Qu'est-ce que le sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai, qui réunit Xi Jinping, Vladimir Poutine ou encore Narendra Modi à Tianjin ?
Le président chinois Xi Jinping réunit dimanche et lundi à Tianjin une vingtaine de leaders eurasiatiques autour de cette organisation parfois présentée comme un contrepoids à l'Otan.
Dans la liste des invités, le Russe Vladimir Poutine, l'Indien Narendra Modi, le Turc Recep Tayyip Erdogan ou encore l'Iranien Massoud Pezeshkian... Le président chinois Xi Jinping réunit en grande pompe une vingtaine de leaders de la zone eurasiatique pour le sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), lundi 1er septembre, et présidera une réception en l'honneur des participants dès dimanche à Tianjin. Franceinfo vous présente cette organisation parfois présentée comme contrepoids à l'Otan, dont le sommet va donner lieu à des rencontres très observées.
Dix membres et près d'un quart du PIB mondial
L'OCS, créée le 15 juin 2001, associe dix Etats membres (la Biélorussie, l'Inde, l'Iran, le Kazakhstan, la Chine, le Kirghizstan, le Pakistan, la Russie, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan) et 16 pays observateurs ou partenaires, parmi lesquels l'Afghanistan, la Mongolie, l'Egypte, le Népal, le Qatar, les Emirats arabes unis, l'Arabie saoudite et la Turquie, recense le site de l'organisation. Elle représente ainsi presque la moitié de la population mondiale et 23,5% du PIB de la planète.
Son but premier était de faire face aux enjeux de sécurité régionale, "le terrorisme, le séparatisme ethnique et l'extrémisme religieux", selon les Nations unies, qui en sont partenaires. Mais l'intégration, en 2017, de l'Inde et du Pakistan, deux voisins pourtant opposés par un conflit dans la région du Cachemire, "affaiblit la raison d'être principalement sécuritaire de cette organisation au profit des priorités de développement économique", tempère Géoconfluences, un site de l'ENS de Lyon.
Pour RFI, le sommet de Tianjin illustre même la "métamorphose" de l'OCS "d'un cadre de coopération régionale" à "un instrument de légitimation d'un ordre international 'non occidental'".
Des participants au cœur des crises internationales
Le sommet de Tianjin, décrit comme le plus important depuis la création de l'OCS, a lieu dans un contexte de crises multiples touchant directement ses membres.
• La confrontation commerciale avec les Etats-Unis. La Chine et l'Inde font en effet partie des principales cibles des taxes douanières imposées par Donald Trump. La surtaxe sur les produits indiens importés aux Etats-Unis a ainsi été augmentée jusqu'à 50% mercredi. Le sujet s'annonce au cœur des discussions des participants au sommet, l'abondante communication officielle en amont exaltant le multilatéralisme dont l'OCS serait le modèle, loin des "mentalités de la Guerre froide et les notions dépassées de confrontation géopolitique", selon les mots de l'agence officielle Chine nouvelle. Le sous-entendu visant les Américains et leurs alliés occidentaux ne fait aucun doute.
• La guerre en Ukraine. Vladimir Poutine aura des discussions avec son hôte et allié chinois mardi à Pékin, et a affirmé à l'agence chinoise que les deux pays étaient "unis dans leur vision de la construction d'un ordre mondial juste et multipolaire". Il doit aussi s'entretenir avec le président turc Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre indien Narendra Modi. Il a besoin "de tous les atouts que présente l'OCS sur la scène mondiale et il a besoin du soutien de la deuxième économie mondiale", la Chine, décrypte pour l'AFP Lim Tai-wei, expert de l'Asie de l'Est à l'université Soka de Tokyo. "La Russie voudrait aussi rallier l'Inde à sa cause et les frictions commerciales de l'Inde avec les Etats-Unis offrent cette opportunité", ajoute-t-il.
