Comment l’Arménie se détache peu à peu de la Russie et se rapproche de l’Union européenne
Le Parlement arménien vient de voter un texte appelant le gouvernement à lancer le processus d'adhésion à l'Union européenne. Ce pays du Caucase, ancien allié de la Russie, cherche à se rapprocher de l'Occident.
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Pas à pas mais avec résolution, l’Arménie se rapproche de l’Union européenne depuis près d’un an et demi. Le 26 mars 2025, Erevan a franchi le Rubicon et le Parlement arménien s’est prononcé en faveur de l'adhésion à l'UE. Un vote massif : 64 voix pour (les députés du parti au pouvoir) et sept voix contre.
Déjà, en 2024, des partis libéraux et centristes ainsi que des ONG pro-européennes lançaient une pétition pour que l'Arménie rejoigne le processus d'adhésion à l’Union européenne. 60 000 signatures avaient alors été recueillies dans ce pays de trois millions d'habitants. En janvier dernier, le Premier ministre Nikol Pachinian soutenait ce projet d'adhésion, tout en précisant qu'il devait être approuvé par référendum. De son côté, la commissaire européenne à l'Élargissement Marta Kos assurait que Bruxelles accepterait cette demande "si elle est faite". Mais sur ce sujet, l’Union européenne reste encore très discrète.
La Russie est opposée à ce mouvement démocratique
Le Kremlin, en l’occurrence Alexeï Overtchouk, vice-Premier ministre pour l’intégration eurasienne, menace l’Arménie d'augmenter les prix du gaz et d'expulser les travailleurs arméniens qui travaillent en Russie en cas d'adhésion à l'UE. De plus, le secrétaire du Conseil de sécurité russe Sergueï Choïgou (l’ancien ministre de la Défense, un fidèle depuis que Poutine est au pouvoir) déclare qu’"Erevan pourrait perdre le bénéfice des accords de libre-échange avec la Russie". L'Arménie se méfie d’une réaction violente de Vladimir Poutine. La Russie conserve une base militaire à Gyumri, deuxième ville d'Arménie. 3 500 soldats russes de la 102e base militaire y sont stationnés, survivance de l'URSS.
L'Arménie reproche à Moscou son manque de soutien face à l'Azerbaïdjan, qui a entièrement reconquis par la force, à l'automne 2023, la région azerbaïdjanaise à majorité arménienne du Karabakh, sans aucune intervention de la Russie. En 2020, l’Arménie avait déjà été contrainte de capituler face à l’Azerbaïdjan. Erevan a dû accepter un plan de paix russe, considéré par ses détracteurs comme étant favorable à la partie azerbaïdjanaise.
Jusqu’à présent, la Russie était supposée d'être un allié traditionnel de l'Arménie. Des forces russes de "maintien de la paix" avaient été déployées pour protéger le corridor de Latchine, menant au Haut-Karabakh. Mais les 2 000 soldats ont fini par déserter les lieux. Erevan ne peut plus compter sur le soutien de son ancien "grand frère". Dans ce cas, pourquoi ne pas se tourner vers le camp occidental et l’Union européenne ?
L'Arménie ne compte plus sur la Russie pour sa défense
Fin janvier 2024, l'Arménie adhère officiellement à la Cour pénale internationale, en dépit des menaces du Kremlin. Désormais, si Poutine se rend en Arménie, les autorités peuvent l’arrêter. Début 2024, Erevan a par ailleurs suspendu sa participation à l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance très proche de la Russie (créée en 2002, avec le Bélarus, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et donc l’Arménie et la Russie). En juillet 2024 Nikol Pachinian valide l'organisation sur le sol arménien d'exercices militaires conjoints avec les Etats-Unis. L’ancien président autoritaire arménien, très proche de Vladimir Poutine, Serge Sarkissian, était président de l’OTSC de 2008 à 2018. Cette suspension de l’OTSC marque un changement radical en termes diplomatiques.
Ce tournant politique est du à Nikol Pachinian, soutenu par la jeunesse urbaine. De mars à mai 2018, une "Révolution de Velours" (en référence à la révolution pacifique, démocratique et anti-communiste menée par Vaclav Havel en Tchécoslovaquie en 1988) a tout balayé à Erevan. Serge Sarkissian a été contraint de démissionner et Nikol Pachinian a été propulsé à la tête du gouvernement. Journaliste, ce leader de la société civile arménienne est un démocrate proche des idées européennes. Son parti, Contrat civil, centriste et libéral dispose d'une large majorité, ce qui lui permet de tendre la main à l’Union européenne, sans opposition. Il existe aussi un parti pro-UE "Arménie lumineuse", emmené par Edmond Maroukian, qui plaide pour une adhésion à l’Union. Par ailleurs, la diplomatie arménienne multiplie les contacts avec des pays officiellement candidats, comme récemment avec le Monténégro.
L'Arménie traditionnelle, historique et religieuse toujours tournée vers la Russie
L'Arménie rurale et celle des petites villes préfèrerait-elle rester du côté russe ? L'Arménie proche de l’ancien pouvoir autoritaire de Sarkissian penche pour rester dans le giron de l’ancienne grande puissance soviétique. La Russie rappelle que l’Empire tsariste a toujours aidé l’Arménie traditionnelle, un pays chrétien dès le Ier siècle et orthodoxe. La Russie (ou l’URSS) a dominé l'Arménie de 1823 à 1991. L’Empire tsariste s’est emparé des régions arméniennes située au nord de la Perse et l’Arménie est alors partagée entre l’Empire ottoman et l’Empire russe. Mais l’Arménie, pays orthodoxe, se sent plus proche de la Russie. Surtout qu’entre 1894 et 1896, des massacres sont commis (entre 80 000 et 300 000 civils tués), dans la partie arménienne de l’Empire ottoman. Et le génocide de 1915 et 1916 fait entre 1,2 million et 1,5 million de victimes. La Russie est alors considérée comme une force protectrice en Arménie.
L'Arménie est, par ailleurs, encore dépendante des milieux économiques pro-russes. Aujourd'hui, trois millions d’Arméniens résident en Russie, soit l'équivalent de la population en Arménie. De nombreux businessmen arméniens ont la double nationalité arménienne et russe. Des Russes contrôlent donc l'économie arménienne. C’est le cas de Samvel Karapian, devenu milliardaire dans l’immobilier en Russie à partir de 1986 et revenu en Arménie pour racheter un club de football, le FC Ararat-Armenia Erevan. Ces riches Russo-Arméniens inquiètent les démocrates par leur proximité avec Vladimir Poutine. L’influence russe est puissante, économiquement et militairement, en Arménie. Quelle sera la force des démocrates arméniens ? Cela dépendra en partie du soutien apporté par Bruxelles.
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