Paralympiques d'hiver 2026 : "Ces Jeux vont être beaux, avec une vraie ferveur", s'impatiente Arthur Bauchet, à tout juste un an de Milan-Cortina

A un an jour pour jour du début des Jeux paralympiques de Milan-Cortina, Arthur Bauchet, douze titres de champion du monde de paraski alpin et huit médailles paralympiques n'a qu'une hâte : gonfler son déjà glorieux palmarès.

Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 10min
Arthur Bauchet lors d'une étape de coupe du monde de paraski alpin à Courchevel, le 19 décembre 2024. (MONTIGNY PHILIPPE / KMSP)
Arthur Bauchet lors d'une étape de coupe du monde de paraski alpin à Courchevel, le 19 décembre 2024. (MONTIGNY PHILIPPE / KMSP)

Dans 365 jours, du 6 au 15 mars 2026, la quatorzième édition des Jeux paralympiques d'hiver aura lieu à Milan-Cortina. Un rendez-vous majeur, de retour en Europe après deux éditions en Asie (Pyeongchang 2018, Pékin 2022), et à quatre ans de l'édition française dans les Alpes. Avec déjà huit médailles paralympiques à son palmarès, le paraskieur alpin Arthur Bauchet, qui aura alors 25 ans, sera l'une des stars de la délégation tricolore. A un an du coup d'envoi, le skieur de Serre-Chevalier nous a accordé un entretien sans filtre, entre deux victoires.

Dans un an débuteront les Jeux paralympiques d'hiver de Milan-Cortina. Ça vous parait loin ?

Arthur Bauchet : Ça ne me paraît pas très loin du tout. Ça me paraît même tout proche ! Un an dans le sport, c'est demain. J'ai hâte d'y être. En attendant je me concentre sur cette saison, qui est très bonne pour le moment. Donc tout va bien, je suis serein.

Votre nom revient beaucoup parmi les prétendants au rôle de porte-drapeau pour ces Jeux de 2026. Vous y pensez en vous rasant le matin ?

Alors, je n'ai pas de barbe, donc non ! (rires) Plus sérieusement, je ne pense pas que je serai porte-drapeau à Milan, parce que je ne sais même pas si je pourrai être à la cérémonie d'ouverture, vu que je commence à courir dès le lendemain, loin de là, à Cortina. Faire Milan-Cortina la nuit précédant mon entrée en lice, ce n'est pas une bonne idée. Je suis dégoûté, parce que ce seront mes troisièmes Jeux, et à chaque fois, je n'ai pas pu assister à la cérémonie d'ouverture. Je me console en me disant que je serais peut-être porte-drapeau à la maison en 2030…

La particularité de ces Jeux d'hiver de Milan-Cortina, c'est justement l'éclatement des sites dans quasiment tout le nord de l'Italie. Est-ce que ça vous dérange, en tant qu'athlète, que tout soit aussi éloigné ?

C'est sûr qu'en tant qu'athlète, c'est un peu plus compliqué. Après, moi, honnêtement, j'ai déjà vécu des Jeux où c'était le cas. A Pyeongchang en 2018, on avait plus d'une heure et demie de trajet tous les matins, on prenait le bus à 5h30, c'étaient des horaires de fou. A Pékin, on était au pied des pistes, mais loin de toutes les autres disciplines, donc on avait moins l'esprit olympique. Mais on sait que le modèle des Jeux évolue. Les gros villages olympiques qui réunissent tout le monde, c'est fini. Ça ne colle plus aux Jeux modernes, responsables. Mais ça reste les Jeux, quelque chose de magique. Moi, peu importe la piste, ce que j'adore, c'est l'ambiance des Jeux. En plus, on skiera à Cortina, c'est une piste mythique.

Contrairement à Pékin en 2022, ces JO d'hiver auront en effet lieu dans des vrais temples des sports d'hiver, et surtout sans pandémie, donc avec du public.

Pékin, c'était spécial. Nos familles n'avaient pas pu venir, et surtout on avait des tests PCR tout le temps ! D'ailleurs, je n'en ai pas eu depuis, et ça ne me manque pas. Là, on revient dans des montagnes qu'on connaît, c'est quelque chose qui va compter, forcément. Ces Jeux vont être beaux, l'ambiance va être différente, avec une vraie ferveur. 

Qu'est-ce que ça change de faire les Jeux en Europe ? 

Déjà, ça se passe sur des pistes qu'on a pu faire, qu'on connaît parce qu'on les a skiées deux années de suite, contrairement à Pékin. Ce sont des pistes qu'on connaît par cœur. Et puis surtout, c'est de la neige européenne sur laquelle on court toute l'année. 

Quatre ans plus tard, en 2030, les JO auront aussi encore plus proches de chez vous, puisqu'ils seront en France. Cette date est déjà cochée dans votre planning ?

Bien sûr que c'est coché. 2030, c'est déjà dans un coin de ma tête. D'habitude, je pense aux Jeux suivants fin mars, à la cérémonie de clôture des Jeux. Là, je pense à Milan-Cortina depuis la cérémonie de clôture de Pékin, mais maintenant je pense aussi à 2030, parce que des Jeux à la maison, c'est quelque chose que je ne pensais jamais vivre. Avoir cette chance-là de pouvoir les vivre, forcément, ça va être mon objectif de carrière.

"En 2030, ça sera sûrement mes derniers Jeux, donc je veux en profiter, et ne pas louper la cérémonie d’ouverture, cette fois ! Dans tous les cas, ce sera magique. Des Jeux à la maison, je ne vois pas comment ça ne peut pas bien rendre."

Arthur Bauchet, triple champion paralympique

à franceinfo: sport

D'ailleurs, vous êtes ambassadeur de ces Jeux d'hiver 2030 dans les Alpes françaises. Comment conciliez-vous cela avec votre carrière ?

