Reportage "Nous attendons toujours le cahier des charges" : la rénovation de la piste de bobsleigh, sujet épineux pour les Jeux d'hiver de 2030 dans les Alpes françaises

Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La piste de bobsleigh de La Plagne, construite pour les Jeux de 1992, doit être réutilisée pour ceux de 2030, après des travaux dont on ne connait pas encore le montant. (JEROME VAL / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
La piste de bobsleigh de La Plagne, construite pour les Jeux de 1992, doit être réutilisée pour ceux de 2030, après des travaux dont on ne connait pas encore le montant. (JEROME VAL / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

La piste de bobsleigh de la Plagne en Savoie, construite pour les JO de 1992, doit être réutilisée pour les prochains Jeux d'hiver de 2030, dans les Alpes françaises. Mais en l’absence de comité d’organisation, le dossier a du mal à avancer.

Un long serpentin blanc de 1 500 mètres qui se confond presque dans le décor enneigé du site, bordant la route qui grimpe jusqu’aux stations de ski de La Plagne. La piste de bobsleigh, de luge et de skeleton est unique en France, avec sa vingtaine de virages qu’un bobsleigh peut avaler à plus de 120 km/h. 

Depuis sa sortie de terre pour les Jeux d’Albertville, en 1992, elle est devenue un patrimoine et une fierté pour les habitants. "J’ai grandi avec elle, s’enthousiasme Claude Schneider qui a réalisé des relevés de températures pour choisir ce site de la station savoyarde. On n’a pas envie de détruire la nature et donc si on peut ne pas construire une nouvelle piste, je trouve que c’est bien de réutiliser les infrastructures qui existent déjà."

Mais pour les Jeux de 2030, cette piste, propriété du Syndicat intercommunal de la Grande Plagne, devra se refaire une beauté : la rénover, refaire l’usine de réfrigération pour qu’elle soit moins gourmande en énergie et prévoir des aménagements pour l’accueil du public (jusqu’à 5 000 personnes par jour pourront assister aux épreuves des JO).

"La première phase doit permettre de remettre la piste en ordre de marche pour qu’elle soit réglementaire, détaille le directeur général Bruno Thomas. Ça concerne les bâtiments de départ et d’arrivée avec de nouveaux matériaux, refaire quelques virages. Nous allons aussi travailler sur la décarbonation et les économies d’énergie. Notre deuxième axe, ce sont les aménagements autour de la piste pour se mettre au standard olympique."  

Incertitudes sur le coût

Le chantier n’a pas encore démarré et personne ne sait encore combien il va coûter, même si certains chiffrages sont parfois avancés. Le flou actuel autour du dossier français n’aide personne, entre le retard dans la création du COJO (le comité d’organisation devrait être installé le 18 février prochain) et Martin Fourcade qui claque la porte de sa présidence. "Nous sommes la risée du monde entier et on a raté le démarrage de nos jeux", s’emporte une figure bien connue de La Plagne.

"C'est difficile d'avoir une estimation chiffrée dès aujourd'hui parce que nous attendons toujours le cahier des charges du CIO (comité international olympique) via le COJOP (comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques) pour être encore une fois au standard olympique, regrette Bruno Thomas. Une fois qu’on aura ça, on pourra vraiment se projeter dans les premières études de faisabilité dans les deux prochaines années. À ce moment-là, on pourra vraiment définir les chiffrages. Une piste en partant d’une feuille blanche, c’est entre 150 et 200 millions d’euros. Là évidemment, on sera bien loin de ces chiffres."

Bruno Thomas, le directeur général de la piste, attend la création du COJO et les retours du CIO pour engager le chantier de rénovation de l'infrastructure. (JEROME VAL / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Bruno Thomas, le directeur général de la piste, attend la création du COJO et les retours du CIO pour engager le chantier de rénovation de l'infrastructure. (JEROME VAL / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Quel que soit le coût global, ce sera sans doute trop pour un tel équipement, craint Eric Adamkiewicz. Cet enseignant-chercheur à l’université de Toulouse a rédigé en 1990 un rapport sur l’usage post-olympique de la piste de bobsleigh. "On peut même se demander si c’est nécessaire de réinjecter 18 ou 20 millions d’euros pour des nouveaux aménagements. Ce ne sont pas des investissements, ce sont des coûts directs qui ne seront jamais rentabilisés. La piste ne va pas devenir bénéficiaire grâce à ces travaux. Depuis 1992, cette piste est déficitaire chroniquement."  

Même si au bord de la piste verglacée de La Plagne, on tempère ce constat. "On a une fréquentation entre 13 000 et 14 000 visiteurs par saison hivernale, détaille son directeur général, ancien athlète qui a participé aux JO de 2002. Ça a permis d'inventer un modèle économique de reconversion de sites olympiques sur des sports qui sont confidentiels. On a un bilan de fonctionnement qui a un petit équilibre."

Avec le retard déjà pris dans le projet, le temps commence à presser pour ce chantier, comme pour les autres : tout doit être prêt dans moins de cinq ans.

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