Mercredi, le président russe assistera aussi à un défilé militaire où sera aussi présent le leader nord-coréen Kim Jong Un, la Corée du Nord étant l'un des principaux alliés de la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine. De nombreux alliés de Kiev soupçonnent Pékin de soutenir Moscou dans ce même conflit. En réponse, la Chine invoque la neutralité et accuse les Occidentaux de prolonger les hostilités en armant l'Ukraine.
En parallèle, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a échangé par téléphone avec Narendra Modi, espère que l'idée d'un cessez-le-feu, soutenue selon lui par le Premier ministre indien, sera abordée en Chine.
• Le dossier du nucléaire iranien. Enfin, "il s'agira également d'une réunion clef pour l'Iran, alors que l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont notifié aux Nations unies le 28 août que Téhéran avait manqué à ses obligations dans le cadre de l'accord sur le nucléaire de 2015", note la revue Le Grand continent. Vladimir Poutine a ainsi prévu de s'entretenir lundi du dossier nucléaire avec son homologue iranien Massoud Pezeshkian..
Des conflits parfois ouverts entre ses membres
Par ailleurs, l'OCS réunit des membres aux rapports délicats. La Chine et l'Inde, d'abord, qui se sont affrontés militairement sur leur frontière en 2020 et se livrent une intense compétition régionale. La visite de Narendra Modi sera d'ailleurs une première en Chine depuis 2018. Elle illustre l'effort en cours depuis plusieurs mois pour réchauffer les rapports entre les deux pays les plus peuplés du monde, a fortiori depuis que les droits de douanes américains pèsent sur leur économie.
Mais la portée de ce déplacement est "à relativiser", a expliqué Jean-Philippe Béja, directeur de recherche émérite au CNRS, à franceinfo. "Par exemple, le Premier ministre indien Narendra Modi est venu pour la réunion de l'OCS, mais il sera absent mercredi pour le défilé militaire chinois."
Le spécialiste de la Chine met aussi en avant les "contradictions" de la relation russo-chinoise. "Pour la Russie, c'est extrêmement gênant de dépendre de plus en plus de la Chine [pour ses approvisionnements en biens de consommation, en technologies, en drones, etc]. Ensuite, pour Pékin, c'est tout bénéfice, mais les Chinois sont très attentifs à ne pas aller trop loin dans un soutien ouvert à Moscou pour ne pas être victime des sanctions occidentales", analyse-t-il.
"Sur le terrain de l'OCS, c'est-à-dire sur l'Asie centrale, il y a une rivalité extrêmement forte entre la Russie et la Chine. La Chine chasse sur des terrains qui étaient autrefois ceux de l'Union soviétique."
Jean-Philippe Béja, directeur de recherche émérite au CNRSà franceinfo
Autre nœud de taille : la relation entre l'Inde et le Pakistan, qui se sont affrontés en mai après un attentat dans le Cachemire indien et se disputent la souveraineté de cette région depuis leur indépendance en 1947. Résultat : "En juin, l'Inde avait rejeté un premier brouillon de la déclaration [finale de Tianjin] qui ne condamnait pas les attaques au Cachemire, et il n'est pas clair si Modi signera finalement le texte", rapporte Le Grand continent.
Mais il ne faut pas accorder "une importance exagérée aux divergences d'intérêts ou à la compétition entre acteurs régionaux" au sein de l'organisation, nuançait une analyse de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) en janvier. "L'OCS a prouvé que ces rivalités pouvaient être surmontées, en faisant cohabiter avec succès l'Inde et le Pakistan en son sein depuis 2017."
Elles pourraient toutefois amoindrir les résultats de la rencontre. "L'OCS fonctionne par consensus", décrit Lizzi Lee, chercheuse à l'Asia Society Policy Institute, organisation basée aux Etats-Unis, à l'AFP. "Et quand vous avez des pays qui ont des désaccords profonds sur des questions cruciales, comme l'Inde avec le Pakistan, ou la Chine avec l'Inde, cela limite forcément les ambitions."
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