Témoignages "On n'est pas des trafiquants" : douze militants de l'aide à mourir jugés devant le tribunal correctionnel de Paris

Les prévenus sont soupçonnés d'avoir aidé des personnes gravement malades à se procurer un produit mortel.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un médecin prépare une seringue avec un barbiturique utilisé dans la pratique de l'euthanasie, dans un hôpital en Belgique, le 1er février 2024. Photo d'illustration (SIMON WOHLFAHRT / AFP)
Un médecin prépare une seringue avec un barbiturique utilisé dans la pratique de l'euthanasie, dans un hôpital en Belgique, le 1er février 2024. Photo d'illustration (SIMON WOHLFAHRT / AFP)

Ils seront 12 membres et sympathisants de l'association "Ultime Liberté" jugés, à partir de lundi 15 septembre, et pendant trois semaines par le tribunal correctionnel de Paris, dans un procès peu banal. La plupart des prévenus ont plus de 70 ans, ils sont soupçonnés d'avoir acheté ou avoir aidé d'autres personnes âgées à se fournir un produit létal pour mettre fin à leur vie, entre 2018 et 2020. franceinfo a rencontré l'une des fondatrices de l'association, qui sera jugée dans ce procès.

Claude Hury, 76 ans aujourd'hui, se souvient de la perquisition menée chez elle par les policiers, il y a six ans : "A 6 heures du matin, on frappe assez fortement à la porte. Je mets une robe de chambre rapidement et puis je vais ouvrir : 'Qu'est-ce qu'il se passe ?' Et là, je vois entrer une personne, deux personnes, trois personnes... Jusqu'à neuf."

"On n'est pas des trafiquants"

130 perquisitions similaires partout en France, en majorité chez des personnes âgées. Les policiers cherchent du penthiobarbital : "C'est létal, c'est ce qui est utilisé aujourd'hui dans tous les pays où il y a une loi sur la fin de vie. En deux minutes vous vous endormez et un quart d'heure après votre cœur est arrêté. Vous mourrez dans votre sommeil." Les enquêteurs ne trouvent pas ce produit chez Claude Hury : "On n'a jamais rien vendu, ni rien acheté donc on n'est pas des trafiquants."

"Une criminelle, elle tue les gens. Nous, on ne tue pas."

Claude Hury, prévenue

à franceinfo

Claude Hury, soixante-huitarde, se définit en revanche comme une militante. Au Planning familial longtemps, elle a ensuite cofondé l'association "Ultime Liberté" pour le droit à mourir quand on veut, le droit d'anticiper sa mort, rappelant que c'est déjà une réalité : il y a 3 000 suicides de personnes âgées par an. "Il faudrait que chaque individu puisse choisir la solution qui lui convient", dit-elle.

"En France, pour avancer il faut des procès"

Claude Hury reconnaît avoir donné des explications à des adhérents de l'association pour commander du produit létal au Mexique et avoir épaulé des personnes âgées pas très à l'aise avec internet à en commander. Et elle assume : "Enfait, on est un petit peu dans la désobéissance civile. Il n'y a pas de loi." Elle souhaite même faire une tribune de ce procès : "Enfin, ça va être mis sur la place publique et en France, pour avancer il faut des procès. Rappelez-vous l'avortement, il y a eu le procès Bobigny." Bernard Senet, un autre prévenu, médecin, se dit "très tranquille", auprès de France Inter.

"Je dors très bien, je n'ai pas peur de la justice, je pense qu'ils vont comprendre"

Bernard Senet, prévenu

à France Inter

Celui qui se définit comme un "médecin de famille" et qui milite depuis 40 ans pour l'aide à mourir, estime avoir pratiqué une soixantaine d'euthanasies dans sa carrière."Très souvent, quand j'en parle, j'ai des collègues qui me disent qu'ils ont accompagné eux aussi", affirme-t-il, regrettant une "hypocrisie énorme" sur ce sujet. "Vous accompagnez des gens pendant des années, des maladies évolutives. Et au moment où ça ne va pas, on ne va pas leur lâcher la main en leur disant 'débrouille-toi'. C'est impossible", affirme-t-il.

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