillar-Aussaguel égratigne l'image de l'accusé à son procès

Anne-Michelle S., mère au foyer âgée de 48 ans, a dressé un portrait très critique de Cédric Jubillar, expliquant avoir vu le couple se déliter très nettement au cours de l'année 2020.

Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Anne S. face à la cour d'assises du Tarn, à Albi, le 1er octobre 2025. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)
Anne S. face à la cour d'assises du Tarn, à Albi, le 1er octobre 2025. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)

Anne-Michelle S. avait "tissé des liens forts" avec Delphine Jubillar-Aussaguel. Constituée partie civile au procès de Cédric Jubillar, cette mère de deux enfants s'était rapprochée de l'infirmière disparue "par le lien scolaire" : son fils était très ami avec Louis, l'aîné des deux enfants du couple. "Les affinités se sont approfondies" au fil de temps entre les deux femmes, qui ont commencé à se côtoyer à partir de 2016. 

Le témoignage de cette femme au foyer de 48 ans, mercredi 1er octobre, était très attendu : elle est présentée par les enquêteurs comme la meilleure amie de la victime. "Au fil du temps, j'ai appris des choses intimes sur Delphine, qui n'est pas de nature à se livrer", se remémore-t-elle, s'attachant à décrire en détail les souvenirs qu'elle garde de son amie. 

Cheveux méchés blonds mi-longs, pull noir, voix claire, Anne-Michelle S. tente de répondre le plus précisément possible aux questions de la cour d'assises du Tarn. "J'ai connu un couple relativement complice quand ils ont eu Louis et Elyah, même proches, avec quelques gestes affectueux qui pouvaient transparaître. Et est venu le temps où Delphine m'a fait des confidences, disant qu'elle n'en voulait plus", relate-t-elle à la barre, au septième jour du procès.  

Témoin direct du délitement du couple

Répondant aux questions de la présidente, elle dessine, en creux, touche par touche, un portrait à charge de l'accusé. La quarantenaire se souvient d'une après-midi passée avec son amie, dont elle parle encore au présent. "J'ai une personne joviale devant moi, très à l'aise, souriante, qui parle librement. Et, à l'arrivée de Cédric, ça provoque immédiatement un on/off chez elle", souligne Anne-Michelle S., observant que son amie "s'est éteinte" ce jour-là. 

"Elle n'existait plus, il n'y avait que Cédric. Pendant une soirée chez eux, je n'arrivais quasiment pas à parler à Delphine", détaille-t-elle encore. Anne-Michelle S. a assisté au délitement du couple, qui s'accélère à l'été 2020, lorsque Delphine Jubillar-Aussaguel acte sa volonté de quitter son époux. Elle et son mari commencent à faire chambre à part. "La nuit, je dors dans le lit, il vient me faire chier", confie-t-elle, selon son amie.

"Cédric la rabaissait verbalement. Avec un franc-parler très incisif, qui fait qu'elle n'avait pas de place pour s'exprimer."

Anne-Michelle S., amie proche de Delphine Jubillar-Aussaguel

face à la cour d'assises du Tarn

Fin octobre, Delphine Jubillar-Aussaguel appelle Anne-Michelle S. : elle semble soulagée, mais anxieuse, après avoir annoncé à son mari qu'elle souhaite divorcer. "On se voit le lendemain et elle me raconte. Elle a les yeux larmoyants et se retourne pour que son fils ne la voie pas", relate son amie. L'infirmière lui confie alors que Cédric Jubillar "est opposé à cette décision". "Il lui a dit : 'non, on ne divorce pas, sinon, je vais me pendre !' Il lui a carrément fait les gestes, il était très théâtral", rapporte la partie civile. 

"Un masque se pose sur son visage" 

La situation s'envenime entre les époux Jubillar, et Delphine s'en ouvre à sa confidente, qui vient elle-même traverser une séparation difficile. En novembre, Anne-Michelle S. décide d'aller parler à Cédric, sur le parking de l'école des enfants, "dans le but d'apaiser la situation, en lui demandant d'accepter la séparation". "Là, il pleure, il me dit qu'il l'aime et qu'il va finir les travaux de la maison. Et ensuite, un masque se pose sur son visage. Il sèche ses larmes et me dit : 'si elle a un amant, je la lui ferai à l'envers'", rapporte l'amie de la jeune femme à la barre. La salle d'audience se fige. 

