: Reportage "Si ça recommence, aura-t-on assez de pompiers pour nous protéger ?" : dans les quartiers nord de Marseille, les habitants sous le choc après l'incendie
Un feu de végétation a parcouru 750 hectares mardi entre Les Pennes-Mirabeau et Marseille. Alors que les pompiers restent mobilisés, la tension est palpable chez les riverains qui ont dû se confiner.
"C'est simple, j'ai pas dormi." Accoudé sur sa voiture, mercredi 9 juillet, Ali, 24 ans, raconte la "très mauvaise nuit" qu'il a passée à regarder son téléphone, "fenêtres et volets barricadés" à cause de l'incendie qui s'est déclaré la veille à quelques kilomètres de la cité de la Bricarde, dans le nord de Marseille. Mardi, le feu de végétation parti des Pennes-Mirabeau a fini par se propager jusqu'aux portes de la deuxième ville de France. Les 15e et 16e arrondissements ont reçu l'ordre de se confiner, une consigne finalement levée mercredi matin. "La fumée était épaisse, jaune, grise, noire... C'était impressionnant, raconte le mécanicien. On a vraiment cru que ça allait arriver jusque chez nous."
Les quartiers nord de Marseille, la Bricarde et la Castellane notamment, étaient aux premières loges du combat des pompiers face aux flammes sur les collines surplombant la ville. Depuis la fenêtre de l'appartement de sa tante, Ali a vu le ballet incessant des hélicoptères, et le feu s'arrêter à quelques mètres à peine des maisons posées sur la crête. "Tout le monde avait été évacué, mais tu te dis que ça aurait pu être terrible", lâche le jeune homme, avant de partir au travail. En contrebas des immeubles, plusieurs routes restent bloquées afin de faciliter le passage des pompiers. Nombreux sont les habitants qui s'arrêtent pour prendre en photo l'impressionnante file de camions rouges stationnés sur le grand rond-point qui mène à l'A55, base arrière de la lutte contre l'incendie.
L'impression d'avoir "échappé au pire"
"Ça n'a pas l'air réel... Jamais je n'aurais cru que les flammes s'approcheraient aussi près", s'étonne encore Sophie, 33 ans, accompagnée de ses deux enfants. Le plus jeune est accueilli par une crèche du quartier, à moins d'un kilomètre des collines calcinées. "Je n'ai pas pu le récupérer avant 20h30 hier soir, et encore, j'ai presque dû forcer le barrage de police", raconte-t-elle.
"Grâce aux pompiers, les quartiers nord ont été sauvés. Mais ça fait très peur, on se dit que ça peut revenir et faire bien plus de dégâts."
Sophie, 33 ans, habitante de Marseilleà franceinfo
Son aîné était, lui, au centre aéré. "Pour le rassurer, les encadrants lui ont dit que la fumée venait d'un barbecue", sourit la jeune mère de famille. Dans la soirée, elle lui a finalement expliqué que c'était un incendie, que les broussailles pouvaient prendre feu très rapidement et qu'il fallait faire attention. "Tout est très sec ici, et avec le mistral, le feu peut rapidement dégénérer."
Au total, 70 maisons ont été atteintes par les flammes, et dix logements ont été détruits, selon un bilan communiqué jeudi matin par le préfet des Bouches-du-Rhône. Un peu perdu au milieu des camions de pompiers, Karim, 17 ans, a eu peur que son bâtiment soit touché. "J'ai l'impression qu'on a échappé au pire, à une grosse catastrophe", confie le lycéen, qui s'est confiné mardi après-midi avec sa famille après avoir reçu une alerte sur son portable. "Le message fait peur en plus, avec la sonnerie qui pète ton crâne", lâche-t-il, faisant rire son plus jeune frère. En plus de fermer les fenêtres, "on a bouché les aérations avec du papier mouillé, pour éviter que la fumée rentre parce que ça prenait à la gorge", raconte le jeune Marseillais, qui ne sait pas encore ce qu'il va faire de sa journée. "Tout est bouclé, il y a des hélicoptères partout, j'ai l'impression que ce n'est pas fini", maugrée-t-il.
Des pompiers sur le qui-vive
Derrière les cordons de sécurité tenus par la police, les rues sont totalement calmes. "Ça change par rapport à hier soir !" s'écrie Jean-Paul, habitant de la Castellane depuis les années 1970. A travers ses volets, il a entendu les camions de pompiers se succéder "et les sirènes qui n'en finissaient pas". A 9 heures du matin, il a fini par sortir avec un ami pour aller faire quelques courses, bien content de ne plus tousser. "C'était une odeur âcre, je croyais d'abord à un feu de poubelles, mais c'était beaucoup plus boisé et piquant", se souvient-il. Soulagé que le feu ait été contenu, il félicite chaleureusement les pompiers. "On leur doit une fière chandelle, même s'ils n'ont pas tous les moyens nécessaires", pointe le septuagénaire, au sujet du nombre limité d'avions type Canadair en France.
Allongés à même l'herbe d'un rond-point, plusieurs pompiers en tenue piquent un somme au soleil. "La nuit a été plus que dure", confie l'un d'eux. Des renforts arrivés en début de matinée attendent de nouvelles consignes. Si le feu est en nette régression, selon les autorités, il menace encore du côté des Pennes-Mirabeau, profitant d'un vent qui reste puissant. Dans un message publié la veille sur X, le maire de la cité phocéenne, Benoît Payan, a salué l'engagement des "héros" pour "protéger Marseille et ses habitants".
Pour les soldats du feu rencontrés mercredi matin, "la situation s'améliore, mais le travail n'est pas terminé", et la proximité entre les flammes et des zones urbaines très peuplées effraie. "On veut absolument éviter un Los Angeles à la française", glisse l'un d'eux, en référence aux méga-feux qui ont ravagé la ville américaine en début d'année. Une crainte partagée par les habitants des quartiers nord, comme Oujda, la cinquantaine, croisée en bas de son immeuble entouré d'arbres. "Si ça recommence, est-ce qu'on aura assez de pompiers pour nous protéger ? Ou alors faudra-t-il qu'on sorte nous-mêmes pour aller combattre le feu ?", se demande-t-elle, les yeux rougis.
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