Témoignages "Tout reste à faire" : frappés par la foudre, ils espèrent faire avancer la science pour comprendre et amoindrir leurs symptômes

C’est l’objet d’une série documentaire d’Émilie Grall et Mickaël Royer en trois épisodes, diffusée à partir de lundi soir sur Planète+. Ils y racontent le quotidien des fulgurés d'Azerailles, 14 personnes qui ont survécu à la foudre dans ce village de Meurthe-et-Moselle, lors d’un festival en septembre 2017. Des survivants loin d’être indemnes, même huit ans plus tard.

Article rédigé par Willy Moreau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
De gauche à droite, Jean-Luc, Raphaëlle et Jocelyne, le 2 juin 2025, huit ans après avoir été fulgurés à Azerailles. (Meurthe-et-Moselle). (WILLY MOREAU / RADIO FRANCE)
De gauche à droite, Jean-Luc, Raphaëlle et Jocelyne, le 2 juin 2025, huit ans après avoir été fulgurés à Azerailles. (Meurthe-et-Moselle). (WILLY MOREAU / RADIO FRANCE)

Chaque retrouvaille est l'occasion de se raconter les symptômes qui apparaissent encore aujourd'hui. "Je n'avais pas fait la relation", explique Jean-Luc Mellé, l'un des fulgurés d'Azerailles. Il est serrurier et est devenu presque aimanté, huit ans après avoir été frappé par la foudre. "J'ai des épines métalliques dans les mains, dans les pieds. Est-ce qu'on peut avoir une modification, être plus magnétique que ce qu'on était avant ?", interroge-t-il.

Raphaëlle Manceau, fil rouge de la série documentaire Fulgurée, quand la foudre ne tue pas, présentée à Cannes series et diffusée à partir de lundi 2 juin sur Planète+, s'interroge aussi, "avec les bizarreries qui sont arrivées", dit-elle. "Au départ, quand j'étais en colère ou contrariée, j'ai grillé un aspirateur, j'ai endommagé des plaques de cuisson à induction, raconte-t-elle. Donc on peut se poser des questions". Mais au-delà de ces "bizarreries" qui prêteraient à sourire, les conséquences sont loin d'être anodines.

Le cerveau de Raphaëlle, enseignante à Saint-Dié-des-Vosges, a été sévèrement touché. Elle a d'abord connu une activité presque surhumaine. "J'étais capable de me souvenir de souvenirs d'enfance qui étaient enfouis, ceux dont on ne se souvient jamais, en même temps, je pouvais planifier ma journée et faire des multiplications", détaille-t-elle. Mais un mois après sa fulguration, épuisée, elle perd l'usage de la parole et a suivi un gros travail de rééducation. Aujourd'hui, c'est sa mémoire qui est affectée, elle ne "peut plus apprendre quoi que ce soit". "C'est compliqué pour moi", confie-t-elle.

Sans parler de la fatigue, des problèmes de motricité ou encore des douleurs, qui évoluent de plus en plus chez Jocelyne Chapelle. Elle est celle qui a été le plus sévèrement touchée par la foudre, lors du festival. "Je souffre de neuropathies, une atteinte des nerfs et des muscles, explique-t-elle. Ça fait des décharges électriques qui provoquent des contractions musculaires. Et ça peut aller, en cas de grosses crises, jusqu'à des convulsions". Les IRM ou les scanners ne montrent pourtant rien.

"Pour que les gens se rendent compte de ce qu'on vit"

Ces fulgurés se retrouvent dans une errance médicale. Alors ils se raccrochent à un docteur, Rémi Foussat, kéraunopathologue, autrement dit un des rares spécialistes mondiaux des conséquences physiques de la foudre. Il travaille plus particulièrement sur les troubles neurologiques et neuro-psychologiques des patients fulgurés. Jocelyne, Raphaëlle, Jean-Luc et les autres ont accepté de participer à son étude clinique. Elle devrait être publiée en début d'année prochaine. "On espère que ça va servir, que ça va être utile", lance Jocelyne.

"Les études de Rémi Foussat ont montré qu’il y avait une trace biophysique du passage de la foudre."

Raphaëlle, une fulgurée d’Azerailles

à franceinfo

Autrement dit, des nanocomposites ont été retrouvés dans leur sang et leur urine. Rémi Foussat s'est appuyé sur les travaux de Marie-Agnès Courty, géologue au CNRS, et s'intéresse spécifiquement aux troubles retardés. Une "maladie de la fourdre qui apparaît plusieurs semaines ou plusieurs mois après", explique-t-il. Pour l'instant, "aucune imagerie médicale ni explication scientifique n'explique à 100% ce phénomène".

Identifier ces nanoparticules permet d'une part de confirmer l'accident de fulguration, de l'autre d'ouvrir des pistes pour expliquer les séquelles qui se rapprochent de celles des patients "irradiés ou qui ont suivi une chimiothérapie", détaille le spécialiste.

"Maintenant, ils comprennent un peu mieux"

"Ce n'est que le début, poursuit Raphaëlle. Il faut continuer les recherches pour voir dans quelles mesures cette trace biophysique permet d'expliquer nos symptômes. Tout reste à faire". Une épopée scientifique et humaine que l'on suit dans la série documentaire où chacun s'est prêté au jeu. "Pour que les gens se rendent compte de ce qu'on vit", explique Jean-Luc. "Il ne faut pas que notre histoire ne serve à rien", insiste Raphaëlle.

"Et maintenant, ils comprennent un peu mieux parfois quand on leur dit que ça ne va pas", ajoute Jean-Luc. "Quand je dis à mes collègues : 'oh la la, je suis fatiguée', ce n'est pas la même fatigue qu'elles, en fait, surenchérit Raphaëlle. C'est un épuisement total", conclut Jocelyne. Une des amies de Raphaëlle a vu le documentaire en avant-première. Elle a pleuré de honte, "tellement honte de t'avoir jugée", relate Raphaëlle qui finit par sourire, en pensant à sa dernière anecdote : des jeunes lui ont demandé de signer un autographe, un autre changement mais cette fois beaucoup plus joyeux.

Frappés par la foudre, ils espèrent faire avancer la science pour comprendre et amoindrir leurs symptômes. Reportage de Willy Moreau.

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