Elle est aussi l'une des dernières à avoir vu Delphine Jubillar-Aussaguel en vie, le 15 décembre 2020, juste avant la nuit de sa disparition. "On a bu un café, on a discuté de la banque, on a parlé d'aller chercher les chèques-cadeaux de son travail et on a assisté aux premiers pas d'Elyah", raconte-t-elle. Ce jour-là, Delphine Jubillar-Aussaguel est allée prendre rendez-vous pour faire changer son code de carte bancaire, afin que son mari ne l'utilise plus : elle s'était plainte auprès de son amie qu'il "volait de l'argent sur son compte, mais aussi sur celui des enfants""Dans quel état d'esprit est-elle ce jour-là ?", lui demande la présidente. "Elle s'envole. Mais je perçois malgré tout qu'à la maison, c'est dur, c'est difficile", se remémore Anne-Michelle S.

"Tout ce qu'il pouvait faire semblait faux"

L'avocat général observe que, le jour de la disparition de Delphine Jubillar-Aussaguel, l'accusé n'a pas prévenu Anne-Michelle S., alors qu'elle aurait pu avoir des informations importantes. Devant les enquêteurs, il s'est justifié en affirmant qu'il n'avait plus son numéro. Anne et lui échangeaient pourtant de temps à autre par messages. "Oui... C'est un menteur, ça l'évoque bien, là", tranche-t-elle à la barre. Le jour d'une battue, après la disparition de son épouse, Cédric Jubillar lui est apparu "complètement détaché". "Tout ce qu'il pouvait faire semblait faux, y compris pleurer", soulignait-elle dans l'une de ses auditions par les enquêteurs, citée par le représentant du ministère public. 

Comme d'autres témoins et parties civiles, elle relate plusieurs scènes de violence de Cédric Jubillar sur son fils Louis, qui était âgé de 6 ans quand sa mère a disparu : des coups sur le corps avec sa tong, une fessée déculottée devant l'école... Un jour où Cédric Jubillar se trouve chez elle, il aurait tenté de s'en prendre à l'enfant avec "un morceau de câble électrique". Anne-Michelle S. affirme s'être interposée : "Pas de corrections comme ça chez moi !" "Delphine m'a dit, juste avant de disparaître, qu'elle avait obtenu de Cédric que ça ne se reproduirait plus", précise la témoin, gagnée par l'émotion.

La défense questionne ses déclarations sur la veille de la disparition 

La défense est à la peine lorsqu'elle prend le relais, après presque trois heures d'une déposition accablante pour son client. Le duo d'avocats suit un fil conducteur et tente de montrer les variations qu'Anne-Michelle S. a pu opérer au fil de ses six auditions face aux gendarmes. Alexandre Martin s'étonne qu'elle se soit trompée lors de sa toute première déposition, au lendemain de la disparition de l'infirmière. Anne-Michelle S. assurait alors avoir vu Delphine Jubillar-Aussaguel pour la dernière fois à la grille de l'école, et non lorsqu'elle est passée devant sa maison, en regagnant son domicile. "Ça paraît être un élément extrêmement important. On se saisit de toutes ses facultés mentales en audition face aux gendarmes !", s'agace-t-il.

Plus mesurée, et toujours incisive, Emmanuelle Franck s'étonne qu'elle n'ait parlé du positionnement de la voiture de Delphine Jubillar-Aussaguel qu'à la cinquième audition. Il s'agit d'un point clé pour l'accusation, car, lorsque les gendarmes sont arrivés au domicile de la disparue le 16 décembre 2020 au petit matin, le véhicule de l'infirmière était garé dans le sens de la descente.

Anne-Michelle S. est formelle : lorsqu'elle est passée devant la maison du couple, en fin de journée la veille, la voiture était garée dans le sens de la montée. "J'en suis sûre parce qu'en passant, j'ai failli écraser le chien de Delphine, qui était sorti accueillir sa maîtresse", a-t-elle insisté à la barre. Sa réponse ne convainc pas complètement. Mais ce doute ne gomme pas le reste du témoignage d'Anne-Michelle S., particulièrement défavorable à Cédric Jubillar. 

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