"Y a-t-il quelque chose qui vous touche ?" : au premier jour du procès de Cédric Jubillar, la cour se penche sur sa personnalité
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L'accusé de 38 ans continue de contester toute responsabilité dans la disparition de son épouse, Delphine Jubillar, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Sa première prise de parole était très attendue, après plus de quatre ans de procédure.
Cédric Jubillar a accepté d'être filmé et pris en photo. Alors à la pause matinale, au premier jour de son procès pour le meurtre de sa femme Delphine, lundi 22 septembre, un escadron de caméras, de micros et de téléphones portables s'est précipité vers son box vitré dans la salle des assises. L'énigmatique accusé, entré par une petite porte du tribunal d'Albi deux heures avant, dissimulé sous un blouson noir, venait justement de quitter le cube, accroupi, escorté par plusieurs policiers.
Les objectifs sont restés braqués de longues minutes sur la vitre, sous l'œil consterné des parties civiles, le cercle proche de Delphine Jubillar-Aussaguel : Stéphanie, sa sœur aînée, à qui la justice a confié la garde des deux enfants du couple, ses deux frères Mathieu et Sébastien, des oncles, tantes et cousins du côté maternel et sa meilleure amie, Emeline.
L'accusé de 38 ans, crâne rasé et vêtu d'une veste de survêtement bleu et noir, s'est assis sur sa chaise, avec un rictus nerveux. Certains y verront plutôt la marque du "fanfaron" dépeint aux enquêteurs par ceux qui le connaissaient. A la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne), où il est détenu depuis juin 2021, l'ancien peintre-plaquiste aurait rameuté d'autres détenus quand un reportage était diffusé à son sujet. "J'aime prendre de la place, être imposant, me montrer, c'est une certitude", admet-il lundi après-midi, debout, les mains dans le dos, lorsque la présidente, Hélène Ratinaud, lui donne la parole pour la première fois.
Une enfance marquée par les maltraitances
A la barre, l'enquêtrice de personnalité, psychologue de formation qui a rencontré deux fois Cédric Jubillar en 2022, a dressé le portrait d'un homme au parcours "cabossé". Pourtant, l'accusé a assuré à Gaëlle Carraux-Alfort ne pas avoir été "impacté" par les défaillances de sa mère, qui a accouché de son fils à 15 ans, l'abandon de son père biologique et les placements en familles d'accueil et en foyer qui ont jalonné son existence jusqu'à sa majorité.
Depuis son box, le trentenaire, dont la vie a été marquée par "des rejets et abandons successifs", répond par des phrases courtes, laissant toute marque d'émotion loin de lui. Au sujet de sa première famille d'accueil, un couple chez qui il a vécu dès l'âge de 4 ans, il résume : "Ils étaient très gentils, j'aimais bien les enfants de cette dame." De retour chez sa mère, à 7 ans, il subit les maltraitances de son beau-père.
"Je pense que je ne devais pas être un bon fils."
Cédric Jubillardevant la cour d'assises du Tarn
"Vous considérez que c'est de votre faute si vous avez été maltraité ?" s'étonne Hélène Ratinaud. "Oui." Qu'a-t-il subi ? "Des fessées, des gifles", détaille Cédric Jubillar. "Ça devait aller au-delà, car ça a conduit à un signalement et à un nouveau placement à 11 ans", relève la magistrate. "Il ne sentait pas sa force, donc il ne l'a pas fait exprès, je pense", interprète l'accusé. La présidente ne lâche pas : "Il y a eu certaines fois mémorables..." "Oui, avec plus d'une centaine de fessées sur les fesses", concède l'accusé, laissant de côté les coups de poing qui lui ont fait dévaler un escalier.
"Je n'aime pas parler de mes émotions"
L'ancien peintre en bâtiment apparaît placide, presque détaché, mais un peu intimidé lors de ce tout premier interrogatoire, dans une salle d'audience pleine à craquer. "Y a-t-il quelque chose qui vous touche ?" lui demande Philippe Pressecq, avocat de parties civiles. "Oui, bien sûr : la disparition de ma femme, le fait de ne pas voir mes enfants, de ne pas voir ma famille... Tout ça me touche", affirme Cédric Jubillar d'une voix légèrement émue. "Mais je n'aime pas parler de mes émotions, je suis pudique", ajoute-t-il. L'enquêtrice de personnalité précisait un peu plus tôt que son épouse, présumée morte par les enquêteurs, était totalement "absente de son discours".
