Commission parlementaire sur TikTok : "J'ai décidé de saisir la procureure de la République" pour mise en danger des utilisateurs, annonce le député PS Arthur Delaporte

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l'agence 6Medias
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Président de la commission parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok sur les moins de 15 ans, le député socialiste Arthur Delaporte explique dans "La Matinale" du jeudi 11 septembre pourquoi une interdiction drastique du réseau social aux plus jeunes n'est pas, selon lui, la meilleure solution dans l'immédiat.

C'est une mesure qui revient régulièrement dans le débat public : faut-il interdire le réseau social TikTok aux moins de 15 ans ? Arthur Delaporte, député PS du Calvados, est l'invité de "La Matinale" jeudi 11 septembre pour évoquer le sujet en tant que président de la commission d'enquête parlementaire sur les effets psychologiques de l'application chinoise sur les mineurs. La plateforme est ciblée car prisée des plus jeunes, avec un algorithme particulièrement "dangereux", explique-t-il. "A l'issue de cette commission, le constat est sans appel : TikTok a délibérément mis en danger la santé, la vie de ses utilisateurs. C'est pourquoi j'ai décidé de saisir la procureure de la République de Paris", annonce le député. 

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Jean-Baptiste Marteau : Pourquoi d'abord cibler spécifiquement TikTok ? Est-ce que c'est un réseau plus dangereux ou simplement parce qu'il est plus populaire chez les jeunes ?

Arthur Delaporte : Les deux. Au départ, j'étais plutôt sur l'idée qu'il fallait faire une commission sur tous les réseaux sociaux, parce que ce qu'on retrouve sur TikTok, on le retrouve partout ailleurs. Mais quand on demande aux jeunes sur quelle plateforme ils passent le plus de temps, c'est sur TikTok. Il y en a un peu plus qui sont sur d'autres réseaux, un peu plus sur Instagram, par exemple. Mais finalement, quand on regarde le temps passé, TikTok a la plus forte capacité à retenir l'attention des jeunes. Et puis, de manière générale, l'algorithme de TikTok, c'est-à-dire la manière dont sont sélectionnées les vidéos, est sans doute le plus dangereux parce que c'est celui qui va enfermer le plus rapidement dans des contenus problématiques.

C'est-à-dire qu'il va cibler spécifiquement les contenus qui intéressent le plus les jeunes et qui ne sont pas forcément destinés à leur âge ?

En quelques secondes, en fait, TikTok est capable de voir ce qui intéresse les utilisateurs et donc si vous êtes un peu triste, mais même très légèrement triste, eh bien en fait, il vous propose des contenus de plus en plus tristes et donc on peut, très rapidement, avoir des contenus qui sont liés, par exemple, à la promotion du suicide et ça, c'est extrêmement dangereux.

Cette commission d'enquête parlementaire a travaillé pendant des mois. Elle a des députés de tous bords politiques qui ont travaillé sur cette problématique assez consensuelle. Il y a plein de recommandations, notamment une qui serait d'interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Aujourd'hui, en théorie, c'est 13 ans pour s'inscrire sur des réseaux de type TikTok. Concrètement, comment vous feriez ?

Vous posez une question sur la principale recommandation où j'ai, à titre personnel, une nuance et je l'exprime dans mon avant-propos. Vous savez, j'ai souhaité qu'on ait une adoption à l'unanimité de ce rapport parce qu'on est d'accord sur le constat, sur le diagnostic, sur ce qu'on décrit tout de suite sur la dangerosité de l'algorithme et sur la plupart des recommandations. Mais pour moi, sur les 15 ans, il y a un sujet d'applicabilité, de périmètre. Parce que, finalement, quand on s'arrête à TikTok, à Instagram, à Facebook, est-ce qu'on ne va pas aller sur WhatsApp ? Est-ce qu'on ne va pas avoir des nouvelles dérives sur Telegram ? Bref, c'est un sujet. Et puis ça pose l'idée que, après 15 ans, il n'y aurait plus de problème, alors qu'on a vu des jeunes qui ont découvert TikTok à 16 ans et qui, derrière, ont fait des tentatives de suicide à 16 ans. Donc, pour moi, la priorité des priorités, c'est d'abord de s'attaquer à la plateforme, aux mécanismes et de taper au portefeuille. Je propose donc, à titre personnel, en tant que président de la commission, une recommandation qui est de mettre en place un principe pollueur-payeur. Et si ça ne marche pas, derrière, d'interdire.

Marianne Théoleyre : Dans les faits, c'est plus compliqué parce qu'évidemment, pour l'instant, il n'y a pas de moyen de vérifier l'âge de celui qui s'inscrit. On peut mentir sur son âge. J'aimerais quand même dire qu'il y a une loi, la loi du 7 juillet 2023, qui instaure la majorité numérique à 15 ans. On ne peut pas l'appliquer en France à cause d'un problème de données personnelles. Sauf qu'il y a une expérimentation qui va démarrer, j'aimerais bien que vous nous en parliez, sur les jeux d'argent ou les sites pornographiques. On va pouvoir vérifier l'âge vraiment en donnant sa carte d'identité au gouvernement français. C'est une application qui va être expérimentée, on en est où ?

Arthur Delaporte : Sur l'applicabilité, ça va être possible dans quelques mois, peut-être un an, un an et demi, de vérifier l'âge des personnes sur les plateformes, avec un système de double anonymat. La France est expérimentatrice à l'échelle européenne de ce qu'on appelle le mini-wallet, petit portefeuille. On demandera à une application tierce de vérifier non pas l'identité de la personne, mais si elle correspond à certains critères. Et donc, on préservera l'anonymat. Mais derrière, en effet, je pense que c'est nécessaire de pouvoir vraiment vérifier l'âge des gens, de pouvoir proposer des contenus spécifiques pour les mineurs, d'avoir un algorithme qui est mieux régulé pour tous les mineurs. Ça, c'est essentiel, notamment parce qu'aujourd'hui, on va détecter si vous êtes majeur ou mineur, même si on ne le dit pas comme tel, mais très rapidement en fonction de vos préférences.

Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

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