Afrique du Sud : pourquoi la justice a donné raison aux populations et aux écologistes opposés au pétrolier Shell
La justice permet de nouveau de faire barrage aux projets de la compagnie anglo-néerlandaise en quête de nouveaux gisements.
Une victoire pour les populations autochtones et les écologistes. Le 28 décembre 2021, le tribunal de Grahamstown, en Afrique du Sud, a interdit avec effet immédiat au géant pétrolier Shell de mener une exploration sismique au large de la touristique Wild Coast (côte sauvage), dans l'est du pays. Les plaignants s'inquiétaient des répercussions du projet d'exploration sur la faune marine et le quotidien des habitants de la région.
Le juge Gerald Bloem a estimé que la compagnie anglo-néerlandaise n'avait pas rempli l'obligation de consulter la population locale qui détient notamment des droits de pêche et entretient un "lien spirituel et culturel particulier avec l'océan".
"Nous respectons la décision du tribunal et avons suspendu l'étude pendant que nous examinons le jugement", a déclaré à l'AFP un porte-parole de Shell, qui n'a pas précisé si l'entreprise ferait appel.
Today a High Court ordered Shell to CEASE its seismic blasting along South Africa’s Wild Coast, while ordering Shell and the Minister of Mineral Resources and Energy to pay the costs of the application for the interim interdict.#ToHellWithShellhttps://t.co/owzhIedCsF pic.twitter.com/jncw8T3kDU
— Greenpeace Africa (@Greenpeaceafric) December 28, 2021
(Traduction : "Aujourd'hui, une cour de justice a ordonné à Shell de CESSER ses explosions sismiques le long de la côte sauvage d'Afrique du Sud, tout en ordonnant à Shell et au ministre des Ressources minérales et de l'Energie de payer les frais de la demande d'interdiction provisoire.")
Rappel des faits
Le 29 novembre 2021, quatre organisations de défense de l'environnement et des droits de l'Homme − Border Deep Sea Angling Association, Kei Mouth Ski Boat Club, Natural Justice et Greenpeace Africa − déposent auprès du tribunal de Grahamstown une demande urgente d'interdiction provisoire contre Shell afin de l'empêcher "de commencer les tests sismiques dans l'environnement marin sensible et écologiquement diversifié de la côte sauvage d'Afrique du Sud", explique un communiqué de Natural Justice. Le projet de recherche de gisements de pétrole et de gaz par campagne sismique, prévu sur cinq mois dans la région sur une surface de plus de 6 000 km², doit alors démarrer le 1er décembre 2021. Une onde de choc aurait été envoyée toutes les dix secondes dans l'océan par des bateaux équipés de canons à air.
Le tribunal rejette la demande le 3 décembre. Un nouveau recours des communautés vivant dans la région, celles d'Amadiba, Cwebe, Hobeni, Port Saint Johns et Kei Mouth, est introduit mi-décembre et, quelques jours plus tard, les ONG font appel de la décision du 3 décembre. Les recours combinés des populations autochtones et des militants écologistes vont finalement avoir raison de Shell le 28 décembre.
"L'Afrique du Sud est fortement dépendante des importations pour une grande partie de ses besoins énergétiques. Si des ressources viables étaient découvertes en mer, cela pourrait contribuer de manière significative à la sécurité énergétique du pays", a fait valoir un porte-parole de Shell interrogé par l'AFP. Le ministre sud-africain de l'Energie avait défendu le projet de Shell, accusant ses détracteurs de faire barrage aux investissements économiques dont le pays a besoin, après de nombreuses manifestations d'écologistes et opposants dans le pays dans la première moitié du mois de décembre.
La victoire du droit à être consulté
Cependant, c'est la pression directement exercée par les communautés qui auraient subi les impacts négatifs du projet qui a convaincu la justice et a changé la donne. "Les voix des personnes directement concernées ont enfin été entendues, et les droits constitutionnels des peuples autochtones ont été confirmés", a estimé Sinegugu Zukulu du collectif de résidents Sustaining the Wild Coast dans un communiqué de Greenpeace Africa. "Cette affaire nous rappelle que les droits constitutionnels appartiennent au peuple et non au gouvernement, et que la seule façon de garantir que les droits des peuples autochtones sont vivants – et pas seulement écrits sur le papier – est de contester les décisions gouvernementales qui ne tiennent pas compte de ces droits. Cette victoire est extrêmement importante car nous avons fait en sorte que les droits des communautés autochtones restent vivants."
Même son de cloche du côté des conseils. "L'affaire revêt une importance considérable dans la mesure où elle montre que, quelle que soit la taille d'une entreprise, elle ignore les communautés locales à ses risques et périls", note l'avocat Wilmien Wicomb.
"Wild Coast", ressource vitale et joyau touristique
Ouverte sur l'océan Indien, la Wild Coast, aux paysages sauvages spectaculaires, s'étend sur quelque 300 kilomètres et compte plusieurs réserves naturelles et zones marines protégées. Selon Natural Justice, l'une des ONG qui s'est portée partie civile dans l'affaire, il s'agit du "littoral le plus diversifié d'Afrique du Sud". De nombreuses espèces menacées et protégées se trouvaient dans la zone d'étude de Shell. "Les propres documents" de la multinationale, précise un communiqué de l'ONG, indiquaient que "les relevés ne devraient pas avoir lieu en décembre en raison des baleines migratrices (...) qui traversent la zone".
Par ailleurs, les projets de Shell auraient également eu "des répercussions directes et graves sur les droits sociaux, économiques et culturels" et "sur le droit à l'autodétermination des communautés d'eXolobeni, de Nqamakwe et de Port Saint Johns, qui dépendent fortement de l'écotourisme et de la pêche pour leur subsistance et qui considèrent cette terre comme sacrée et profondément liée à leur identité et à leur patrimoine".
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