Si son fils Louis, 11 ans, et sa fille Elyah, 6 ans, lui manquent, pourquoi ne leur a-t-il pas écrit ?, l'interroge Laurent Boguet, l'un des avocats qui représentent les intérêts de ses enfants. "Je leur ai écrit : je n'ai jamais eu de réponse", se défend l'accusé, irrité. "Mais c'est vous l'adulte !" s'agace son interlocuteur.
"J'ai cessé d'écrire, c'est vrai, pendant un an... Mais j'ai envoyé un courrier au début du mois et j'en referai un autre le mois prochain."
Cédric Jubillardevant la cour d'assises du Tarn
Lors de son exposé très détaillé, l'enquêtrice de personnalité s'est arrêtée sur les multiples témoignages relatant les violences physiques que Cédric Jubillar aurait fait subir à son fils aîné, capable de lui imposer de se tenir "les mains sur la nuque, à genou sur des Lego", évoquant aussi des oreilles tirées et des gifles répétées.
Accro au cannabis
"Est-ce que vous ne pensez pas que cet autoritarisme dont il a fait preuve à l'égard de Louis, c'est la manifestation d'un homme adolescent qui veut se positionner en tant que père, mais ne sait pas trop comment faire ?" tente Emmanuelle Franck, l'une des avocates qui compose le tandem de défense. "Effectivement, je pense que sa compagne a été un pilier face à lui qui n'est pas stable, pas ancré", relève l'enquêtrice de personnalité, qui s'est attardée sur la difficulté de Cédric Jubillar à conserver un emploi stable. Ce que celui-ci explique laconiquement par "un manque de chance".
Mais qu'il ne lie aucunement à sa surconsommation de cannabis. Questionné sur le sujet, il estime que sa consommation quotidienne tournait entre "10 et 15 joints par jour". La présidente relève qu'il aurait même parlé de "25 joints par jour" au psychiatre qui l'a interrogé. "Ça fait beaucoup quand même", rétorque l'accusé, dans un trait d'humour mal assumé. Pourquoi une telle consommation ?
"J'aime bien le goût, j'aime bien la sensation, j'aime bien l'odeur du produit."
Cédric Jubillardevant la cour d'assises du Tarn
"Mais ça ne me faisait rien de particulier", balaye-t-il, suscitant un murmure réprobateur dans la salle. Il estime que sa consommation lui coûtait entre "400 à 500 euros par mois", alors qu'il touchait un revenu de 1 500 euros. "Je ponctionnais dans le salaire de Delphine, dans les comptes des petits et, au début du mois, je remettais les sous", rapporte-t-il sans détour.
Une défense à fissurer
Une face plus sombre de Cédric Jubillar affleure, sous un discours globalement très contrôlé, que Laurent Boguet tente de fissurer comme il peut. L'avocat s'attarde sur les difficultés financières du couple. "De 2015 à 2019, vous vous faites systématiquement ratatiner par le fisc : vous ne payez pas la taxe foncière, ni la taxe habitation, et c'est sur le compte de Delphine que les intérêts tombent !" L'accusé affirme d'abord découvrir cette information. Puis l'avocat toulousain hausse le ton.
"Il y avait des problèmes d'argent entre vous, des problèmes de finition de la maison... Vous ne pouvez pas me répondre que vous étiez étranger aux difficultés !"
Laurent Boguet, avocatdevant la cour d'assises du Tarn
Face à lui, Cédric Jubillar ne semble pas particulièrement intimidé. "Quand elle me demandait une somme, je lui donnais du liquide", assure-t-il. L'accusé décrit comme "très expansif", "volubile", "arrogant" et "gueulard" apparaît d'un coup fermé. Laurent Boguet s'interroge sur sa capacité à jouer "franc-jeu", quand Mourad Battikh, avocat de cousins, tantes et oncles de Delphine Jubillar-Aussaguel a rappelé, interrogé par l'AFP, que la famille attendait "une double vérité", à propos de "ce qu'il s'est passé au cours de cette nuit du 15 au 16 décembre 2020" et afin de savoir "où est le corps évidemment". Pour l'heure, Cédric Jubillar persiste à contester l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.
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