Un jihadiste présumé remis par erreur en liberté : les juges travaillent avec "un tableau et des fiches en carton", dénonce le Syndicat de la magistrature
Un jihadiste a été libéré en avril par erreur alors qu'il doit être jugé en novembre. Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature, alerte sur les moyens des juges qui ne disposent pas de 'logiciels suffisamment performants pour éviter ce genre d'erreur".
Un jihadiste présumé, considéré comme dangereux, qui était en détention provisoire avant son procès prévu en novembre, a été libéré de prison en avril. Cette libération fait suite à l'erreur d'un juge d'instruction qui n'a pas renouvelé sa détention provisoire à temps. Le ministère de la Justice assure que l'homme est sous contrôle très strict.
"La justice devrait être dotée des moyens, des outils, des logiciels qui seraient suffisamment performants pour éviter ce genre d'erreur", déclare sur franceinfo jeudi 23 août, Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature.
franceinfo : Ces erreurs sont-elles fréquentes ?
Katia Dubreuil : Ce n'est pas la première fois qu'un délai de détention échappe à la vigilance du juge d'instruction et qu'on se rend compte trop tard qu'elle arrive à expiration, c'est-à-dire en dehors des délais légaux pour pouvoir convoquer la personne pour prolonger sa détention. Ce sont des choses qui se sont déjà produites par le passé et qui ont déjà donné lieu à des inspections, à des recommandations et, malheureusement, les outils donnés aux magistrats pour contrôler ces délais sont toujours aussi indigents. C'est déjà arrivé avec des individus qui étaient impliqués dans des dossiers criminels ou autres.
A quelle fréquence la détention provisoire doit-elle être renouvelée ?
Cela dépend des dossiers et des faits pour lesquels les personnes doivent être mises en examen. Les faits criminels, c'est tous les six mois et en matière correctionnelle, c'est tous les quatre mois. Quand vous avez 30 ou 40 détenus [pour un juge d'instruction], cela veut dire que les délais de détentions arrivent à échéance sans arrêt. C'est donc quelque chose qui est lourd à gérer en plus de tout le reste. Surtout dans un contexte où, dans les cabinets des juges antiterroristes, il y a une masse de travail, une pression et une difficulté à gérer des dossiers très lourds qui est évidente. Les dossiers de terrorisme sont tentaculaires et les juges peuvent en avoir une vingtaine. Un juge d'instruction qui a des contentieux plus classiques peut avoir jusqu'à 120 dossiers avec 50 détenus. C'est énorme.
Tout cela repose sur la vigilance d'un seul homme ?
Il n'y a pas suffisamment de garde-fous. Je pense que c'est la conclusion à laquelle on arrive à chaque fois que ce genre d'incident se produit. Le discours du pouvoir exécutif qui est de dire qu'on va essayer de comprendre ce qui s'est passé, comme si c'était une grande découverte, c'est assez agaçant. On sait très bien qu'un tableau de détenus avec des fiches en carton et la vigilance du juge d'instruction, ce n'est pas quelque chose de satisfaisant pour que le service public de la justice fonctionne correctement.
La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a demandé qu'une enquête soit menée pour comprendre ce qui s'est passé. Selon vous, elle le sait ?
Bien sûr. C'est un grave dysfonctionnement parce que la justice devrait être dotée des moyens, des outils, des logiciels qui seraient suffisamment performants pour éviter ce genre d'erreur. Les logiciels dont disposent les juges d'instruction pour travailler ne sont pas fiables, ils ne sont pas adaptés à l'instruction. Les juges d'instructions ne peuvent pas travailler avec ces logiciels qui sont bourrés d'erreurs et c'est pour ça qu'ils recourent au seul moyen dont ils disposent, un tableau affiché dans le bureau, avec des fiches en carton qui sont déplacées au fur et à mesure des délais. Il suffit qu'une fiche se retrouve dans la mauvaise case à la suite d'une erreur humaine et il peut y avoir ce genre de difficulté.
Comprenez-vous que le juge d'instruction n'ait pas quitté son poste ?
Oui, il n'a pas à quitter son poste. On est dans un Etat de droit et l'indépendance de la justice est une garantie et, notamment l'inamovibilité du juge. Il ne peut pas être sommé de quitter sa place sans aucune procédure ou garantie. Donc, si un magistrat a commis une faute disciplinaire, il y a une enquête pour le montrer, et il peut y avoir une sanction disciplinaire et il peut être obligé de quitter ses fonctions ; si on n'a pas toute cette procédure et une faute de prouvée, le magistrat n'a pas à être déplacé.
Selon le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, on ne sait pas où se trouve la personne libérée. Est-ce le cas ?
C'est assez effrayant de voir que la communication du gouvernement est faite dans un tel amateurisme ! La personne a été placée sous contrôle judiciaire, elle doit pointer tous les jours au commissariat, il y a un grand nombre d'obligations qui lui sont données. Si l'une d'elles n'est pas respectée, même une fois, le contrôle judiciaire peut être révoqué et la personne retournera en détention provisoire. Entendre que le porte-parole du gouvernement pense que soit on est en détention provisoire, soit on est en cavale, c'est assez effrayant. Cet individu est surveillé de près.
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