Cinq questions sur la suppression du service de fact-checking chez Meta aux Etats-Unis annoncée par Mark Zuckerberg
"Nous allons nous débarrasser des fact-checkeurs", a annoncé mardi Mark Zuckerberg, le patron de la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, dans un message sur les réseaux sociaux.
L'année 2025 sera-t-elle perturbée par les fausses informations ? Le groupe Meta, qui regroupe Facebook, Instagram et WhatsApp, a annoncé mardi 7 janvier la suppression de son service de fact-checking (vérification de l'information) aux Etats-Unis. Une décision très politique, dans un contexte de retour au pouvoir de Donald Trump, aux répercussions potentiellement lourdes pour la lutte contre la propagation d'informations erronées ou de fake news. Franceinfo résume les enjeux de ce changement majeur en cinq questions.
1 Quels sont les changements annoncés par Meta ?
Jusqu'à présent, Meta permettait à certains médias et organisations non gouvernementales de publier des contenus de vérifications, sur ses différentes plateformes, sous les messages comportant des informations erronées. Il rémunérait les vérificateurs pour le travail effectué. Meta disposait ainsi d'un programme de fact-checking dans plus de 26 langues, qui rémunérait plus de 80 médias à travers le monde. Tous les médias enrôlés dans le programme étaient certifiés par le Réseau international de vérification des informations (IFCN), explique le groupe sur son site.
Une formule qui ne convainc visiblement plus : "Nous allons nous débarrasser des fact-checkeurs", a annoncé le patron du groupe, Mark Zuckerberg, dans un message posté mardi sur les réseaux sociaux. Selon lui, "les vérificateurs ont été trop orientés politiquement et ont plus participé à réduire la confiance qu'ils ne l'ont améliorée, en particulier aux Etats-Unis (...) Nous revenons à nos racines", a encore promis le patron de Meta.
2 Comment Meta entend remplacer les fact-checkeurs ?
Le groupe précise que son programme de fact-checking aux Etats-Unis est remplacé par un système de notes de contexte, semblable à celui qu'utilise actuellement le réseau social X. Ces notes ont été mises en place par Twitter (ancien nom de X) en 2021 avant d'être généralisées sur le réseau social racheté en 2022 par Elon Musk. Au lieu de faire appel à des organisations indépendantes de lutte contre la désinformation, les "community notes" sont rédigées par des utilisateurs volontaires, à leur gré. D'autres utilisateurs votent pour dire s'ils jugent la précision utile et les notes les plus populaires apparaissent ensuite sous le message litigieux.
Un fonctionnement vivement critiqué par différents acteurs de la vérification. "Si vos toilettes fuyaient, vous ne compteriez pas sur le premier quidam venu pour les réparer", déplore Michael Wagner, de l'école de journalisme de l'université du Wisconsin, à Madison. Selon ce professeur, "demander aux gens, bénévolement, de contrôler les fausses nouvelles sur ses plateformes est une négation par Meta de sa responsabilité sociale." Meta a complètement ignoré les travaux montrant "que les utilisateurs qui alimentent les notes de la communauté sont particulièrement partisans et tendent à en rajouter contre leurs adversaires politiques", déplore également Alexios Mantzarlis, du centre universitaire de recherche Cornell Tech à New York.
Yoel Roth, ancien responsable de la modération de Twitter, s'est quant à lui dit "assez stupéfait d'entendre affirmer que les notes de la communauté 'fonctionnent'". "Les analyses scientifiques sont très partagées sur ce point", explique-t-il sur le réseau social Bluesky.
3 Dans quel contexte politique cette décision s'inscrit-elle ?
La lutte contre la désinformation est un sujet politique brûlant aux Etats-Unis, où les conservateurs l'accusent d'être un outil de restriction de la liberté d'expression et de censure des discours de droite. Donald Trump et son allié milliardaire Elon Musk sont les deux principales personnalités à l'origine de ces critiques récurrentes. Interrogé mardi sur la décision surprise de Meta, le président élu a ainsi jugé qu'il avait "probablement" influencé cet arbitrage. "C'est cool", s'est pour sa part enthousiasmé Elon Musk.
Donald Trump a par ailleurs choisi, en novembre, Brendan Carr, un partisan d'une dérégulation du secteur technologique, pour diriger la puissante agence fédérale des communications. L'homme avait appelé sur X à "démanteler le cartel de la censure" formé selon lui par "Facebook, Google, Apple, Microsoft et d'autres".
4 Pourquoi cette mesure inquiète-t-elle les acteurs du fact-checking ?
Quelques heures après l'annonce de Mark Zuckerberg, la journaliste philippine et prix Nobel de la paix Maria Ressa a estimé mercredi "extrêmement dangereuse" l'époque que l'on connaît pour le journalisme. Ross Burley, cofondateur du Centre for Information Resilience, un réseau d'enquêteurs indépendants basé au Royaume-Uni, déplore quant à lui un "recul significatif pour la modération des contenus à un moment où la désinformation et les contenus nocifs se répandent plus rapidement que jamais". "Sans une alternative crédible", la décision de Meta "risque d'ouvrir les vannes à plus de désinformation", a-t-il prédit.
Ce changement de paradigme peut également avoir des répercussions financières sur les partenaires externes de Meta. Le programme de la multinationale américaine constitue en effet des "sources de revenus importantes" pour les acteurs du secteur, d'après une étude de 2023 de l'International Fact-Checking Network (IFCN).
5 Cette décision peut-elle avoir des répercussions en France ?
La France semble disposer d'un sursis. Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique, a assuré sur X avoir reçu de la branche française du géant américain l'assurance que la fin du fact-checking ne concernait que les Etats-Unis "pour le moment". "En Europe, le Digital Service Act [la réglementation européenne en vigueur] sera respecté. Croyez en ma vigilance sur le sujet", a-t-elle ajouté.
La Commission européenne a par ailleurs "catégoriquement" réfuté les accusations de censure lancées par Mark Zuckerberg contre l'Union européenne. "Le nombre de lois institutionnalisant la censure [dans l'UE] ne cesse d'augmenter et il est difficile d'y construire quoi que ce soit d'innovant", avait affirmé le dirigeant de Meta.
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