Fausses informations : "On n'est plus étonnés que chaque évènement fasse l'objet d'une réécriture complotiste", dit le dirigeant de l’Agence France-Presse
Fabrice Fries s'inquiète de la "banalité du faux" et considère qu'il faut la "combattre", notamment en changeant "le modèle économique des plateformes".
Les rumeurs et les fausses informations sont de plus en plus présentes et sont notamment relayées par les complotistes sur les réseaux sociaux. "Ce qui est le plus dangereux aujourd'hui c'est un phénomène d'accoutumance. On n'est plus étonnés que chaque évènement fasse l'objet d'une réécriture complotiste", a expliqué ce mercredi sur franceinfo Fabrice Fries, président-directeur général de l’Agence France-Presse (AFP), auteur de L'emprise du faux, aux éditions de l'Observatoire.
franceinfo : À l'origine de votre livre il y a la diffusion du pseudo documentaire "Hold-up", qui explique que le Covid est le fruit d'un vaste complot mondial. Ce film a été vu des millions de fois sur internet. Comment expliquez-vous un tel succès ?
Ce qui est le plus dangereux aujourd'hui c'est un phénomène d'accoutumance. On n'est plus étonnés que chaque évènement fasse l'objet d'une réécriture complotiste. C'est cette banalité du faux qui m'inquiète et qu'il faut combattre. Ce documentaire montre qu'il y a une grande demande pour le faux. Il y a eu 2,5 millions de personnes qui l'ont vu en quinze jours. Cela montre que ces théories complotistes ont une forme de séduction, ce sont des explications très simples dans un monde devenu extrêmement complexe sur un terreau très fragile. Les plateformes donnent une diffusion sans précédent à de telles thèses qui ont toujours existé, mais qui là prennent une ampleur jamais vue. On vit dans un monde d'incrédulité totale où l'on doute de tout, notamment des paroles d'autorité, et de crédulité absolument formidable, où l'on croit à des trucs abracadabrantesques. On connaît tous dans nos familles des complotistes.
Vous dites qu'une infox se répand six fois plus vite qu'une information sourcée et fiable. Vous expliquez que les choses changent depuis la prise du Capitole et la décision des réseaux de bannir Donald Trump. En quoi est-ce un tournant ?
Le tournant a été pris au lendemain de l'élection américaine de 2016, qui a été alimentée par beaucoup de désinformation, ainsi que la campagne du Brexit. À partir de là, les plateformes ont commencé à modérer davantage, sous la pression de l'opinion. Les médias se sont organisés, notamment avec la mise en place d'activités de fact checking. L'assaut du Capitole est un évènement énorme. Le fait que le président de la première puissance mondiale se mue en rebelle en chef, c'est assez inédit. On a vu que les théories complotistes pouvaient avoir des effets réels, puisqu'il y a eu cinq morts. J'espère que ce sera un évènement fondateur. On sent le régulateur américain en particulier se réveiller. Il y a des débats en cours avec la nouvelle administration pour poser un cadre plus serré pour que les plateformes agissent. Aujourd'hui, ce cadre est extrêmement laxiste et c'est ce qui fait qu'on est dans la situation actuelle.
Faut-il confier aux réseaux sociaux la possibilité d'édicter les règles ?
Si on veut vraiment combattre la désinformation de manière sérieuse plutôt qu'à coups de rustine, il faut corriger le modèle économique des plateformes. C'est aussi le plus difficile. On a accepté que les algorithmes donnent une prime au faux, jouent sur nos émotions et donc diffusent la désinformation plein gaz. Aujourd'hui ce n'est plus possible. Les plateformes adorent dire qu'il n'y a pas de problèmes que la technologie ne puisse régler. Prenons-les au mot et poussons-les à corriger les algorithmes pour qu'elles établissent des freins à la viralité. Il est temps d'inventer les feux rouges pour les algorithmes des plateformes et de poser des ralentisseurs pour arrêter ce phénomène d'amplification. Cela ne va pas contre la liberté de parole.
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