Je n'ai pas de rôle à proprement parler dans le Cojop, parce que pour moi, la meilleure manière d'être un bon ambassadeur de ces Jeux, c'est d'aller se battre pour la médaille d'or là-bas. C'est un projet qui me tient à cœur, parce que je sais ce que les Jeux peuvent apporter, je sais ce que les Jeux m'ont apporté. Je l'ai encore vu cet été, pendant les Jeux de Paris que j'ai vécus comme consultant pour France TV. J'ai pris conscience que peu importe comment on vit les Jeux, c'est toujours quelque chose de magique, une bulle d'énergie et d'émotions positives.

Comment on garde la motivation quand on a déjà 12 titres de champion du monde et huit médailles paralympiques à seulement 24 ans ? 

C'est une bonne question, mais la meilleure des réponses, c'est de pouvoir faire des Jeux à la maison. Que voulez-vous de plus pour la motivation ? Quand je voyais les athlètes qui se préparaient pour Paris, je me disais : 'ça doit être bien de s'entraîner pour des Jeux à la maison'. Mais je ne pensais jamais pouvoir m'entraîner avec comme objectif des Jeux à la maison. Il peut se passer beaucoup de choses en cinq ans, surtout dans le sport. Mais en même temps, c'est demain aussi.

Avant cela, il y aura les Jeux paralympiques de 2026, où vous aurez le costume de grand favori. D'autant plus que vous venez de remporter deux nouveaux titres de champion du monde en slalom et slalom géant. Etes-vous satisfait de ces Mondiaux ?

En termes de résultats, oui, je suis très content, puisque j'ai remporté les deux épreuves qui sont restées au programme. J'étais le favori sur le slalom et le slalom géant, j'ai tenu mon rang. En revanche, sur l'organisation, trois courses ont été annulées faute de neige, dont la descente et le super-G. C'est très frustrant, même si l'organisation a fait tout son possible à Maribor [Slovénie]. Malheureusement, il n'y avait pas assez de neige. Le choix du lieu n'était peut-être pas optimal, mais c'est toujours compliqué de trouver un organisateur pour les Mondiaux de paraski alpin. Là, on n'a su que quelques mois avant où on allait.

D'autant que le règlement a évolué en votre défaveur cette saison, puisque le coefficient de compensation de votre handicap a été divisé par deux. 

Oui… J'ai fait savoir mon mécontentement, surtout par rapport à la méthode utilisée. Qu'on revoie le système, ça, il n'y a pas de problème, tant que c'est fait de façon équitable. Là, ce sont des athlètes, et non pas des médecins, qui ont été écoutés par la Fédération internationale de ski (FIS). Des athlètes que j'affronte. Je ne vois pas comment l'avis d'un athlète peut être plus pris au sérieux que l'avis des médecins pour comparer des handicaps. Mais j'ai montré sur la piste que le travail paie, c'est ce que j'avais de mieux à faire : continuer à gagner pour montrer que ce n'était pas une histoire de coefficient.

"Je mène toujours le combat parce que mon handicap est là. Je le sens tous les jours. Il n'y a pas de raison qu'il ne soit pas autant valorisé qu'un autre sur le circuit. C'est toujours dur de devoir se battre quand on a un handicap invisible. Je ne sais pas si on se serait permis de faire ça si ça avait été un athlète à qui il manquerait les deux jambes."

Arthur Bauchet, atteint de paraparésie spastique, une maladie génétique dégénérative invisible qui lui provoque de grosses raideurs au niveau des jambes

à franceinfo: sport

En dehors des JO d'hiver, à quoi ressemblent vos saisons ? 

Ce sont des saisons chargées. On a eu 25 départs en Coupe du monde cette année. Ils ont souvent lieu en semaine, avec plusieurs fois la même discipline sur chaque lieu. On est  un peu sous les radars toute la saison de Coupe du monde, même si ça tend un peu à changer. Il y a de plus en plus d'organisations qui mettent en place un système de live sur Youtube. Ça fait plaisir parce que ça veut dire que les organisateurs font un maximum d'efforts.

Vous sentez un changement en France, depuis les Jeux paralympiques de Paris ?

Oui, mais en vérité ça a commencé avant, avec la préparation pour Paris 2024, justement. On sent qu'on parle plus de nous, qu'on est plus écoutés, suivis. Il y a de plus en plus de personnes qui nous connaissent. Il y a un énorme travail qui est fait. C'est sûr qu'on aimerait toujours plus. 

"Paris 2024 a mis un bon boost au mouvement paralympique, et ça va continuer grâce aux Alpes françaises de 2030."

Arthur Bauchet, ambassadeur des Jeux d'hiver de 2030 dans les Alpes françaises

à franceinfo: sport

En parlant de Paris 2024, est-ce vrai que vous rêviez d'y participer en paracyclisme ?

L'histoire, c'est que je me suis mis au vélo en 2021. J'ai vraiment commencé à en faire de plus en plus. J'ai fait des championnats de France en 2023. J'ai vu que ça me servait vraiment beaucoup dans ma préparation en ski, mais je suis compétiteur avant tout. Forcément, j'ai essayé aussi de faire des compétitions en paracyclisme. Ça a bien marché. J'ai toujours su que Paris, c'était un objectif quasi inatteignable, parce que le niveau en vélo est vraiment très haut. Au moins, être avec cette équipe qui préparait les Jeux d'été, de voir leur niveau d'exigence, ça m'a fait du bien. C'est pour ça que j'ai décidé de continuer, même après Paris, parce que ce deuxième sport me fait vraiment du bien. Peut-être qu'après le ski, j'irais aux Jeux d'été de Brisbane en 2032. Qui sait ? 

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