Corps mutilés, torture diffusée, suspects arrêtés... Ce que l'on sait du triple féminicide qui bouleverse l'Argentine

L'homme soupçonné d'avoir commandité les meurtres de Morena Verdi et Brenda del Castillo, deux cousines âgées de 20 ans, et de Lara Gutiérrez, 15 ans, a été interpellé mardi au Pérou.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 7min
Des milliers de personnes défilent à Buenos Aires, le 27 septembre 2025, après un triple féminicide qui a choqué l'Argentine. (MIGUEL M. CAAMANO / NURPHOTO / AFP)
Des milliers de personnes défilent à Buenos Aires, le 27 septembre 2025, après un triple féminicide qui a choqué l'Argentine. (MIGUEL M. CAAMANO / NURPHOTO / AFP)

Un triple féminicide qui bouleverse l'Argentine. La police péruvienne a interpellé, mardi 30 septembre, l'homme suspecté d'avoir commandité l'assassinat de trois jeunes femmes, près d'une semaine après la découverte des corps mutilés de Morena Verdi et Brenda del Castillo, deux cousines âgées de 20 ans, et de Lara Gutiérrez, 15 ans. Leurs supplices avaient été diffusés en direct sur les réseaux sociaux, provoquant un choc national. Voici ce que l'on sait de ce crime d'une rare brutalité.

Les corps des trois jeunes femmes ont été retrouvés mutilés

Les trois victimes, dont l'une était mère d'un bébé de 1 an, vivaient dans un quartier défavorisé, en banlieue de la capitale argentine. Elles ont été vues pour la dernière fois le 19 septembre. Selon Javier Alonso, ministre de la Sécurité de la province de Buenos Aires, elles sont montées de leur plein gré dans une camionnette vendredi soir à La Tablada, à environ 20 kilomètres au sud-ouest de la capitale.

Elles pensaient se rendre à un événement auquel elles avaient été conviées, mais sont tombées "dans un guet-apens tendu par un groupe transnational de narcotrafic qui avait élaboré un plan pour les tuer", a expliqué le ministre local lors d'une conférence de presse. Conduites dans une maison de Florencio Varela, en banlieue de Buenos Aires, elles y ont été torturées, filmées puis exécutées. Toujours selon les autorités, leurs corps ont été enterrés près d'une maison dans la grande banlieue sud de la capitale.

Une séance de torture a été diffusée en direct sur les réseaux sociaux

Javier Alonso a expliqué que les victimes ont subi une "session de meurtre et de torture", diffusée sur les réseaux sociaux. La séquence a été "apparemment visionnée par 45 personnes faisant partie d'un compte Instagram" fermé, dont l'existence a été révélée par l'un des interpellés. Cette mise en scène devait, selon lui, servir à intimider les membres du réseau criminel, leur sort étant censé servir d'exemple. 

Meta, maison mère d'Instagram, a assuré dans un communiqué consulté par l'AFP n'avoir "trouvé aucune preuve que la diffusion en direct ait eu lieu" sur le réseau social. Meta a toutefois assuré coopérer "avec les forces de l'ordre dans le cadre de l'enquête sur ce crime horrible".

Des milliers de personnes dans les rues de Buenos Aires

Samedi, plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans la capitale, à l'appel de l'organisation féministe Ni Una Menos ("Pas une de moins"), pour dénoncer un "narcoféminicide". Les parents et proches des trois victimes ouvraient le cortège, gonflé par plusieurs organisations de gauche radicale. Aux côtés des pancartes à l'effigie des victimes, de nombreux slogans s'étalaient sur les banderoles des manifestants : "C'était un narcoféminicide !", "Nos vies ne sont pas jetables !" ou encore "Nous nous aimons en vie !"

Des milliers de manifestants défilent à Buenos Aires, en Argentine, après un triple féminicide, le 27 septembre 2025. (MIGUEL M. CAAMANO / NURPHOTO / AFP)
Des milliers de manifestants défilent à Buenos Aires, en Argentine, après un triple féminicide, le 27 septembre 2025. (MIGUEL M. CAAMANO / NURPHOTO / AFP)

Le père de Brenda, Leonel del Castillo, a exhorté à "protéger les femmes", expliquant n'avoir "pas pu reconnaître" sa fille tant elle avait été suppliciée. Le cousin de Brenda et Morena, Federico Celebon, a déclaré dans un entretien à l'AFP qu'il arrivait à ses cousines de se livrer à la prostitution "pour survivre", dans un contexte de pauvreté, et à l'insu de la famille. Selon plusieurs médias, elles auraient été conviées dans ce but à la soirée fatale de vendredi dernier. D'après le jeune homme, elles n'étaient que "victimes d'un système qui ne leur laissait d'autre choix que d'accéder à 'ce type de travail' pour survivre". Ses cousines ont eu la "malchance" de "se trouver au mauvais moment avec les mauvaises personnes" qui "profitent des femmes", a-t-il dénoncé.

Neuf suspects ont été interpellés

Depuis mercredi, neuf personnes ont été arrêtées dans le cadre de l'enquête. Selon Gonzalo Fuenzalida, avocat de la famille de Lara, deux hommes et deux femmes ont été placés en détention provisoire pour "homicide par trahison". L'emploi de ce chef d'accusation s'explique par le fait que les jeunes femmes s'étaient rendues de leur plein gré à ce qu'elles pensaient être une fête.

Un cinquième suspect a été interpellé vendredi en Bolivie, accusé d'avoir fourni une voiture pour transporter les victimes, selon le ministère de la Sécurité argentin. Un autre, âgé de 29 ans, aurait été engagé par le gang pour creuser le puits où les corps ont été dissimulés. Lundi, la police a également arrêté une jeune femme, identifiée après une interview donnée à une télévision locale.

"Petit J", le principal mis en cause, est âgé de 20 ans 

Parmi ces neuf personnes interpellées, figurent "deux fugitifs du triple crime" arrêtés par la police péruvienne, a annoncé mardi sur X la ministre de la Sécurité argentine, Patricia Bullrich. Il s'agit d'un jeune homme de 20 ans surnommé "Petit J", suspecté d'être le commanditaire et visé par un mandat d'arrêt international, ainsi que celui présenté comme son bras droit, Matias Ozorio, 23 ans, selon les médias locaux.

D'après Javier Alonso, lors de la diffusion des meurtres, "Petit J" a lancé : "Voici ce qui arrive à qui me vole de la drogue". "C'est un fou. Il avait décidé de discipliner ses lieutenants en montrant de quoi il est capable pour asseoir son autorité", a commenté le ministre de la Sécurité de la province de Buenos Aires.

Selon le général Zenon Santos Loayza Díaz, chef des enquêtes criminelles péruviennes, le principal suspect avait fui en passant par la Bolivie et visait la ville de Trujillo, au nord du pays. Il a été localisé grâce à des "outils technologiques" et arrêté "à bord d'un camion transportant du poisson", caché dans la cabine. Toujours selon les autorités argentines, "Petit J" menait depuis deux ans des "activités de tueur à gages" et de "microtrafic de cocaïne". Son père avait été assassiné en 2018.

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