Témoignage "Les assassinats ne sont que la partie visible de l'iceberg" : en Corse, une membre fondatrice d'un collectif anti-mafia accompagne des victimes

Une manifestation anti-mafia inédite a lieu samedi en Corse à l'appel de deux collectifs. Franceinfo a pu rencontrer Josette Dall'Ava-Santucci, une médecin à la retraite, membre du collectif A Maffia Nò, A Vita Iè, qui fait de l'accompagnement des victimes son combat.

Article rédigé par Sarah Mansoura
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un tag anti-mafia sur un mur, le 26 février 2025 en Corse. (CHRISTIAN BUFFA / MAXPPP)
Un tag anti-mafia sur un mur, le 26 février 2025 en Corse. (CHRISTIAN BUFFA / MAXPPP)

C'est dans une Corse endeuillée par la mort récente de deux jeunes (Pierre-Louis Giorgi à Ajaccio, le 23 décembre et Chloé Aldrovandi à Ponte-Leccia, le 15 février) que se tient samedi 8 mars dans l'après-midi une inédite manifestation "anti-mafia". Deux collectifs de l'île, Massimu Susini et A Maffia Nò, A Vita Iè ("non à la mafia, oui à la vie"), appellent la population à descendre dans la rue pour dénoncer l'"emprise mafieuse", une première en France. 

Et si la manifestation n'est pas une marche blanche en hommage à Chloé ou "Pilou", insistent les organisateurs, ce sont bien les victimes qui sont au centre des préoccupations de ces collectifs, dans la région la plus criminogène de France. Franceinfo a rencontré à Corte l'une des membres fondatrices du collectif A Maffia Nò, A Vita Iè. Cette médecin à la retraite accompagne les victimes de ce que les Corses n'hésitent plus à appeler "mafia". 
 
À 82 ans, Josette Dall'Ava-Santucci, n'a rien perdu de son dynamisme. "Ici, c'est une zone, le Niolo, où il y a eu cinq ou six morts ces deux, trois dernières années", raconte-t-elle. Cette ancienne professeure de médecine, spécialiste des pathologies cardio-respiratoires se consacre maintenant à d'autres maux. "D'autres maux et d'autres silences, la maladie de la mafia." Elle a créé la commission victimes de son collectif, pour les aider à porter plainte. "Elles sont blessées à vie. Et ce sont des personnes recroquevillées sur elles-mêmes, souvent dans la dépression, et qui croisent leur bourreau", déplore-t-elle.

Réconcilier les Corses avec la justice

Un travail rendu difficile par l'insuffisance de preuves, les menaces envers des jurés ou bien sûr la peur, l'omerta. "Les meurtres, les assassinats, ne sont que la partie visible de l'iceberg, lance-t-elle. On vient vous chercher, on vient chercher les commerçants, on vient dire : 'Votre magasin a sauté deux fois, on peut assurer votre sécurité'. Il n'y a pas une personne en Corse qui n'a pas un exemple à vous citer autour d'elle."

Une pression sur l'ensemble de la société, et qui s'accentuerait ces dernières années. "J'ai eu des exemples de victimes qui m'ont parlé d'une menace sérieuse, qui habitaient dans le Sud et qui sont montées dans le Nord pour porter plainte dans une gendarmerie. Le lendemain, il y avait déjà des coups de fil ici et là pour savoir qui est cette personne, pourquoi elle a été là, 'est-ce que vous la connaissez ?'".

Josette Dall'Ava-Santucci, médecin à la retraite et membre fondatrice du collectif anti-mafia A Maffia Nò, A Vita Iè, le 8 mars 2025. (SARAH MANSOURA / FRANCEINFO)
Josette Dall'Ava-Santucci, médecin à la retraite et membre fondatrice du collectif anti-mafia A Maffia Nò, A Vita Iè, le 8 mars 2025. (SARAH MANSOURA / FRANCEINFO)

Au total, depuis cinq ans, la médecin compile une cinquantaine de dossiers, certains plus difficiles que d'autres. "Je n'avais encore jamais entendu ça en Corse, j'avais vu ça dans les films italiens. Quand j'ai appris que des enfants étaient menacés, la coupe était pleine."

"Pour les morts, on dit toujours : 'Qu'ils reposent en paix'. Mais nous, pouvons-nous reposer en paix ? Pouvons-nous être silencieux devant toutes ces menaces autour de nous ? Ce n'est pas possible !"

Josette Dall'Ava-Santucci, membre du collectif A Maffia Nò, A Vita Iè

à franceinfo

Elle promet de continuer à recenser ces histoires, accompagner cette parole, soutenir les victimes jusque dans les prétoires. Car l'un des objectifs de Josette Dall'Ava-Santucci est de réconcilier les Corses avec la justice. 

Sarah Mansoura a rencontré une médecin à la retraite, membre d'un collectif anti-mafia en Corse.

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