Attentats de Paris : dans les hôpitaux parisiens, "la plupart des blessés avaient été traversés de balles, c'était horrible"
Les établissements médicaux de la capitale ont réussi à "faire face à la situation exceptionnelle" liée aux attentats de vendredi.
"C’est sûr, personne n’oubliera jamais cette nuit-là." Le personnel soignant des hôpitaux de Paris est encore sonné après l'afflux de blessés provoqué par les attentats menés dans la capitale et au Stade de France (Seine-Saint-Denis) dans la soirée du vendredi 13 novembre. Au total, 80 personnes ont été admises en "urgence absolue" dans les établissements de l'AP-HP cette nuit-là. Trois sont mortes depuis vendredi, portant le bilan à 129 morts et 352 blessés. Quarante-deux personnes sont toujours en service de réanimation.
C'était "une ambiance de scènes de guerre", raconte Philippe Juvin, chef des urgences de l'hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, qui a connu des zones de conflits, comme l'Afghanistan. Tous les médecins parlent des dégâts considérables provoqués par les balles de gros calibre tirées par les terroristes, armés notamment de fusils d'assaut de type kalachnikov et portant des ceintures d'explosifs : dégâts musculaires, osseux, hémorragies...
"Les équipes étaient très pros, très calmes"
Philippe Juvin a raconté la soirée de vendredi, sans cacher son émotion, sur iTélé. Il a notamment raconté la soirée de vendredi à iTélé. "Pendant deux heures, il ne s'est rien passé (...). Puis, brutalement, à 2 heures du matin, vous avez 40 ambulances qui arrivent aux urgences et vous déversent des patients. (...) Dans une ambiance qui est l'inverse des mauvais films américains. Personne ne parle… même les blessés qui devraient hurler de douleur sont silencieux."
"La plupart des blessés avaient été traversés de balles, c'était horrible", témoigne de son côté un des chirurgiens de l'hôpital Lariboisière, sous couvert d'anonymat. Mâchoires, crânes, yeux, membres touchés, égrène-t-il en confiant "un grand sentiment de désolation". Un autre chirurgien évoque même "une patiente criblée de boulons", provenant probablement de ces ceintures d'explosifs portées par les terroristes, qui en étaient remplies.
"Avant même l'activation du 'plan blanc' [dispositif de mobilisation maximale pour les situations sanitaires d'urgence et de crise], tout le monde, médecins, infirmières, a spontanément rappliqué en un temps record", raconte Patrick Plaisance, patron des urgences de Lariboisière, dans le JDD. A la Pitié-Salpêtrière, qui a accueilli le plus gros contingent de blessés, et notamment 25 dont la vie ne tenait plus qu'à un fil, dix blocs opératoires tournaient à plein régime. A l'hôpital Georges-Pompidou, 8 blocs opératoires sur 12 étaient mobilisés. Les chirurgiens orthopédistes ont notamment été très mobilisés en raison des plaies aux membres.
Les équipes étaient très pros, très calmes, ça ne courait pas partout, ce n'était pas désordonné.
Les hôpitaux parisiens ont pu "faire face à la situation exceptionnelle" liée aux attentats, en termes de personnel et de matériel, a confirmé lundi la direction de l'AP-HP dans un communiqué, soulignant "la solidarité entre les hôpitaux".
Beaucoup de séquelles
"On a multiplié presque par dix le personnel. On était près de 100 soignants entre les urgences et les salles de réveil. Cela n’arrive jamais", se félicite, dans Le Monde, Nathalie Nion, la cadre paramédicale qui supervise les infirmières et les aides-soignantes du pôle à la Pitié-Salpêtrière. A l’hôpital Georges-Pompidou, Philippe Juvin rapporte dans le quotidien qu’à un moment, la moitié du personnel venu en renfort dans le service ne faisait pas partie de l’établissement.
Des moments de solidarité et de tension extrême. "A chaque balle extirpée, les insultes fusent dans les salles de chirurgie : 'Les enculés'…", raconte une externe de l'un des hôpitaux dans La Libre Belgique. Les balles sont placées dans des pots d’examens, pour la police, à des fins médico-légales, précise le journal.
Trash, c’était vraiment trash.
Après les opérations menées en urgence, avec une technologie de pointe, vient le temps du réveil des patients. Beaucoup vont avoir des séquelles, déplorent les médecins. Et pour certains, de longs mois de traitement vont suivre (nouvelles interventions, greffes...), comme pour Philippe Lançon, chroniqueur rescapé de la tuerie de Charlie Hebdo, touché à la mâchoire par les balles des frères Kouachi, et qui a subi depuis treize interventions chirurgicales.
Des blessés "comme anesthésiés, groggy"
"En général, les patients qui meurent par balles décèdent sur le coup ou très vite. Mais, parmi ceux qui ont survécu, beaucoup auront subi de très lourds dégâts fonctionnels. Pour certains, le chemin sera très long. Ils ont perdu un bras, une jambe, ce sont des traumatisés à vie", décrit dans Le JDD le docteur Mathieu Raux, qui coordonne les secours à la Pitié-Salpêtrière. Son confrère de Lariboisière, Rémy Nizard, confiait dans l'hebdomadaire redouter le moment où il allait devoir aller au chevet des personnes opérées pendant la nuit : "Je ne sais pas ce que je vais leur dire, je ne sais pas comment leur dire ces choses terribles. J'aimerais qu'ils sentent que nous comprenons qu'ils sont victimes d'une immense injustice."
Les praticiens ont aussi été frappés par l'état de "sidération" des blessés, "comme anesthésiés, groggy" par ce qu'ils avaient vécu.
Ils sont comme K.-O. debout. Ils n'expriment pas une émotion légitime.
Le professeur Dominique Pateron évoque ainsi le cas d'un patient visiblement grièvement blessé au bras par une balle et qui "semble détaché à la fois du drame et de sa blessure". Quand on l'interroge, il dit simplement : "Je ne sais pas, j'ai rien vu."
"Il va y avoir une gestion spécifique de ces patients grands traumatisés, explique dans Le Monde Jacques Duranteau, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. Pour eux, les soins devront être physiques, mais aussi psychologiques car le stress qu’ils ont connu est d’un niveau inimaginable."
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