"On peut penser que des jihadistes utilisent des Européens pour frapper leur pays d'origine"
Louis Caprioli, ancien expert de la DST, répond aux questions de francetv info après l'arrestation d'un Français soupçonné d'être l'auteur de la fusillade meurtrière de Bruxelles.
Quelles menaces terroristes planent sur l'Europe ? Et sur la France ? L'arrestation, vendredi 30 mai, d'un Français soupçonné d'être impliqué dans la fusillade meurtrière de Bruxelles relance le débat.
Francetv info a interrogé Louis Caprioli, l’un des piliers de l’ancienne DST (direction de la surveillance du territoire), devenue DGSI (direction générale de la sécurité intérieure), aujourd'hui conseiller spécial chez GEOS, une société privée de sécurité. Cet expert en matière de terrorisme décrit comment le conflit syrien pourrait s'exporter en Europe.
L’homme interpelé à Marseille était connu des services de police, il a même été repéré comme s'étant rendu en Syrie. Comment de tels profils peuvent-ils échapper aux services de renseignement ?
En fait, une première question se pose à propos de l’homme arrêté à Marseille : par où est-il passé en rentrant de Syrie ? Ensuite, si l'enquête montre qu'il est bien l'auteur de la fusillade, la particularité de cette opération est, à mes yeux, qu’elle est menée par un Français mais en dehors de notre territoire. Se poseront alors d'autres questions : l'opération a-t-elle été préparée depuis la Syrie ? A-t-elle été organisée à titre individuel ou dans le cadre de la stratégie d’un groupe qui a décidé que les jihadistes européens devaient être utilisés non pas pour combattre en Syrie mais pour frapper en Europe ?
Est-il réellement envisageable que des groupes jihadistes visent directement l'Europe ?
Tout à fait. Je vais vous expliquer pour quelles raisons. Dans les années 2005-2006 des réseaux français sont allés combattre en Irak. Certains venaient du 19e arrondissement de Paris. Ils ont été pris en main par la mouvance d’Abou Moussab al-Zarqaoui (ancien responsable d’al Qaida en Irak). Ce dernier a estimé qu’il était en présence de piètres combattants, comparés à d'autres éléments qu’il avait à ses côtés, issus de l’armée, des services secrets et même de la police irakienne. Il a alors pensé qu’il était préférable de les renvoyer chez eux plutôt que de s’en encombrer. A cette période, ont donc été arrêtés des individus qui s’apprêtaient à commettre des attentats en France. Or il se trouve que l’organisation terroriste de l’État islamique en Irak et au Levant (appelée aussi ISIL ou ISIS) qui livre bataille actuellement en Syrie est la copie conforme de l’organisation d’Abou Moussab al-Zarqaoui. On peut donc légitimement penser que cette organisation, qui est puissante dans le nord de la Syrie, utilise les jihadistes européens pour frapper leur pays d’origine. Et c’est une forte préoccupation des services puisque l’on sait que cela a existé dans le passé.
Le comportement de l’homme arrêté n’est pas sans poser de multiples questions : ses allées et venues, les armes qu’il avait sur lui...
L’arrestation à Marseille pose en effet des questions. S'il s'agit bien de l'auteur de la fusillade, on peut s'interroger sur les précautions qu'il semble avoir prises autour de son opération à Bruxelles et ce qui semble être une erreur lors de son retour en France. A Bruxelles, le tireur avait vraisemblablement fait une reconnaissance des lieux, d’où la casquette dont il s’est affublé pour empêcher d’être identifié. Et l'homme arrêté à Marseille prend l'autobus pour rentrer en France. Mais voilà, il prend le bus Amsterdam-Marseille. Sur cette ligne, les douaniers savent qu’en se postant à la gare routière ils peuvent tomber sur quelques "mules" qui transportent de la cocaïne, du haschich ou de l’héroïne…
Si l'homme arrêté à Marseille est bien l'auteur de la fusillade, doit-on en déduire qu'il est assez peu structuré ?
Ce serait aller vite en besogne. Mieux vaut s’interroger. S'il s'agit bien du tueur de Bruxelles, pourquoi cet individu revient-il à Marseille avec son arsenal ? Ce n’est pas pour partir en Algérie - il est d’origine algérienne -. Avec les armes, c’est impossible étant donné les contrôles à l’entrée des bateaux. Le repérage via son identité aurait été quasi-immédiat et la police aux frontières aurait averti les services intérieurs. Quelqu’un devait-il le prendre en charge pour le cacher ? Ou pire encore, une structure à Marseille lui aurait-elle porté assistance ? Voilà de vraies questions pour les enquêteurs.
En matière de recrutement des jihadistes, on évoque souvent le rôle joué par les réseaux sociaux. Aujourd’hui même, les représentants de la communauté juive en Belgique dénoncent la propagande de ces groupes islamistes radicaux sur internet, qu’en pensez vous ?
On est malheureusement dans l’incapacité d’interdire les accès à internet aux réseaux jihadistes. On sait bien que les fournisseurs de ces accès ne sont pas situés dans des pays européens. Certes, les organisations ont développé de véritables structures médiatiques comme Al Andalous ou même Al Qaida, mais encore une fois, il est impossible de parvenir à les interdire par les voies de la surveillance du numérique.
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