"Pour les Chinois, il ne s'agit pas de renverser l'ordre international, mais de le subvertir de l'intérieur", affirme l'ancien ambassadeur Claude Blanchemaison après la rencontre entre Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong-un
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L'ancien ambassadeur de France en Russie et en Inde Claude Blanchemaison est l'invité du "10 minutes info" de franceinfo mercredi 3 septembre. Il revient sur la rencontre au sommet entre Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong-un.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Accompagné de l'éditorialiste international de Franceinfo TV François Beaudonnet, l'ancien ambassadeur de France en Russie et en Inde et auteur du livre Fragments d'un parcours aventureux, Claude Blanchemaison, est revenu sur le défilé militaire en Chine, où Xi Jinping a posé avec Vladimir Poutine ou encore Kim Jong-un.
Quand vous avez vu la photo ce mercredi de Xi Jinping avec Vladimir Poutine ou encore Kim Jong-un côte à côte, quelle lecture avez-vous fait de cette image ? C'est juste un symbole ou c'est un vrai signal politique d'un changement de l'ordre mondial adressé à l'Occident ?
Claude Blanchemaison : Xi Jinping a organisé une démonstration de force qui dure depuis la réunion de l'Organisation de la coopération de Shanghai qui, cette année, avait lieu en Chine. Poutine a passé quatre jours, par conséquent, en Chine, ce qui est un événement considérable parce que Poutine ne se déplace jamais pour quatre jours. Ce défilé pour l'anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Asie – donc la victoire sur le Japon –, c'est Xi Jinping qui l'a inventé. Il existe depuis une dizaine d'années. Pour le 80e anniversaire, il a voulu donner une dimension énorme. Ça lui donnait l'occasion de donner un retentissement mondial à cet événement, qui, dans le fond, est un peu curieux. Parce qu'en fêtant l'anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il se fait l'héritier de Tchang Kaï-chek, puisque le Parti communiste n'est arrivé au pouvoir qu'en 1949, et donc la fin de la Deuxième Guerre mondiale, c'était Tchang Kaï-chek. Mais il reprend tout l'héritage, l'héritage impérial, l'héritage de Tchang Kaï-chek. Et en effet, le discours était un discours nationaliste.
"La Chine n'a pas le choix, elle est coincée par Kim Jong-un"
"La Chine est désormais inarrêtable", a dit le président chinois. Des entretiens bilatéraux ont aussi eu lieu, notamment entre Vladimir Poutine et le dirigeant nord-coréen qui "luttent ensemble contre le néonazisme contemporain". On voit qu'un ordre nouveau est en train de se mettre en place.
François Beaudonnet : Oui, c'est comme quand Vladimir Poutine parle des nazis en Ukraine. C'est la même chose. On revient toujours sur cette thématique-là. Ici, ce qui est fort, c'est qu'ils sont ensemble. Ils sont à côté. Vous parliez de cette photo, de ces images qui sont extrêmement fortes. Et on a le sentiment – on le sait depuis maintenant plusieurs années – qu'il y a une bascule dans le monde et qu'elle se fait au profit de l'Asie. En l'occurrence, ce sont plutôt des dirigeants eurasiatiques. Mais en tout cas, autour de la Chine. Et c'est ce que la Chine voulait montrer avec ce défilé, le plus grand défilé militaire qu'elle ait jamais organisé. Et c'est très réussi, avec un retentissement mondial. Toutes les chaînes du monde entier en montrent des images. Je regardais encore ce matin les chaînes américaines, on ne parle quasiment que de ça. Donc pour le président chinois, c'est un succès.
Et la Chine montre aussi qu'elle peut réunir à Pékin ces deux dirigeants très isolés sur la scène internationale, Vladimir Poutine et Kim Jong-un. Une démonstration de force diplomatique de la Chine. Mais elle peut aller jusqu'où, cette influence chinoise ?
Claude Blanchemaison : La Chine n'a pas d'alliés. Sur le plan militaire, elle a des accords de coopération, elle soutient des gens qui pensent comme elle, elle se veut le leader du Sud global. C'est un peu l'héritier du mouvement des non-alignés, mais elle a des relations un peu compliquées, par exemple avec la Corée du Nord. La Corée du Nord lui a échappé en développant une bombe, un peu contre le vœu de Pékin. Et probablement, à mon avis, en fournissant des soldats nord-coréens à Poutine, ce qui n'était pas le souhait de la Chine. Mais la Chine est coincée parce qu'elle ne peut pas accepter une réunification de la Corée – au profit forcément de la Corée du Sud, qui est l'élément le plus dynamique avec lequel elle a de très bonnes relations économiques. La Chine n'a pas le choix, elle est coincée par Kim Jong-un. En ce qui concerne Poutine, c'est un peu la même chose. Si on regarde le communiqué de l'Organisation de coopération de Shanghai, on y lit des choses tout à fait remarquables : "Il faut passer par l'ONU", "Il faut régler les différends à l'ONU", "L'Organisation mondiale du commerce, c'est formidable",... Monsieur Trump peut lire entre les lignes que ça lui est adressé. Pour les Chinois, il ne s'agit donc pas de renverser l'ordre international, il s'agit de le subvertir de l'intérieur – en mettant notamment des dirigeants chinois aux bons endroits dans les organisations qui existent. Et c'est tout à fait différent.
Pas renverser l'ONU ou l'OMC, mais s'en servir, faire de l'entrisme...
Claude Blanchemaison : Tout à fait. Et c'est efficace. Mais c'est tout à fait différent. Et c'est aussi dû au fait qu'ils ont le temps. Alors que pour les Chinois, Poutine est un Européen un peu en colère, qui pense dans le temps court. Ce n'est pas du tout la perspective chinoise. J'ajoute une chose, c'est que Narendra Modī (Premier ministre de l'Inde) est parti depuis quelques années de l'organisation de coopération de Shanghai, mais il n'était pas au défilé. Il était au sommet mais est rentré chez lui. Parce que quand même... Il retourne vers les Chinois, bien que ce soit un peu l'ennemi héréditaire à travers l'Himalaya et les tensions qu'il y a dans la haute frontière – un peu vers Poutine aussi – à cause de Trump. Trump lui a collé 50 % de droits de douane !
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